L'émotion et la poésie étaient au rendez-vous, dimanche dernier, lors de la projection du long métrage chypriote Fish and chips (poisson et frittes) en présence du réalisateur Elias Demitrios projeté lors de la première édition des Journées du film méditerranéen d'Alger, organisées conjointement par l'Aarc et MDciné.Durant près de deux heures, Elias Demitrios, aborde avec talent dans son premier long métrage, les thématiques, de l'émigration, de la réintégration dans le pays d'origine, la complexité des relations humaines ainsi que la problématique de la filiation et des questions identitaires. Le film raconte l'histoire poignante d'Andy, un immigrant chypriote travaillant dans une boutique de Fish n'chips, une spécialité culinaire anglaise. Andy est aidé dans son travail par sa compagne Karin d'origine d'Allemagne de l'est et mère d'une adolescente problématique Emma. Afin d'illustrer le dur quotidien d'Andy, le film débute par la scène où le chypriote tente, tant bien que mal à apprendre à Emma les rudiments de la friture du poisson panné. En plein service, dépassé par les clients, Andy doit aller chercher sa mère atteinte de la maladie d'Alzeimer et qui ne cesse de s'enfuir. Suite à un incident qui sera la goutte d'eau qui fera déborder le vase, Andy décide de tout laisser tomber à Londres et part à Chypre pour ouvrir sa propre échoppe sur la plage de Fish n'chips. Afin de ne pas bousculer Karin et Emma, il leur fait croire qu'ils partent pour des vacances bien méritées. Une fois arrivé à chypre, Andy est hébergé dans la somptueuse villa de son frère marié et père d'une fille préadolescente. Après les premiers jours idylliques sous le soleil de chypre, Andy réussit à convaincre sa compagne de s'installer dans sa ville natale et ouvrir leur propre petit commerce. Leurs rêves commencent à se concrétiser avec l'achat d'une bicoque sur la plage. Mais petit à petit les différents personnages commencent une longue descente en enfer et le retour idyllique au pays se transforme en un véritable cauchemar. En effet, la femme du frère d'Andy commence à être exaspérée par la présence de tout ce beau monde chez elle. En plus, la mère des deux frères chypriotes sera placée dans un hospice, car, malgré les apparences de confort financier, le frère d'Andy croule sous les dettes. Pire la boutique de Fish n'chips ne marche pas, car Andy est rejeté par les chypriotes qui le traitent comme un étranger indésirable, un «Charlies», surnom que l'on donne aux immigrants chypriotes établis à Londres. Peu à peu, l'infernal engrenage s'intensifie jusqu'au point de non retour, illustré par les scènes émouvantes de la nièce d'Andy, vêtue de son déguisement d'ange, transportée d'urgence à l'hôpital après avoir brûlé ses poupées, en alternance avec la scène d'Emma, la fille de Karin ravagée par une prise de LSD, marchant sur une mer gelée sous le regard meurtri du compagnon de sa mère. Au Final, suite à la mort de la mère d'Andy serrant dans ses mains un petit sac rempli de terre de son village natal, le chypriote décide de retourner à Londres avec l'espoir d'un lendemain meilleur, retrouvant Karin enceinte, se réconciliant avec son propre père et une Emma devenue adulte et responsable. Ainsi, après avoir plongé ses personnages au plus profond des abysses, Elias Demitrios rallume la flamme de l'espoir et boucle la boucle avec la scène d'Emma réussissant enfin sa friture de Fish n'chips.Lors de la séance questions-réponses avec le réalisateur, M. Dimitrios a confié qu'il était lui-même né à Londres, fils d'un émigré chypriote. Il a vécu le rêve et les dissolutions du retour dans le pays natal. La thématique complexe des déchirements identitaires du vivre avec l'autre et de l'émigration est un sujet qu'il avait déjà abordé dans ses courts métrages et dans ses documentaires dont Pyla. C'est donc tout naturellement que pour son premier long métrage, la thématique s'est imposée d'elle-même. Il soulignera qu'en vérité les préjugés sont dans la tête. Pour les besoins du tournage, il devait filmer des scènes dans la partie turque de Chypre alors que beaucoup de personnes lui avaient déconseillé de le faire, lui disant qu'il risquait de se faire agresser et même d'y laisser la vie. Mais, les choses se sont bien passées tant avec les autorités de la partie turque de chypre qu'avec les habitants. Au final, avec cette première fiction, Elias Dimitrios a montré un véritable talent de cinéaste, tant du point de vue de l'écriture du scénario que du point de vue des techniques de réalisation. S. A.