De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi
«Notre souci est de fournir au consommateur un poulet sain à un prix raisonnable», avance un aviculteur agréé. Comment serait-ce possible lorsque les viandes blanches ne se soumettent à aucune logique de marché, si ce n'est la loi édictée par les producteurs œuvrant en grande partie au noir ? Ainsi, les aviculteurs de Constantine tirent la sonnette d'alarme. Par le biais de leur association, ils dénoncent les diverses formes de l'informel dont ils sont victimes. «Les éleveurs occasionnels qui, aujourd'hui produisent du poulet et demain se convertissent en je- ne-sais-quoi…, lèsent considérablement la profession et déséquilibre considérablement l'équation de l'offre et de la demande», martèle d'emblée le président de ladite association M.A. Talhi dont le père n'est autre que le défunt directeur de l'ex-Copawi. La filière non organisée cohabite avec les 270 bâtiments d'élevage agréés par la direction des services agricoles. Elle est implantée dans des espaces éparses échappant au contrôle sanitaire et administratif. Des aires en serres ne répondant à aucune norme d'élevage où la chaîne de vaccination des sujets serait aléatoire ! «Le coût de réalisation reste trop loin des sommes mises pour le montage d'une construction en dur et homologuée de surcroît. Au moins 1 milliard de centime est nécessaire pour aspirer à amorcer le métier d'aviculteur», expose le président. «Plus de 60% de la production de viandes blanche est issue de l'informel. C'est-à- dire des serres en plastique. C'est une réalité qui n'est pourtant pas prise en charge efficacement par les responsables concernés», a-t-il souligné. Une situation qui semble être aggravée, voire facilitée par les tueries et abattoirs privés. Ceux-ci ne peuvent malheureusement tourner le dos aux grossistes qui s'alimentent chez «les éleveurs de serres». Car ils sont en possession d'un certificat en bonne et due forme qui leur permet d'écouler leur produit. Soit la 1ère main du maillon qui casse les prix. «On doit s'aligner sur les coûts proposés par ces tiers… quoique notre élevage demeure aux normes et donc plus coûteux en itinéraire technique», souffle encore notre même source. Avant de préciser : «Il suffit de présenter un certificat sanitaire délivré par un praticien privé pour vendre sa marchandise aux intermédiaires grossistes.» Impuissants, les éleveurs agréés doivent se plier au diktat des prix imposés par les ‘clandestins' au risque de perdre leur production. «Durant 60 jours, on suit l'itinéraire technique pour livrer un poulet sain. Au final, nous demeurons à la merci des pseudos professionnels», martèle M. Talhi. Questionné à ce sujet, l'inspection vétérinaire de Constantine rejette catégoriquement cette anarchie en l'excluant de ses prérogatives. «Nous œuvrons selon la réglementation en vigueur au niveau des structures que l'on agrée après vérification des normes requises. Nous comptons actuellement près de 270 bâtiments d'élevage qui correspondent logiquement au nombre d'exploitants. Ces derniers ne peuvent exercer s'ils ne disposent pas de documents nécessaires qui leur ouvrent droit à l'agrément. Certificat de désinfection, attestation de conformité établie par les services vétérinaires sont parmi les pièces requises en amont. Dès lors, la DSA par le biais de l'inspection effectue des contrôles inopinés», a expliqué M. Ounis inspecteur au niveau de la direction. Répertoriant tous les éleveurs, le responsable détient les données sur toute la production à travers les communes où sont implantés les bâtiments. En ce qui concerne les autres types de structures notamment les serres, l'inspecteur rejette toute latitude de s'immiscer dans un volet ne relevant pas de ses prérogatives. «Nous sommes responsables des structures que l'on a avalisées » a-t-il éclairé. Ainsi, la balle est dans le camp des services communaux et les brigades de contrôle affiliés à la Direction du commerce. Du moins, l'association des aviculteurs et l'inspection vétérinaire tombent d'accord sur un point. Il a trait à la régulation du marché. A ce titre, les deux parties insistent sur la nécessité de réorganiser la profession en vue d'une rentabilité optimale. «La réussite de la filière tient à la mise en place d'une coopérative. Comme ce fut le cas avec la défunte Copawi lorsque les éleveurs y déposaient leurs poulets destinés à l'abattage.» Par ailleurs, l'association met en relief la fragilité du mécanisme du système triangulaire établi par les pouvoirs publics dans le but de ranimer la filière. Se basant sur les producteurs avicoles, fournisseurs d'intrants et gestionnaires d'abattoirs publics notamment, la triangulaire n'a pas donné l'effet escompté à Constantine. Pour cela une seule cause : la wilaya ne dispose pas d'abattoir public à capacité importante qui puisse prendre en charge les productions des 260 aviculteurs. «L'abattoir le plus proche se trouve à Sétif. Aucun producteur ne s'amuse à s'y rendre avec le risque de perdre des plumes lors du transport», explique le représentant de la ligue des volailleurs. En somme, la filière avicole crie notamment à l'informel qui détrône les autres facteurs relatifs et nécessaires à l'élevage, l'aliment en particulier.