L'émissaire international Kofi Annan doit évaluer mardi devant le Conseil de sécurité de l'ONU l'application en Syrie de son plan de sortie de crise, au lendemain de législatives tenues sur fond de violences, boycottées par l'opposition et dénoncées par la communauté internationale. Quelques heures avant l'exposé de M. Annan, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a estimé que le monde était désormais "engagé dans une course contre la montre pour éviter une véritable guerre civile" en Syrie. M. Ban a également dénoncé ces élections législatives sur fond de "violence", selon son porte-parole Martin Nesirky. "Seul un dialogue large et sans exclusive peut mener à un véritable avenir démocratique en Syrie", a affirmé le porte-parole, estimant que "ces élections ne se tiennent pas dans ce cadre". "Il est essentiel qu'il y ait un arrêt de la violence (...) et que des mesures soient prises pour appliquer le plan" de M. Annan, a-t-il ajouté. Vendredi, le porte-parole de M. Annan a Genève avait estimé que ce plan était "sur les rails". Pourtant sur le terrain, le cessez-le-feu censé mettre un terme à plus de 13 mois de violences est toujours ignoré près d'un mois après son annonce le 12 avril, en dépit des engagements du régime et des rebelles. Mardi, trois civils ont été tués dans un assaut des troupes sur le village de Tamanaa, dans la province d'Idleb (nord-ouest) et à Homs (centre), a d'ailleurs rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). En outre, l'armée bombardait Qalaat al-Madiq dans la région de Hama (centre) et le Krak des Chevaliers, dans la province voisine de Homs, selon des militants sur place. L'OSDH et d'autres militants ont fait état de perquisitions et d'arrestations à Douma, près de Damas. La veille, jour de scrutin en Syrie, l'OSDH a recensé 25 morts dans des violences à travers le pays: 17 civils, trois déserteurs et cinq soldats. Pour la France, ces élections "s'apparentent à une farce sinistre", tandis que le département d'Etat américain a estimé qu'"organiser des élections législatives dans ce genre d'athmosphère frise le ridicule". Pékin, qui comme la Russie soutient Damas, a espéré que le scrutin aiderait "à promouvoir le processus de réformes en Syrie", alors que l'Iran, dont Bachar al-Assad est un allié stratégique dans la région, a salué ce scrutin, regrettant le boycottage de l'opposition. "La participation aux élections montre le grand degré de compréhension des Syriens pour résoudre les problèmes par des moyens pacifiques", a ajouté le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ramin Mehmanparast. L'opposition, qui réclame avant toute chose le départ de M. Assad, a dénoncé des tentatives du régime d'acquérir une légitimité via un scrutin "absurde". "Celui qui baigne la Syrie dans le sang, pousse à l'exode deux millions de Syriens et tire sur le peuple syrien ne possède aucune légitimité pour rédiger une Constitution, promulguer une loi électorale ou convoquer des élections", a affirmé le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition. La presse syrienne, officielle ou proche du régime, s'est de son côté félicitée de ces élections, dont le taux de participation atteint, selon le quotidien Al-Watan, environ 60% "malgré les menaces et les opérations terroristes". Le régime, qui ne reconnaît pas l'ampleur de la contestation sans précédent qui secoue le pays depuis le 15 mars 2011, attribue les violences à des "bandes terroristes armées". "Les Syriens ont participé par millions aux premières élections législatives depuis la refonte de la Constitution" qui autorise le multipartisme, affirme le quotidien, après près d'un demi-siècle de règne sans partage du parti Baas. Selon l'agence officielle Sana, un nouveau scrutin va avoir lieu mardi dans deux bureaux de vote à Damas à la suite de fraudes. Les résultas des législatives seront annoncés lorsque la commission électorale aura reçu les résultats de tous les gouvernorats, ajoute Sana. A travers le pays, 7.195 candidats étaient en lice pour 250 sièges de députés, alors que le Parlement ne siège pas depuis un an en raison du soulèvement. Sept des neuf partis créés récemment ont présenté des candidats grâce à la nouvelle Constitution adoptée par référendum en février, qui a supprimé l'article accordant au parti Baas le rôle dirigeant dans la société. La répression et les combats en Syrie ont fait plus de 11.100 morts, en majorité des civils, selon l'OSDH et poussé à l'exil plus de 65.000 Syriens selon l'ONU, sans compter les dizaines de milliers de détenus. Le Comité International de la Croix Rouge (CICR) a appelé à augmenter de 20 millions d'euros le financement de ses opérations en Syrie, en notant une amélioration des possibilités d'intervention de son organisation dans ce conflit. En outre, après de "très très longues discussions" avec Damas, il aura accès la semaine prochaine à la prison d'Alep (nord) après avoir visité celle de Damas en septembre. De son côté, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui aide les réfugiés syriens dans le nord de l'Irak, a fait état de l'arrivée récente de 98 familles. Au total, 4.200 réfugiés se trouvent dans le nord de l'Irak et quelque 7.000 supplémentaires pourraient arriver le mois prochain.