Finalement c'est avec 1,44% des voix que François Hollande (28,63%) a battu Nicolas Sarkozy (27,18%) au premier tour de l'élection présidentielle française qui a enregistré la participation de 79,47% du corps électoral, soit 36 585 858 de bulletins mis dans les urnes. La différence, même faible, mais significative, entre les deux candidats au fauteuil présidentiel est une défaite lourde de sens pour Sarkozy en raison de deux données. La première est que c'est la première fois qu'un président sortant n'arrive pas en tête du premier tour. La seconde est qu'il n'a pas retrouvé tous ceux qui ont voté pour lui en 2007 (une perte de 4%). Ce qui a amené Le Monde à estimer qu'«à l'instar des peuples du monde arabe, les Français entendent congédier leur chef de l'Etat, en termes polis mais fermes». Pour ne pas être congédié, Sarkozy doit résoudre une équation difficile à réaliser. D'un côté, il faut qu'il bénéficie d'un report de voix très important des électeurs qui ont voté Marine Le Pen. Avec 17,90%, la candidate de l'extrême-droite a réalisé un score qui constitue l'un des faits majeurs du premier tour. Qu'un candidat du parti de l'intolérance, de l'anti-immigré et de l'anti-étranger atteint un tel seuil de performance est une inquiétude à ne pas négliger pour la démocratie française. C'est dans ce capital électoral que doit puiser Sarkozy pour espérer gagner le 6 mai prochain. Comment ? En vendant son âme ou en s'appuyant sur les valeurs républicaines de la droite ? Dès dimanche soir, il a, sans leur lancer un appel direct, évoqué les thèmes de prédilection des extrémistes de droite en déclarant que leurs «angoisses» et leurs «souffrances» «portent sur le respect de nos frontières, la lutte déterminée contre les délocalisations, la maîtrise de l'immigration, la valorisation du travail, la sécurité». Ou encore : «Le souci de nos compatriotes de préserver leur mode de vie est la question centrale de cette élection.» Pas la crise, pas le chômage, pas la dette publique et les déficits budgétaires.De l'autre côté, Sarkozy doit convaincre les électeurs du centre qui ont voté François Bayrou, ils sont seulement 9,13% à le rejoindre. Or cet électorat de tendance démocratie chrétienne est aux antipodes des thèses du Front national. Il n'y a que le tiers qui se déclare pour Sarkozy, un autre tiers pour son adversaire, ce qui est insuffisant pour damer le pion à Hollande. On constate donc que la tâche du président sortant n'est pas aisée, mais il l'a réalisé en 2007, pour rassembler autour de lui et de son projet une majorité de Français. La majorité de Français, c'est aussi ce que recherche le candidat socialiste pour devenir le deuxième président de gauche, après François Mitterrand, de la Ve République. Outre son score, Hollande bénéficiera du report des voix des électeurs du Front de Gauche avec Jean-Luc Mélenchon qui a obtenu un décevant 11,11%, mais qui a atteint son objectif initial, un résultat à deux chiffres, des écologistes d'Eva Joly (2,31%) et du gauchiste Philippe Poutou (1,15%). Soit un potentiel de 43,20% auquel s'ajoutera une frange de l'électorat de l'extrême-droite et environ un tiers des centristes. Dès dimanche soir, le socialiste, qui est devenu celui de toute la gauche, a lancé un appel au rassemblement au-delà de son camp pour fermer la page du sarkozisme afin d'instaurer «une République irréprochable» dans une France «avec plus de justice». Sans attendre, les deux acteurs du deuxième tour du 6 mai ont repris leurs campagnes électorales hier par des visites et des meetings dans différentes villes de France. Le point d'orgue de cette campagne sera le duel télévisé du 2 mai. Il y aura donc un seul débat Hollande-Sarkozy, contrairement à la demande formulée par ce dernier pour, d'abord, deux débats et, ensuite, trois débats. Il a reçu une fin de non-recevoir de ce que le socialiste a considéré comme une manœuvre à l'encontre de la tradition républicaine d'un seul débat. La bataille du second tour s'engage au moment où les premiers sondages publiés donnent Hollande vainqueur le 6 mai avec entre 53 et 56% en sa faveur. Sarkozy sait ce qu'il lui reste à faire s'il veut rester à demeure au palais de l'Elysée.