Jean-Pierre Filiu, chercheur français, exerçant au Ceri, était avant-hier à Alger, pour animer une conférence sur ce qui se passe dans le monde depuis fin 2010. Reprenant l'intitulé de son livre sur la question, «la révolution arabe, dix leçons sur le soulèvement démocratique», Filiu a proposé une interprétation qui ne se limiterait pas aux faits enregistrés. Défendant l'idée selon laquelle il s'agit bien d'un «début de renaissance arabe», le conférencier, arabisant, a exprimé son opposition à «l'illusion du printemps», mais également à celle de l'automne. Cette dernière qui renvoie à l'accession des islamistes aux gouvernements, une issue qui fait agiter de nombreuses voix dans le monde arabe comme en Occident. Pour lui, il s'agit d'un processus long qui vient juste de commencer. Un processus qui traduit pour le moment, selon Filiu, «la victoire des forces de la vie sur les forces de la mort». Interrogé sur une prétendue manipulation occidentale dont le moteur serait Wikileaks, l'enseignant à l'école des Affaires de sciences politiques de Paris n'accorde pas de crédit à une telle thèse. «Il faut accorder un minimum de confiance aux peuples arabes. Les jeunes de ces pays n'ont pas attendus Wikileaks pour savoir l'ampleur de la corruption autour des familles Ben Ali et Moubarek», dira-t-il. Dans l'exposé, le chercheur a fait une synthèse de son livre en présentant succinctement les dix leçons à retenir de la «Révolution arabe». Parmi ces dix leçons, il y a celle qui soutient que «les Arabes ne sont pas une exception. Que la démocratie ne s'arrête pas aux frontières du monde arabe. Ce qui était, par contre, une exception, c'est la résilience des dictateurs dont la longévité a atteint l'indécence». A propos des acteurs de la révolution, Jean-Pierre Filiu conclut et confirme que «la jeunesse était en première ligne, ce qui traduit une transition démographique qui s'opère au sein de la société». Le conférencier observe cependant un rôle plutôt excessif accordé aux réseaux sociaux. «Mais les réseaux sociaux ne font pas la révolution. La révolution est dans la rue», tranchera-t-il. Concernant l'encadrement des révolutions, l'orateur a retenu le fait qu'on peut gagner sans le chef. Constat vérifié et confirmé dans la révolte des Tunisiens et des Egyptiens. Au sujet de la donne politique née après la chute des dictateurs, Filiu estime que «les islamistes sont au pied du mur». Filiu conclut, par ailleurs, au fait que «la Palestine était aussi au cœur du printemps arabe». La raison ? Le conférencier note que «des jeunes arabes se sont fait tabasser en voulant manifester leur solidarité avec Ghaza». A. Y.