Dans sa plantation de coton, au beau milieu du Texas, LaRhea Pepper s'exprime sans détour : «On ne peut plus dire ‘‘important'' : c'est impératif ! Nous devons changer l'agriculture, passer d'un système s'appuyant sur les produits chimiques, qui tuent les agriculteurs, les plantes et tout le reste, à un modèle qui amène la vie.» Farouchement opposée à l'agriculture productiviste, elle est convaincue que l'agriculture biologique est une alternative crédible. A quelques jours des semences, elle souhaite le démontrer une fois encore sur son domaine de O'Donnell.Sur plus de 2 000 hectares, l'agriculture de LaRhea est 100% «bio». L'écosystème atteint son équilibre productif sans produits chimiques ni arrosage autre que la pluie : alors que la rotation des cultures préserve le sol, le compost assure la fertilisation ; les mauvaises herbes sont arrachées grâce à des outils spécifiques, et les insectes nuisibles éliminés par l'introduction d'autres insectes. «Prendre soin de la terre et non l'exploiter.» Lorsque LaRhea l'explique, le principe paraît évident.Pourtant, seul 1% de la production mondiale de coton est biologique. Personnel plus nombreux, techniques et matériel différents, frais de certification, pression des lobbys : la liste des obstacles est longue et l'agriculture intensive, aux conséquences sociales et environnementales souvent désastreuses, reste majoritaire.En 1995, plusieurs grands de l'industrie textile s'interrogent sur la soutenabilité de leur activité. Ils s'allient pour analyser la filière textile et comprendre l'intérêt du coton biologique. En 2001, cette initiative débouche sur la création de l'association Organic Exchange. Depuis 10 ans, cette organisation sensibilise et forme les producteurs de coton pour encourager leur transition vers le bio. Elle agit aussi auprès des professionnels du textile et de la mode en promouvant les fibres biologiques et en les informant des dernières techniques à jour. En animant un véritable réseau au sein de la filière, elle encourage les partenariats producteur-consommateur, clef essentielle pour faire face aux surcoûts de la production bio et conserver des exploitations rentables. En 2010, l'association étend sa mission à toutes les techniques de l'industrie textile et prend symboliquement le nom de Textile Exchange.Fibres naturelles, synthétiques ou recyclées : Textile Echange est devenue la référence pour les méthodes soutenables dans l'industrie textile. Mais l'organisation souhaite continuer à avancer. Du point de vue agricole, les études se poursuivent (microbiologie du sol, connaissance des écosystèmes). Concernant l'approche sociale, l'association veut construire une filière responsable, en s'attaquant aux subventions des pays développés qui imposent un prix de marché mondial inférieur au coût de revient et obligent les pays non subventionnés (Afrique, Amérique du Sud…) à vendre à perte. Alternativement, Textile Exchange propose alors un commerce équitable où les prix sont fixés localement et réévalués régulièrement.Utopistes ou visionnaires ? LaRhea et ses collègues de Textile Exchange intriguent. Tout comme ces chemises en coton bio un peu plus chères, devant lesquelles désormais vous sourirez sereinement : quelques euros de plus pour une terre florissante, des populations en bonne santé et des agriculteurs vivant de leur travail, est-ce vraiment si cher payé ?