En 2001, l'industriel du tabac Philippe Morris a été condamné par un jury de la Haute Cour de Los Angeles à payer 3 milliards de dollars de dommages et intérêts et 6 millions de dollars de dommages compensatoires à un fumeur qui était atteint d'un cancer du poumon. En Algérie, un décret de 1985 a mis 20 ans pour voir son application peu ou prou effective. Une loi sera présentée prochainement sur l'interdiction du tabac dans les lieux publics et de travail. C'est ce qu'a annoncé le ministre de la Santé à la veille de la Journée mondiale contre le tabac. Son collègue et non moins camarade du parti du FLN a juré d'introduire une disposition dans le nouveau code du travail allant dans le même sens avec la promesse ferme de dépêcher une armée d'inspecteurs dans les entreprises pour s'assurer que les cadres et les salariés sont disciplinés. Mais aucun responsable à quelque niveau de responsabilité qu'il soit n'a, un jour, exprimé le souhait que l'industrie et la commercialisation du tabac soient interdites de manière définitive. Au contraire, le capital de la SNTA est destiné à l'ouverture aux étrangers qui sont en difficulté chez eux en raison de la baisse de leur chiffre d'affaires mais aussi de l'interdiction de consommer du tabac y compris dans les cafés-bars et les chambres d'hôtel. Aussi pensent-ils délocaliser leur industrie en installant des usines dans les pays en voie de développement et dans lesquels aucune interdiction ne viendra les gêner. Parce que les populations de ces pays sont, pour ces industriels, des chairs à tabac. Dès lors, la levée de l'impôt sur ce produit sera plus importante pour le Trésor public auquel la SNTA verse des sommes astronomiques. Pour la seule année 2005, le récipiendaire a bénéficié de la bagatelle de 60,7 milliards de dinars de recettes fiscales couvrant la taxe de 806 millions de paquets de cigarettes, fabriqués avec des machines vieilles de plus de 25 ans. En 2006, la même entreprise, deuxième après Sonatrach en termes de chiffre d'affaires et de vivier fiscal, a produit 840 millions de paquets. Exiger donc l'interdiction de la culture, de la fabrication et de l'importation du tabac relèverait de l'utopie pure et simple.On ne se déleste pas de milliards de dinars juste parce que 20 000 personnes meurent chaque année à cause de la cigarette. Cela s'appelle de la non-assitance à personne en danger et incitation à la consommation de produits dangereux. Cela, sans compter les contradictions flagrantes qui émaillent la stratégie de la santé publique en la matière. En effet, on ne peut marteler à chaque occasion que les pouvoirs publics élaborent une batterie de lois antitabac, quand son industrie est encore prospère et qu'on ne verse pas le moindre sou pour financer cette lutte. Il y a comme une supercherie. Cela s'appelle de l'incitation à la consommation de tabac. Et si l'ensemble des fumeurs qui n'arrivent pas à jeter ce goudron poursuivaient en justice l'industrie algérienne du tabac pour encouragement à la consommation ? La SNTA aura vite fait de fermer boutique et ses 5 000 travailleurs seraient orientés vers la CNAC pour perte d'emplois pour raison économique d'une durée de 36 mois. Adopter une véritable stratégie de lutte contre le tabac via des mesures courageuses reste la seule voie. C'est en ne voyant pas sur les étals des buralistes du tabac que les potentiels ou les accros n'en consommeront pas. C'est alors que des cures de désintoxication pourraient être envisagées, voire imposées. Cela réduirait la facture des hôpitaux, de la CNAS et on vivrait dans un monde plus sain. F. A.