Damas a tenu le pari des législatives. Organisé dans un climat électrique et des affrontements armés dans quelques régions du pays, le premier scrutin législatif a quand même eu lieu. Selon les estimations officielles rapportées par la presse syrienne, le taux de participation à ces élections avoisinerait les 60% et ce, «malgré les menaces et les opérations terroristes». Le régime, qui refuse de reconnaître l'ampleur de la contestation qui secoue le pays depuis le 15 mars 2011, attribue les violences à des «bandes terroristes armées» et à des personnes obéissants à des forces étrangères. «Les Syriens ont participé par millions aux premières élections législatives depuis la refonte de la Constitution» qui autorise le multipartisme, affirme le quotidien El watan, après près d'un demi-siècle de règne sans partage du parti al Baâs.Selon l'agence officielle Sana, un nouveau scrutin sera organisé dans deux bureaux de vote à Damas à la suite de fraudes. Les résultats des législatives seront annoncés lorsque la commission électorale aura reçu les résultats de tous les gouvernorats, ajoute la même source.A travers le pays, 7 195 candidats étaient en lice pour 250 sièges de députés, alors que le Parlement ne siège pas depuis un an en raison du soulèvement. Sept des neuf partis créés récemment ont présenté des candidats grâce à la nouvelle Constitution, adoptée par référendum en février, qui a supprimé l'article accordant au parti al Baâs le rôle dirigeant dans la société. L'opposition, qui réclame avant toute chose le départ du président Al Assad, a dénoncé des tentatives du régime d'acquérir une légitimité via un scrutin qu'elle qualifiera d'«absurde». «Celui qui baigne la Syrie dans le sang, pousse à l'exode deux millions de Syriens et tire sur le peuple syrien ne possède aucune légitimité pour rédiger une Constitution, promulguer une loi électorale ou convoquer des élections», a affirmé le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition. Sur le plan international, Pékin, qui comme Moscou, soutient Damas, a espéré que le scrutin aiderait «à promouvoir le processus de réformes en Syrie», au moment où l'Iran a salué ce scrutin, regrettant le boycottage par l'opposition. «La participation aux élections montre le grand degré de compréhension des Syriens pour résoudre les problèmes par des moyens pacifiques», a ajouté le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ramin Mehmanparast. L'Occident ne voit pas les choses du même oeil. Pour la France, ces élections «s'apparentent à une farce sinistre», tandis que le département d'Etat américain a estimé qu'«organiser des élections législatives dans ce genre d'atmosphère frise le ridicule». L'émissaire international Kofi Annan doit, pour sa part, évaluer aujourd'hui, devant le Conseil de sécurité de l'ONU, l'application en Syrie de son plan de sortie de crise, au lendemain de législatives tenues sur fond de violences, boycottées par l'opposition et dénoncées par la communauté internationale.Quelques heures avant l'exposé de M. Annan, le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a estimé que le monde était désormais «engagé dans une course contre la montre pour éviter une véritable guerre civile» en Syrie. M. Ban a également dénoncé ces élections législatives sur fond de «violence», selon son porte-parole Martin Nesirky. «Seul un dialogue large et sans exclusive peut mener à un véritable avenir démocratique en Syrie», a affirmé le porte-parole, estimant que «ces élections ne se tiennent pas dans ce cadre». «Il est essentiel qu'il y ait un arrêt de la violence (...) et que des mesures soient prises pour appliquer le plan de M. Annan», a-t-il ajouté. Vendredi, le porte-parole de M. Annan à Genève avait estimé que ce plan était «sur les rails». Pourtant, sur le terrain, le cessez-le-feu censé mettre un terme à plus de 13 mois de violences est toujours ignoré près d'un mois après son annonce le 12 avril, en dépit des engagements du régime et des rebelles. G. H./ Agence