Quelque 50 millions d'électeurs égyptiens sont appelés aux urnes aujourd'hui et demain pour élire un nouveau président de la République, quinze mois après la chute de Hosni Moubarak dans la foulée des contestations du «Printemps arabe». L'issue du scrutin reste, pour la première fois, inconnue et devrait clore un processus de transition qui a particulièrement fragilisé le pays. Le rendez-vous est d'autant plus important que l'Egypte, pays le plus peuplé du monde arabe, possède un poids considérable dans la région et un effet d'entrainement certain. Le Premier ministre, Kamal al-Ganzouri, a demandé de «rester unis pour assurer la réussite de ce processus électoral et accepter la décision de la majorité qui sortira des urnes». Il a appelé candidats et forces politiques engagés «à demander à leurs partisans de respecter la volonté des autres». Pour le premier tour de cette élection une douzaine de candidats sont en lice. Un second tour est prévu les 16 et 17 juin au cas où aucun candidat n'emporterait la majorité absolue. Les principaux prétendants à la succession de Moubarak sont l'ancien chef de la Ligue arabe, Amr Moussa, le dernier Premier ministre de Moubarak, Ahmad Chafik, l'islamiste indépendant, Abdel Moneim Aboul Foutouh, le candidat des Frères musulmans, Mohammed Morsi, ainsi que le nationaliste arabe, Hamdeen Sabbahi. Les militaires, qui dirigent le pays depuis le départ de Moubarak, ont promis que le scrutin serait «100% transparent» et qu'ils ne soutenaient aucun candidat en particulier. Le Conseil suprême des forces armées (Csfa), accusé de vouloir orienter le choix du peuple, a mis l'accent sur «l'importance d'accepter les résultats de l'élection qui reflèteront le choix du peuple égyptien libre». L'armée, faisant face à des critiques acerbes, notamment de la part des protestataires de la place Tahrir, a promis de rendre le pouvoir aux civils une fois un nouveau Président civil élu. On reproche à l'armée de vouloir impérativement préserver ses intérêts économiques, qui vont du complexe militaro-industriel aux usines d'embouteillage d'eau minérale, que de moyens militaires garantis par un budget secret et une aide américaine annuelle de 1,3 milliard de dollars (compensation de l'accord de Camp David). Les islamistes, après un raz-de-marée aux législatives espèrent placer à la tête du pays un candidat de leur obédience. Cependant l'électorat islamiste apparaît très divisé entre le candidat déclaré des Frères musulmans, Mohammed Morsi, et Aboul Foutouh, un dissident de la confrérie dont les soutiens sont divers allant des «fondamentalistes salafistes à des jeunes laïcs libéraux». Amr Moussa et Ahmad Chafik, qui traînent le boulet d'avoir appartenus à l'ancien régime se posent justement en rempart contre l'islamisme, promettant le retour à la «stabilité», après quinze mois d'une transition exacerbée par une détérioration de la situation économique et sécuritaire. Quant à Hamdeen Sabbahi, il table sur le thème du nationalisme panarabe. La succession du déchu Moubarak est plus que jamais ouverte. M. B./Agences