A travers ce sacre, justice est rendue aux premières autorités du pays qui injectent des sommes colossales dans le sport, toutes disciplines confondues et particulièrement dans le football. Cette coupe, arrachée de haute lutte à l'occasion de la Coupe d'Afrique des nations des moins de la catégorie juniors, est venue donc réconforter ceux qui s'investissent sans compter (autorités politiques, ministère des Sports, différents bureaux fédéraux, dirigeants de clubs, journalistes sportifs, supporters, etc.) dans le sport. La joie était totale. S'il arrive de se remémorer de ces moments de joies, ce n'est pas souvent la grande joie, tant le talent s'est effrité, installant ainsi une certaine désolation. Conséquence : il faut encore recommencer, toujours recommencer. Après le bonheur né du sacre, on est en droit donc de se poser une question : ces jeunes mériteront-ils le sort de leurs devanciers ? Osons croire que non. Et que sait-on des championnats juvéniles ? Sont-ils fréquentés, suivis? Ont-ils un écho dans les médias ? Intéressent-ils les recruteurs ? Au début des années 1970, Madjer, Assad, Fergani, Merzekane, Belloumi, Bensaoula, Kouici, étaient des stars annoncées bien avant de figurer parmi les seniors. Quels noms nouveaux, quelles nouvelles graines de génie nous promettent les cadets et les juniors d'aujourd'hui? Jusqu'à la valeureuse équipe concoctée par Kermali et qui nous représente à la CAN de 1979 et le mondial nippon, qui peut vraiment nous en conter mot ? Qui peut y distinguer un petit virtuose d'avenir ou futur champion ? Si les Aiglons nigérians ont dominé les premières années de la compétition, c'est à l'Algérie que revient l'honneur d'être le premier pays à remporter la CAN, en 1979.Vainqueurs dans la douleur de la double confrontation qui les oppose au Syli National à Conakry (1-2), l'Algérie remporte la 2e manche sur son terrain à Alger (3-2). Les Fennecs d'Algérie seront qualifiés pour disputer la 2e Coupe du monde de la catégorie, au Japon en 1979, en compagnie de leurs valeureux adversaires guinéens. Tout au long de leur parcours, les Algériens vont révéler des talents comme le buteur Djamel Menad ou le milieu de terrain Nacer Bouiche, deux hommes qui vont très vite intégrer la sélection nationale. On a pointé du doigt le professionnalisme. Cela n'explique pas tout. Certes, les marchés de joueurs, leur internationalisation ont déplacé les perspectives. Si les effectifs se renouvellent à l'achat et à la vente, si les transferts se font de pays à pays, de continent à continent, la logique des budgets peut éventuellement compenser la logique de la formation, voire de «l'auto approvisionnement». Notre football, sans doute par tradition, à, néanmoins, du mal à se faire à ce système. Si la responsabilité des dirigeants est souvent engagée dans ce manque de suivi, il y a aussi la faute des jeunes eux-mêmes. Les victoires rendent souvent fous. A peine atterris dans leurs clubs respectifs – après de brillantes prestations qui génèrent le plus souvent de bonnes primes – les jeunes joueurs se laissent aller à la frime. Désormais, c'est le «m'as-tu-vu», qui est aux antipodes de la rigueur que doit s'imposer tout athlète ambitieux. La carrière d'un jeune ne s'arrête pas à un trophée même continental. La discipline et le travail personnels doivent être une réalité, une exigence. Aucune place n'est garantie en sélection nationale parce qu'on est champion d'Afrique. La concurrence est constamment rude. Ce n'est pas parce qu'on est champion d'Afrique que la place est d'office garantie. C'est dire donc que ceux qui se laisseront aller devront observer de loin l'évolution des autres joueurs, ceux qui croient en eux et qui travaillent à viser l'excellence. La responsabilité du joueur lui-même est engagée. Dans ce sens, en vue du prochain mondial, la concurrence devra permettre de renforcer cette sélection pour des résultats encore plus éclatants en CAN 2013 des U-20 en Algérie. Les entraîneurs, les responsables des centres de formation sont à féliciter. Ils devront poursuivre leur travail de veille et d'éveil afin que le talent ne soit pas freiné dans son élan. Ce serait dommage ! Business oblige, les grands joueurs doivent être vendus Quand, par exemple, nos grands clubs cèdent leurs meilleurs joueurs à des équipes européennes pour les remplacer par des Africains ou des Maghrébins, c'est à leurs propres jeunes talents qu'ils barrent la route, c'est leur propre formation, leur propre relève qu'ils mettent paradoxalement en cause, voirec'est peut-être à l'essence, à la souche même, à la nature de notre football qu'ils touchent. Ce football a prouvé pendant plus de trois décennies qu'il était foncièrement «nourricier», apte à produire des talents d'exception, des footballeurs de génie. On ne peut croire que la bonne veine s'est subitement mise à sec. On ne peut se résigner à cette brusque et incompréhensible pénurie. Des problèmes de structure, de choix se posent assurément. Il est bon de les identifier d'ores et déjà. Ce petit dossier sur les jeunes footballeurs ne vise personne ni ne crie à la crise. Simplement, il interroge autant qu'il s'interroge sur ce qui est l'avenir de notre football. Il anticipe en quelque sorte et en faisant appel aux vraies compétences sur les questions de demain.
La faute au «réalisme»... L'inspiration, la liberté, le plaisir de jouer, le geste technique sont relégués au second plan dès le début de la formation. Passons sur les centres qui s'apparentent plus à des club-houses, où l'on héberge moins de footballeurs algériens qu'étrangers. La tendance générale, à savoir l'acharnement à faire de l'équipe un bloc infranchissable, peut expliquer la modeste valeur technique du football algérien. Depuis une dizaine d'années, notre championnat n'est plus spectaculaire, car la prépondérance de la défense sur l'attaque fait que les «bons joueurs devant» se font de plus en plus rares. Les propos de Abdelhafid Tasfaout, l'ancien buteur patenté de la sélection, sont significatifs à ce sujet : «Quand je jouais, je connaissais presque tous les joueurs des équipes adverses, tellement ils étaient de grande qualité. Aujourd'hui, je suis incapable de vous citer même les onze du MCO, mon ancienne équipe ou de l'ASMO.» Au nom du résultat immédiat, la sécurité, le «réalisme» sont érigés en système, en culture de jeu. L'inspiration, la liberté, le plaisir de jouer, le geste technique sont relégués au second plan dès le début de la formation. On joue essentiellement pour ne pas perdre, et les «batailles tactiques» prennent le dessus, même chez les cadets ! La finalité du jeu est rapidement oubliée ! Le foot s'en ressent automatiquement, à tous les niveaux, avec, à la fin, un grand dommage pour ces jeunes à qui l'on offre un pauvre spectacle. La formation telle qu'elle est à l'heure actuelle consacre les mauvais réflexes. On se passe la balle à 10 dans la zone, pis encore, on la conserve à 30 m de son but. A . B.