Les Egyptiens élisent à partir de mercredi un nouveau président lors d'un scrutin dont l'issue, pour la première fois, n'est pas connue d'avance et qui doit clore une période de transition tumultueuse quinze mois après la chute de Hosni Moubarak. Le Conseil suprême des forces armées (CSFA), au pouvoir depuis la démission sous la pression populaire de M. Moubarak en février 2011, a de nouveau appelé mardi les Egyptiens à se rendre massivement aux urnes, en mettant en garde contre toute "violation". "La participation des citoyens à l'élection présidentielle est la meilleure garantie de la transparence et de la sécurité du processus électoral", a déclaré Mohammed al-Assar, membre du Conseil militaire cité par l'agence officielle Mena. "Nous ne permettrons aucune violation ou (tentative) d'influer sur le processus électoral ou les électeurs", a-t-il affirmé, en ajoutant que les autorités feraient face "avec fermeté et détermination" à toute personne violant la loi. Le Premier ministre Kamal al-Ganzouri a de son côté demandé à la population de "rester unie pour assurer la réussite de ce processus électoral et accepter la décision de la majorité qui sortira des urnes". Il a espéré que le scrutin "se déroule dans le calme", en appelant candidats et forces politiques "à demander à leurs partisans de respecter la volonté des autres". Quelques 50 millions d'électeurs sont appelés aux urnes mercredi et jeudi pour le premier tour de cette élection pour laquelle une douzaine de candidats s'affrontent. Un second tour est prévu les 16 et 17 juin au cas où aucun d'entre eux n'emporterait la majorité absolue au premier. "C'est vraiment un moment historique. Autour de moi au moins 70% des gens ne parlent que de cela tout le temps", affirme Hazem Tharwat Mohammed, un jeune homme de 24 ans originaire de Haute-Egypte qui tient une boutique au Caire. Les principaux prétendants sont l'ancien chef de la Ligue arabe Amr Moussa, le dernier Premier ministre de M. Moubarak Ahmad Chafiq, l'islamiste indépendant Abdel Moneim Aboul Foutouh, le candidat des Frères musulmans Mohammed Morsi ainsi que le nationaliste arabe Hamdeen Sabbahi. "Dans ma famille tout le monde soutient Morsi, sauf mon père qui votera pour Amr Moussa, et la famille passe son temps à débattre", affirme Hind Ahmed, 25 ans. Ibrahim Farag Hassa, qui vend des jouets sur un marché du quartier de Chobra, au Caire, se déclare quant à lui "inquiet que les islamistes puissent gagner. Ils essayent de prendre le contrôle de tout, la révolution, le Parlement, la Constitution et maintenant la présidence". Le Conseil militaire avait déjà souligné lundi "l'importance d'accepter les résultats de l'élection qui reflèteront le choix du peuple égyptien libre". Les militaires ont promis que le scrutin serait "100% transparent" et assuré ne soutenir aucun candidat. L'armée s'est engagée à rendre le pouvoir aux civils avant la fin juin, une fois le nouveau chef de l'Etat élu. La campagne s'est officiellement achevée lundi, et les candidats ne peuvent plus apparaître en public ni donner d'interviews. Les rues des villes du pays sont couvertes depuis des semaines d'affiches de toutes tailles témoignant d'efforts intenses pour capter le vote des électeurs. Les candidats islamistes espèrent pouvoir capitaliser sur leur succès aux législatives, qui leur a donné une majorité écrasante au Parlement. L'électorat islamiste apparaît toutefois divisé entre le candidat officiel des Frères musulmans Mohammed Morsi et M. Aboul Foutouh, un dissident de la confrérie dont les soutiens vont des fondamentalistes salafistes à des jeunes laïques libéraux. Amr Moussa et Ahmad Chafiq, tous deux issus de l'ancien régime, se posent en rempart contre l'islamisme et cherchent à capter un électorat désireux de revenir à la stabilité après quinze mois d'une transition marquée par une dégradation de la situation économique et sécuritaire. La mouvance des "jeunes de la révolution", à la pointe du combat pour renverser M. Moubarak, n'a pas de candidat propre et est divisée sur le choix de celui qui pourrait porter ses idées.