Ce n'est pas la première fois que l'actuel ministre de l'Education évoque l'informatisation du secteur. Tel un leitmotiv, le sujet revient à l'orée de chaque coup d'envoi de l'année scolaire. A l'image de toutes les institutions et entreprises, l'école ne pouvait accepter une place en marge des bouleversements et autres mutations imposées par l'informatique et l'Internet. L'intention est exprimée à l'occasion de la rentrée scolaire 2008/2009. Boubekeur Benbouzid a tenté de faire de cette «nouveauté» un des acquis de la réforme. Il ne pouvait, en fait, évoquer les indices de la rentrée scolaire sans glisser quelques mots à propos de l'introduction de l'outil Internet dans les établissements scolaires. Il est incontestable que bon nombre d'établissements sont équipés en matériel informatique. Mais l'informatisation de l'école reste en marge de la réforme du système de l'éducation. La cartographie du développement est à consulter. Dans les centres urbains, les écoliers en formulent visiblement le besoin à la direction de l'établissement. Une doléance que les responsables d'école tentent de satisfaire. Car, tout le monde aura compris que le développement de l'école algérienne ne saurait se faire sans l'intégration de l'informatique. Dans la capitale, même si elle demeure proportionnelle, l'utilisation de l'Internet dans les écoles est bel et bien palpable. Elle est, certes, différente d'une localité à une autre. Ce qu'on trouve dans le centre, on ne le trouve pas forcément dans la périphérie. Un agent de l'éducation du lycée Omar Racim, à Alger, témoigne : «Notre lycée est doté d'une salle informatique ouverte à tous les élèves qui veulent l'utiliser. L'équipement est neuf. Les élèves viennent dès qu'ils n'ont pas de cours. Mais il reste beaucoup à faire dans la mesure où cet espace n'est pas encore assez encadré. Cela viendra certainement avec le temps», a-t-il dit. Chez les élèves, l'heure est à la découverte. «Il n'y a pas assez de micro dans la salle informatique», regrette un élève de la classe de terminale. Dans la périphérie, les choses ne semblent pas avancer tel que l'exigent la situation et le défi de sortir l'école algérienne de sa léthargie. «Ici, à Baraki, nos écoles ne sont pas dotées de matériel informatique. Les priorités des responsables de ces établissements sont autres. L'essentiel étant d'assurer aux élèves une place pédagogique et un encadrement permanent», déclare un quinquagénaire devant le portail d'un collège. Doter les écoles de matériel informatique ne signifie pas que les élèves et les enseignants bénéficient de l'Internet. Le constat est là : des établissements n'arrivent pas à exploiter le matériel pour des raisons multiples. Des écoles ne sont préparées à ce genre d'instrument de travail. Dans certains cas, on ne veut pas évoquer la question de l'informatisation de l'école. Y compris chez les directeurs. Ces derniers doivent, par ailleurs, être pris en charge dans ce domaine. Il serait illusoire d'attendre et d'espérer une maîtrise de l'outil informatique dans une école dirigée par un profane des nouvelles technologies. La difficulté que rencontre le projet d'informatiser l'école reste vraisemblablement différente d'un service à un autre. Explication : au niveau de l'administration, le problème ne se pose pas tel que chez les enseignants. Ces derniers semblent être rétifs à tout ce qui se fait sans la craie et le stylo. D'où leur réticence à s'initier à l'informatique, surtout ceux de l'ancienne génération. Il est vrai que la nouvelle vague d'enseignants surmonte aisément l'obstacle. Les anciens peinent à se familiariser avec l'outil informatique et les nouvelles technologies. Evoluant dans des conditions sociales peu favorables, les enseignants qui capitalisent beaucoup d'années d'expérience ne trouvent pas les motivations solides pour s'inscrire dans «l'école du virtuel». Cette catégorie d'enseignants, usée par tant d'années de travail, ne dispose ni de l'énergie ni de la curiosité nécessaires pour nouer contact avec le phénomène Internet qui ne cesse de bouleverser le monde et d'imposer aux individus de nouveaux comportements. Du côté de l'administration, l'adaptation est plus accessible comme le laissent croire des fonctionnaires des établissements scolaires. C'est le cas surtout au niveau de l'économe ou les opérations sont globalement informatisées. Pour un observateur du système éducatif algérien, le pays n'a pas de temps à perdre. «Le ministère doit superviser l'acquisition et l'installation de ce matériel en pratiquant une politique d'appels d'offres pour un matériel de qualité et ce, pour défendre l'intérêt de l'institution et mettre fin à certaines mauvaises pratiques et autres escroqueries dont ont été victimes l'école et les enseignants jusqu'à présent en matière d'achat de matériel informatique (ordinateurs, imprimantes, scanners...)», estime M.D, un enseignant, dans une réflexion. Entre l'école et l'Internet, il n'y a pas que la difficile jonction. Il y a également le mauvais usage. Les élèves qui recourent à ce moyen pour faire des recherches tombent souvent dans le piège du «copier-coller» avec toutes ses conséquences sur l'assimilation des connaissances. Les enseignants témoignent que leurs élèves utilisent mal l'Internet. Ils se contentent, à se fier aux dires des enseignants, des solutions de facilité en imprimant des textes qu'ils remettent à leurs enseignants en guise d'exposés. Y aura-t-il un suivi par les enseignants pour éviter cette mauvaise pratique ? Les enseignants font-ils quelque chose pour mieux orienter les recherches des élèves ? Les professeurs se disent responsables du suivi pédagogique des apprenants, mais ils exigent des moyens pour pouvoir y remédier. Pour eux, la solution passe par la dotation des établissements scolaires en salles appropriées avec un encadrement qualifié. C'est a priori le moyen idoine pour guider les élèves à ne tirer que profit de l'Internet. «Pour arriver à cet objectif, il faudrait une salle réservée pour les cours d'informatique», estime un adjoint de l'éducation au lycée Amara Rachid de Ben Aknoun. Si pour certains élèves, les parents interviennent pour un usage utile de l'Internet, ce n'est pas le cas de ceux qui ne bénéficient pas d'un suivi de la part des proches. Dans quelques villes du pays où le module informatique est enseigné par des enseignants ayant suivi une formation d'ingéniorat, les choses n'avancent pas tel que souhaité par les responsables et par les professeurs. Après quelques années d'expérimentation, le bilan ne prête pas à la satisfaction. Le chantier s'est avéré plus grand que les moyens mobilisés. Djamel, ingénieur en informatique, en a fait la dure expérience dans un lycée de la capitale. «Enseigner l'informatique en Algérie, c'est terrible. Je me suis retrouvé devant des élèves qui ne comprennent pas les rudiments de l'informatique. J'en ai souffert pendant plus de trois mois pour qu'ils se familiarisent timidement avec les cours», souligne-t-il. Djamel estime que les lycéens n'ont pas été préparés pour l'introduction de cette filière dans le programme scolaire. D'où la difficulté, conclut-il, de diriger aisément ces cours. Pour lui, «il était mieux indiqué donc d'introduire cette filière avant le cycle secondaire car, en arrivant au lycée, l'élève ne se concentre que sur les matières prévues dans l'examen du baccalauréat. C'est pour cette raison que le module informatique ne suscite pas de motivation ni de curiosité chez eux». En définitive, l'école algérienne a besoin de redéfinir ses finalités et de réorganiser ses espaces d'enseignement et d'apprentissage, pour éviter de voir nos élèves aller chercher dans les cybercafés les connaissances que n'offre plus l'école. A. Y.