Photo : M. Hacène Par Ali Boukhlef «Les Accords d'Evian ne sont pas que des paroles. Ce n'est pas une simple feuille. Cela doit être un repère pour les jeunes générations.» Ces phrases de Rédha Malek, dernier survivant de la délégation algérienne à Evian, sonnent comme un testament. Venus d'un homme qui avait, il y a tout juste 50 ans, annoncé, le 18 mars 1962, que l'Algérie allait devenir indépendante dans les quelques semaines qui allaient suivre cet accord historique, ces mots valent leur pesant d'or.Le porte-parole de la délégation algérienne aux négociations d'Evian était hier l'invité de l'association Machaâl Echahid, qui avait organisé une journée commémorative à l'occasion du cinquantenaire des Accords d'Evian. «Il y a cinquante ans, jour pour jour, que les Accords d'Evian avaient été signés, du coté algérien, par feu Krim Belkacem. Ce grand militant de la cause nationale avait paraphé le document au nom du Gpra et au nom de l'Algérie. Je lui rend un grand hommage aujourd'hui», a commencé par dire Redha Malek. Pour lui, ce document n'est pas banal. «Il est toujours d'actualité. Parce que ces accords ont consacré trois principes qui étaient pour nous non-négociables : l'indépendance nationale, l'intégrité territoriale et l'unité du peuple algérien», a insisté l'ancien premier ministre.Rédha Malek se souvient, malgré ses 81 ans, de menus détails des négociations entre le FLN et le gouvernement français. Il rappellera, avec une précision déconcertante, que les premiers contacts entre les deux parties avaient commencé à Alger en 1955 par «le biais de l'architecte et néanmoins ami de l'Algérie, André Mandouze». Mais ces contacts, au même titre que les 6 autres qui auront lieu durant l'année 1956, ne donneront rien. «Nous avions toujours exigé à ce que toute négociation se fasse, avec comme préalable, la reconnaissance de l'indépendance nationale», a-t-il insisté. Cependant, le piratage, en octobre 1956, de l'avion qui conduisait la délégation du FLN à Tunis, avait mis fin à tout contact, explique l'ancien ministre du Gpra. Pour lui, les dirigeants de la révolution avaient compris que ces contacts ne menaient à rien. D'autant plus que Guy Mollet, qui commençait au départ à croire à la paix, avait durci sa position lorsqu'il était confronté aux ultras de l'Algérie française.Rédha Malek rappellera également qu'à partir de septembre 1958, avec la création du Gpra, les dirigeants de la révolution avaient placé la barre plus haut : désormais, c'est avec un Etat que les Français devront négocier. Aux appels du pied de, de Gaulle qui avait pris plusieurs initiatives à partir de 1959, les Algériens ne voulaient rien entendre en dehors de la reconnaissance de l'indépendance. «Pour nous, il était hors de question de cesser les hostilités avant la signature d'un accord qui aille dans le sens de notre combat», insiste Rédha Malek. Ainsi, lorsque les négociations ont repris en 1961, avec une médiation suisse, les représentants du Gpra ne voulaient plus discuter sans le préalable de l'indépendance nationale et l'intégrité du territoire. Parlant du premier round de négociations à Evian (en 1961) l'orateur se souvient que «Krim s'est levé et dit aux Français que nous n'avons plus rien à nous dire et que la délégation s'est retirée». Les négociateurs algériens étaient donc intransigeants sur la question du Sahara. Il a fallu que le général de Gaulle accepte, en octobre 1961, qu'il n'y ait plus de préalable à la reprise des négociations pour que le Cnra accepte enfin de reprendre langue avec la partie française. «La délégation algérienne avait préparé un document qu'elle avait soumis au Cnra, réuni à Tunis. Le Conseil national de la révolution algérienne avait accepté le document. Seul Boumediène était contre le document pour des raisons internes. Nous avions eu mandat d'aller négocier. C'est ce que nous avions fait», se rappelle-t-il. Rédha Malek consent que la délégation algérienne avait montré une certaine souplesse sur «des questions secondaires». Il s'agit notamment des bases militaires françaises et des installations nucléaires. Mais, se rappelle-t-il, l'essentiel était acquis : le 18 mars 1962, à 17 heures, le document qui a sanctionné 13 jours de négociations avait été paraphé. Krim Belkacem avait signé pour l'Algérie. Trois ministres, dont Louis Joxe, avaient fait de même pour la France. Le lendemain, 19 mars à midi, le Gpra avait donné ordre à l'ALN de cesser le feu. C'était chose faite», témoigne-t-il avec un brin de fierté. C'était aussi à cet instant, celui de la signature des accords, que «nous avions serré la main des Français pour la première fois depuis le début des négociations».