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Respecter l'oued
Inondations de Ghardaïa, entre phénomène naturel et erreurs humaines
Publié dans La Tribune le 23 - 10 - 2008


De notre envoyé spécial à Ghardaïa
Samir Azzoug

«La catastrophe qui a frappé la vallée du Mzab, le premier octobre dernier, est une leçon à méditer pour tout un chacun», soutient M. Benritab Missoum, chef de projet hydraulique de la vallée du Mzab. «C'est une grande expérience qui nous apprend à respecter l'oued», poursuit-il. A quoi sont dues ces affirmations ? Les crues importantes étant récurrentes et cycliques, des projets pour leur gestion étant prévus depuis longtemps, où en est-on ? Et quels sont les enseignements à tirer des inondations d'octobre 2008 ?
Il faut savoir que l'oued Mzab est actif, dans le sens où il ne désemplit pratiquement jamais. Il est alimenté, principalement, par trois affluents, à savoir oued El Abiod, oued El Aadira et oued El Ghrasil. Ajoutons à cela le fait que l'oued Mzab connaît des crues cycliques de différents niveaux : décennales, centennales et milléniales, qui peuvent atteindre dans certains cas les 750 m3 par seconde jusqu'à 1 500 m3/sec. Selon les croyances locales, il y aurait quatre crues importantes par siècle. Toutes proviennent d'une région traversée par l'oued de Ouargla nommé Sebkhat Safioune, chose avérée pour cette dernière crue, puisque le plus gros de la masse hydrique provenait de la zone précédemment citée.
Devant toutes ces données, les services de l'hydraulique savaient à quoi s'attendre. D'ailleurs, ils avaient prévu un programme important pour tenter de maîtriser la furie des eaux. «Nous avons un projet structurant pour la vallée du Mzab et comprenant deux volets importants : la protection contre les inondations ainsi que l'assainissement et le traitement des eaux usées», explique M. Benritab. Sur le volet qui nous intéresse, la protection contre les inondations, le responsable fait part d'une étude réalisée en 1995 et finalisée en 2000 par un éminent professeur hydraulicien, Alain Roche, qui étudie les oueds du Sahara depuis 1965, et dont les résultats ont donné lieu à la réalisation de trois digues de rétention et de régulation de crues appelées des «écrêteurs» de crues. La première au niveau de oued El Abiod, réalisée à 90%, munie d'un bassin versant de plus de 760 km2, est conçue pour la rétention de 27 millions de m3 d'eau, avec un système de débit de lâchage pouvant libérer jusqu'à 20 m3/sec. «Cette digue a très bien résisté. Des experts de renommée mondiale sont venus la visiter après la crue et ont été très contents. Grâce à elle, le pire a été évité. La digue a retenu plus de 20 millions de mètres cubes et lâché 20 m3 par seconde pendant 8 jours. C'est elle qui a protégé la vallée», s'enthousiasme le chef de projet. Quant aux deux autres digues (une au niveau de oued El Adira et une autre à Ghrasil), elles sont en cours de création. «Les délais de réalisation, fixés initialement à 15 mois, ont été ramenés à 12 mois», affirme M. Benritab.
Construites principalement en alluvions d'oued, «des matériaux de très bonnes caractéristiques techniques», comme il est précisé par le responsable, ces digues sont conçues pour résister à une crue milléniale (1 200 m3/sec). Qu'est-ce qui a donc provoqué la catastrophe ? Si les citoyens soutiennent que la vague d'eau et de boue, qui a atteint dans certains endroits plus de 10 mètres de haut (par rapport au niveau du lit de l'oued), serait due à une fissure survenue au niveau de l'une des digues, M. Benritab dément cette affirmation.
Pour le chef de projet, c'est le non-respect des normes de construction et l'entêtement des citoyens qui sont derrière les grandes pertes en vies humaines et matérielles. «Il faut respecter l'oued», assène-t-il.
«Depuis des années, nous avons prévu cet événement. Grâce à l'étude réalisée, on a décidé le recalibrage de l'oued. On a demandé aux citoyens habitant à moins de 20 mètres du lit de quitter les lieux. Les opérations d'expropriation ont été prévues depuis longtemps. On leur a proposé 7 000 DA par mètre carré en guise de dédommagement. Ils ont fait la fine bouche. Maintenant, c'est l'oued qui les a expropriés», déplore M. Benritab. A bien saisir les propos de notre interlocuteur, la raison de la catastrophe causée par la furie des eaux est le non-respect des normes de construction. Mais ce qu'il ne dira pas, c'est que les deux digues à peine entamées n'ont pu maîtriser le flux important des oueds El Adira et El Ghrasil.
«Pour l'heure, l'urgence est dans l'assainissement, le nettoyage et le rétablissement des routes obstruées par la boue», prône M. Benritab, décrivant le travail sur le terrain de ses équipes.
En termes de décisions, adoptées après les inondations du 1er octobre, les autorités locales ont décidé d'accélérer les procédures d'expropriation, l'élargissement et le recalibrage de l'oued aux endroits sensibles et l'accélération dans la réalisation du grand chantier hydraulique qui prévoit, outre les trois digues permettant de réguler un débit de 170 m3/sec en amont et 380 m3/sec en aval une fois terminées, la réalisation d'un collecteur principal des eaux usées. La fin du projet est prévue pour 2010 et permettra de fournir 46 000 m3 d'eau traitée utilisable pour l'agriculture.


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