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«Il faut limiter tous les mandats à deux»
Belaïd Mohand-Oussaïd, président du PLJ à La Tribune
Publié dans La Tribune le 23 - 03 - 2012


Photo : Sahel
Entretien réalisé par
Ali Boukhlef

La Tribune : Votre parti, le PLJ, vient de recevoir son agrément. Où en êtes-vous ?
Belaïd Mohand-Oussaïd : Le PLJ a reçu son agrément officiellement depuis trois semaines, soit le 26 février dernier. Nous sommes actuellement au stade de la structuration du parti sur le terrain. Des bureaux de wilaya sont en cours d'installation, et certaines wilayas sont même passées à la deuxième phase en menant la même opération au niveau des communes. Cette phase se déroule dans des conditions à la fois matérielles difficiles dues à l'absence de locaux dont souffrent les nouveaux partis et un peu spéciales, puisqu'elle se situe à la veille des élections législatives. D'où cette difficulté d'aller à la vitesse que nous voulons, car dans cette campagne de fièvre électorale, il est difficile de faire la différence entre ceux qui veulent adhérer au parti par conviction et ceux qui sont uniquement à la recherche d'une candidature à l'APN ou aux prochaines élections locales. Ce n'est pas une œuvre facile. Notre perception de la réalité est ainsi parasitée, ce qui fausse tous nos calculs et retarde la réalisation de notre ambition qui est de construire un parti politique sur des bases solides, un parti sérieux composé d'hommes et de femmes intègres, compétents, convaincus et décidés à servir le pays et non pas à s'en servir.

Comment faites-vous pour distinguer le vrai militant du faux ?
Pour distinguer les uns des autres, nous cherchons à savoir pourquoi le candidat veut adhérer au PLJ. Dans la plupart des cas, la réponse est souvent : je connais le président à travers l'élection présidentielle de 2009. La même réponse est souvent donnée lorsqu'on lui demande s'il connaît le programme du parti. On pousse plus loin : «Que pensez-vous des prochaines législatives ?», «Oui, il faut participer». Notre réponse est alors simple : «Si vous voulez participer, nous, nous n'avons pas l'intention de le faire dans votre wilaya, car nous ne sommes pas encore prêts». Là, on teste ses intentions. Apparemment, cela a l'air de marcher, puisque beaucoup sont déçus par nos réponses et ne reviennent pas. Ils partent tenter leur chance ailleurs.

A deux mois des législatives, il semble que vous êtes pris de court. Dans combien de wilayas pouvez-vous présenter de candidats ?
Pour l'instant, le bureau national a arrêté une liste de 20 wilayas. 11 autres sont à l'étude. On aura au total entre 25 et 30 wilayas. C'est un chiffre que nous avons choisi pour éviter de tomber dans des situations où nous aurons des candidats qui ne seront pas vraiment des militants convaincus du programme politique du PLJ. On prend le maximum de précautions pour éviter de tomber dans le jeu des opportunistes ou dans le jeu de la puissance financière dont les détenteurs veulent envahir le Parlement pour mieux protéger leurs intérêts, au détriment des compétences nationales dépourvues des moyens de leur tenir tête. Il est regrettable de constater que cette tare est dominante dans notre société, et il faudra du temps et de la persévérance pour l'éradiquer car elle est en train de passer dans notre culture, hélas, comme une valeur sociale, certainement négative.

Vous avez déclaré à plusieurs reprises que le PLJ n'est pas un parti islamiste. Dans quelle tendance politique vous situez-vous dans l'échiquier politique national ?
D'abord, je n'ai jamais déclaré cela car, d'une part, le PLJ se veut un parti rassembleur, et d'autre part, je fais la différence entre islamiste et musulman. Ensuite, pensez-vous que cette question intéresse vraiment le peuple algérien ? Regardez ce qui se passe dans les pays développés où le débat idéologique a disparu laissant place aux questions économiques. Que peut apporter la couleur d'un parti, de concret, au chômeur à la recherche d'un emploi, au couple à la recherche d'un toit, au malade à la recherche de médicaments qu'il ne trouve pas ou qu'il ne peut pas acheter, au ménage inquiet de la cherté de la vie, aux parents inquiets de l'environnement social pour leurs enfants…… ? Que peut-elle apporter pour un pays à la recherche d'une économie de croissance et d'emploi ? Cette classification indique tout simplement que nous sommes en retard d'une génération, en retard sur nos voisins du Nord. Ce qu'attend le citoyen d'un parti politique, c'est ce qu'il fait pour améliorer son quotidien, et ouvrir des perspectives pour son avenir. C'est ce qui doit être pris en considération dans un programme politique. Le reste est l'affaire des salonards.

Allons-y, parlons de votre programme économique et social….
Je ne vais pas m'étaler sur les détails. Je me contenterai de deux points essentiels, l'un politique et l'autre économique.Sur le premier point, nous devons tous nous atteler à l'édification de l'Etat de droit régi par la morale et basé sur des institutions élues pour garantir la stabilité institutionnelle à notre pays. C'est la condition sine qua non à toute relance de notre développement économique. Dans l'histoire de l'Algérie indépendante, une constante revient ; chaque président élabore avec sa propre constitution. C'était le cas de Benbella, Boumediène, Chadli, Zeroual et, maintenant, de Bouteflika. C'est trop et c'est mauvais pour le pays parce que cela entraîne une instabilité institutionnelle à chaque changement au sommet de l'Etat et cela se répercute négativement sur le mode de développement économique. Il y a donc urgence à assurer cette stabilité institutionnelle pour permettre un réel décollage de l'économie nationale. Pour y parvenir, rien ne remplace une démarche consensuelle qui permet à tous les courants politiques, sans exception, de participer au choix du régime politique et institutionnel de l'Algérie. C'est en cela que la prochaine APN sera d'une importance capitale. Pour une œuvre aussi déterminante pour l'avenir du pays, pas de place à la démocratie arithmétique, tous les avis se valent et aucun ne doit être négligé. La deuxième proposition que fait le PLJ concerne la nécessité absolue de traduire dans les faits le slogan de la diversification de nos ressources économiques pour réduire notre dépendance à l'égard des hydrocarbures et construire une économie créatrice de croissance et d'emploi. Je pense qu'il n'est pas juste de se lancer dans des propositions sans avoir des données fiables et vérifiables sur l'état réel de notre économie. Depuis l'indépendance, beaucoup de choses ont été faites mais nous n'avons pas fait une évaluation objective de nos expériences économiques sauf peut-être lors du lancement des réformes économiques en 1989, et vous avez vu le tollé que cela a soulevé parmi les éternels gâtés du régime. Les données dont nous disposons, y compris celles émanant d'organismes officiels, sont contradictoires ; affichant parfois un décalage énorme. Cela rend opaque toute vision. A partir de ce constat, on ne peut pas élaborer des choix économiques sérieux à long terme. Il faut donc faire un vrai état des lieux à travers un congrès national qui réunira des experts, des économistes, des politiques, des représentants de la société civile et du monde du travail. Un débat public devra permettre de remettre à plat les données de l'économie nationale pour définir une stratégie économique consensuelle à long terme. Aux acteurs économiques et politiques de rivaliser ensuite pour son application chacun selon son savoir-faire et ses compétences.

Vous employez souvent le mot «consensus». Quels sont les critères que vous prendrez en compte pour nouer d'éventuelles alliances avec d'autres partis politiques ?
Ce terme est employé à dessein parce qu'il est la résultante de 50 années d'indépendance qui ont démontré que l'Algérie ne peut être gouvernée par un seul courant politique, si large fut-il. Cela dit, une alliance tactique et conjoncturelle pour le contrôle des urnes est
possible, voire même nécessaire dès lors qu'aucun parti ne peut, à lui seul, avoir le nombre nécessaire de militants pour assurer le contrôle dans 55000 bureaux de vote. Mais sur le plan stratégique, un parti politique qui s'inscrit dans une démarche consensuelle ne peut agir séparément ou se lier par une alliance qui est forcément sélective et donc non consensuelle. Pour cela, pour les grandes options politiques et économiques, nous sommes prêts à travailler avec tous les partis politiques sans tenir compte de leur couleur politique.

Comment fait un parti aussi nouveau que le vôtre pour se prendre en charge sur le plan financier ?
C'est une question très difficile que nous affrontons dans un milieu très pollué. L'argent a souillé la vie politique dans notre pays. Malheureusement, nous vivons ce problème au quotidien. Moi-même, qui croyais connaître l'Algérie profonde pour avoir été toujours en contact avec elle, je découvre des choses inimaginables. Nous sommes obligés de tenir compte de cette situation. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé volontairement de réduire le nombre de wilayas où nous nous présenterons. Nous réduisons ainsi le risque d'être atteints par la maladie de l'argent sale. Pour notre fonctionnement interne, nous avons fait en sorte que chaque bureau de wilaya se prenne en charge financièrement, à travers les cotisations des militants. Chaque bureau doit justifier l'origine de ses fonds. Nous avons interdit tout financement externe, exception faite pour les gens propres dont nous acceptons des dons en nature, mais pas de liquidités. Cela est vérifiable.Nous sommes obligés de tenir compte de cette situation. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé volontairement de réduire le nombre de wilayas où nous nous présenterons. Nous réduisons ainsi le risque d'être atteints par la maladie de l'argent sale. Pour notre fonctionnement interne, nous avons fait en sorte que chaque bureau de wilaya se prenne en charge financièrement, à travers les cotisations des militants. Chaque bureau doit justifier l'origine de ses fonds. Nous avons interdit tout financement externe, exception faite pour les gens propres dont nous acceptons des dons en nature, mais pas de liquidités. Cela est vérifiable.

Etes-vous candidat ?
Je ne suis candidat ni à Alger, ni ailleurs. Je préfère laisser la chance aux jeunes du PLJ, sinon ce serait de l'égoïsme de ma part.

La nouvelle loi sur les partis politiques exige que les partis réservent un quota pour les femmes. De même que l'incorporation des
jeunes en politique est un débat de l'heure. Comment vous vous y prenez ?
Nous sommes en avance sur cette loi puisqu'au congrès constitutif, 37% des femmes ont été élues à la direction politique du parti, et la moyenne d'âge de l'ensemble des congressistes est de 33 ans. Quant à l'inclusion des femmes dans les listes électorales pour les prochaines élections législatives, je dois vous avouer que dans certaines régions des réticences existent encore. Autrement dit, les mentalités ne suivent pas la loi et sont réfractaires à cette exigence de la modernité de faire de la femme un partenaire politique à part entière. J'espère que la femme algérienne profitera et saura s'affirmer par ses qualités et son sérieux. Pour ce qui est des jeunes, c'est à eux d'assumer leurs responsabilités et de s'impliquer pleinement dans la construction de l'avenir de leur pays. Personne ne le fera à leur place. Je les invite à chasser le désespoir de leur tête, et à ne pas se laisser décourager par le comportement de certains de leurs aînés qui ont failli à leur mission. Je me révolte contre ces jeunes qui acceptent qu'on les cantonne dans les 4H (Hittiste, Harga, Harba et Hogra). Je les invite à démontrer le contraire avec un esprit responsable et dans un cadre organisé. Car, la liberté a deux ennemis majeurs : l'anarchie et la dictature. Le PLJ leur est ouvert pour cette mission noble.

Vous parlez justement de «dictature». Les révolutions dans les pays arabes ont mis en avant le débat sur l'alternance au pouvoir. Que préconisez-vous dans ce domaine ?
L'alternance est dans la nature des choses, c'est l'essence même de la démocratie qui est inconcevable sans un contre-pouvoir fort et crédible. Au sein du PLJ, nous avons tranché cette question en rejetant la monopolisation du pouvoir de la représentation nationale, c'est-à-dire les mandats illimités, qu'ils soient locaux (APC, wilaya) ou nationaux (Parlement, présidence de la République) et même la présidence du parti. Nous préconisons un seul mandat renouvelable une seule fois. Cela évitera au pays au moins une des raisons qui ont provoqué des changements violents dans les pays voisins avec les conséquences qui sont en cours, et pour certains lourdes de dangers. On peut me rétorquer et dire qu'en est-il de celui qui a réussi pendant ses deux mandats et que les électeurs veulent garder ? Dans ce cas, il doit partir et revenir plus tard s'il le désire comme l'a fait Poutine en Russie. La culture politique dans une démocratie saine s'oppose aux mandats illimités et à la monopolisation du pouvoir. Le mandat électif ne doit pas être éternel, car et le monopole du pouvoir est un facteur de blocage pour une évolution saine de la société. Et ce n'est pas les exemples qui manquent dans l'histoire.


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