Photo : Riad Par Y. Bouarfa Les recruteurs des clubs européens viennent massivement lors des compétitions africaines, toutes catégories confondues, pour suivre les rencontres, et, qui sait, dénicher l'oiseau rare qu'ils peinent à trouver ailleurs. Les joueurs africains sont l'expression d'un football basé sur une grande force physique, mais peu d'attention était portée sur les aspects tactiques. Aujourd'hui, les choses ont changé. Vingt ans après, le football africain a développé une plus grande attention sur tous les aspects du jeu. En dépit des carences soulignées plus haut, les recruteurs tous azimuts sont fidèles au talent africain, qui reste la meilleure expression du football avec des interprètes comme Drogba, Eto'o, Ziani,Kanouté, Chamakh. En dépit de l'incertitude qui caractérise le sport et fait sa beauté, beaucoup de recruteurs n'hésitent pas à effectuer de longs déplacements pour suivre les sélections de jeunes, lors de leurs mondiaux et de championnats susceptibles de leur offrir quelques joyaux qu'ils revendront à prix d'or. Il s'agit, notamment, des sélections du Ghana, du Cameroun, de Côte d'Ivoire, du Sénégal, du Mali, du Nigeria… En plus des joueurs locaux qui sont doués, on s'aperçoit que ces sélections ont toutes la particularité d'être composées presque totalement de joueurs évoluant en championnat. Pour de nombreux footballeurs africains, l'expatriation, de préférence en Europe, reste la seule alternative pour mener une belle carrière et gagner convenablement leur vie. Durant la CAN, le spectacle n'attirera pas que des spectateurs ; des recruteurs officiels et officieux vont également faire le déplacement dans l'espoir de détecter et de recruter les jeunes talents. La formation et les transferts de joueurs sont devenus des activités très lucratives et constituent de substantielles sources de revenus pour les clubs. Mais, surprenant que cela puisse paraître, le football professionnel fonctionne sur des bases juridiques contestables. Qu'il s'agisse de transfert, d'indemnisation des clubs formateurs, de clauses liant les joueurs aux clubs, et du rôle des agents, l'auteur montre l'urgence de clarifier les règles du jeu afin d'assainir un secteur qui défraie régulièrement la chronique. Pour tous les footballeurs professionnels, particulièrement les Africains évoluant en Europe, la loi sur la défense de leurs intérêts ne constitue pas une priorité et est souvent bafouée. Certains vendeurs de rêves promettent monts et merveilles Vu le nombre de footballeurs africains qui s'expatrient, notamment en Europe, et qui ne cessent d'augmenter d'année en année, sans compter les amateurs qui sont des milliers, le football africain se modernise, prend beaucoup d'ampleur et pèse économiquement. Pour cela, beaucoup de gens ne savent pas ce que veut dire un transfert au plan juridique, s'autoproclamant agent ou recruteur. Pourtant, il y a 3 500 transferts dans le monde par an générant 2 milliards d'euros, mais la base juridique de ces opérations n'est pas clairement établie. Du coup, chacun fait ce qu'il veut. Attiré par les sirènes, le joueur est obnubilé par le contrat et le montant que lui font miroiter les vendeurs de rêves. Il ne s'assure même pas que le contrat qu'on lui propose est écrit dans une langue qu'il comprend, car certains signent des contrats sans rien comprendre à la langue dans laquelle ils sont rédigés. La FIFA prévoit, également, qu'un avocat peut assister le joueur visé. Il doit traiter avec un agent et s'assurer, surtout, qu'il a la licence FIFA afin d'éviter de tomber dans de mauvaises mains. Car, il y a des agents qui débarquent en Afrique, contournent les centres de formation et vont traiter directement avec les parents en leur octroyant des sommes faramineuses pour les subjuguer. Dans ce cas, il est recommandé aux parents de se faire assister par un avocat qui va vérifier que l'agent est bien mandaté par un club avant de signer le contrat, car une fois le contrat signé, on ne peut plus rien faire. Un transfert doit obéir à une réglementation dictée par les lois de la FIFA, sur une base juridique, en évoquant les problèmes liés à l'indemnisation de la formation, aux conditions de transfert d'un club à un autre et aux modalités de rupture du contrat. Il y a beaucoup de jeunes qui sont suivis dans les centres de formation, aussi bien européens qu'africains, et qui sont dépouillés par des recruteurs sans foi ni loi. Il faut, donc, bien trouver une solution pour que ces centres soient vraiment récompensés à la hauteur de leurs efforts. Ce que doit toucher un agent de joueurs Les règles de la FIFA sont claires là-dessus : l'agent doit toucher au maximum 10% du salaire brut par mois du joueur durant toute la durée du contrat. Si, par son intermédiaire, un joueur signe dans un club pour deux ans par exemple, l'agent touche 10% du salaire brut du joueur, mais en pratique, les joueurs ne paient que 7%. Hélas, une fois de plus, pour les joueurs africains, certains agents, profitant de leur ignorance, touchent 10% du salaire, mais aussi des indemnités de transfert. Pis , il y a des clubs qui imposent des agents aux joueurs africains, ce qui est aussi illégal car il y a conflit d'intérêts. Comment un agent peut-il défendre convenablement les intérêts du joueur s'il est choisi par le club ? En général, les joueurs professionnels européens ont un agent, chargé de leur trouver un club, puis un avocat dont le rôle est de négocier et de signer les clauses du contrat. Chez de nombreux africains, c'est tout le contraire : l'agent qui prospecte les clubs négocie aussi les clauses du contrat, ce qui n'est pas son rôle car il n'a pas les compétences pour cela. Ce qui l'intéresse surtout réside dans les indemnités qu'il va toucher. Il faut savoir qu'à l'heure actuelle, les problèmes liés aux transferts concernent 95% des joueurs africains, mais jamais les Européens. En général, ces derniers choisissent un parent et un avocat pour les assister dans la recherche d'un club et la négociation du contrat, mais il faut savoir que leur rôle n'est pas de négocier les clauses du contrat et encore moins de gérer le patrimoine du joueur comme cela arrive. En fin de carrière, des Africains ont subi des redressements fiscaux en France parce que l'agent a fait de mauvais placements et de fausses déclarations fiscales. Pourquoi ne pas faire appel aux services des sociétés spécialisées sur la gestion des patrimoines des sportifs ? Les témoignages de jeunes footballeurs africains bernés, abandonnés, naufragés en Europe sont poignants. «Beaucoup ont été recueillis par d'anciens joueurs [plus de 600 en 2008]. Rien qu'en France, ils sont des milliers, en situation irrégulière, à jouer pour se payer une carte orange», explique un ancien international camerounais. Souvent, ils n'ont qu'un sandwich pour seul repas mais ils continuent de s'entraîner. «Il faut que la FIFA [Fédération internationale de football] et l'UEFA [Union européenne de football] se saisissent des vrais sujets, exhorte ce jeune Nigérian que nous avons rencontré à Alger. Notre problème, ce n'est pas le racisme, c'est l'exploitation des jeunes joueurs africains par des [mercenaires]» Selon l'UEFA, des «agents véreux» opérant pour des clubs européens de divisions inférieures se livreraient à de véritables trafics d'enfants. De jeunes Africains d'à peine 10 ans seraient envoyés illégalement dans des «camps d'entraînement», en Europe, pendant des mois avant d'être revendus à de grands clubs. L'UEFA se dit prête à sanctionner les agents ou les clubs qui seraient impliqués dans ces trafics. Mais c'est à ces Etats européens, alertés, de mener des enquêtes contre les canaux d'immigration clandestine.