Le report du délai pour le dépôt des dossiers en vue d'obtenir l'acte de concession agricole, conformément à la nouvelle réglementation, qui met fin au droit de jouissance perpétuel, n'a pas eu un impact important dans la wilaya de Tizi Ouzou, où seulement une centaine de nouveaux dossiers ont été déposés au niveau de la direction locale de l'Office national des terres agricoles (Onta). Le délai initial pour le dépôt des dossiers était fixé au 18 février dernier, avant qu'il ne soit prolongé au 30 juin, donnant ainsi plus de temps aux exploitants agricoles pour constituer leurs dossiers. Du moins, à ceux qui entendent se conformer aux nouvelles dispositions réglementaires, puisqu'à Tizi Ouzou, il existe des exploitants qui, pour une raison ou pour une autre, refusent même le principe de changer le statut de leurs exploitations.Donc, de 1 655 dossiers déposés en février auprès des services de l'Onta, on est passé à 1 758, sur les 2 235 exploitants recensés sur le territoire de la wilaya, soit un taux de 79%. Selon M. Abderrahmane Ouali, directeur régional de l'Office national des terres agricoles, 875 dossiers déposés ont été jugés conformes par ses services, qui ont fait signer aux exploitants concernés 861 cahiers de charges (pour environ 3 300 hectares de terres), dans le cadre de la nouvelle réglementation, induite par la promulgation de la loi 10/03, du 15 août 2010, fixant les conditions et modalités de conversion du droit de jouissance perpétuel en droit de concession des terres agricoles. Et, en tout, 829 dossiers, sur ceux jugés conformes, ont été transmis à la direction des domaines, chargée d'établir les actes de concession. En retour, seulement 168 actes de concessions ont été reçus par l'Onta des mêmes services des domaines, et le même nombre d'actes a fait l'objet d'une notification aux exploitants.Notre interlocuteur cache mal la frustration que lui cause la lenteur de la direction des domaines dans le traitement des dossiers, mais préfère ne pas répondre à la question de savoir pourquoi les domaines trainent en longueur. D'ailleurs, en février, la même direction n'avait transmis que cent actes, sur environ sept cents (700) dossiers que lui a transmis l'Onta. Pourtant, le dossier est déjà très complexe dans cette wilaya et les services administratifs n'ont pas besoin d'en rajouter. Complexe à plusieurs niveaux, dans la mesure où cette nouvelle entité, l'Onta, a découvert des situations abracadabrantes, depuis le lancement du recensement et des contacts avec les exploitants agricoles concernés par la nouvelle disposition réglementaire. Des situations qui donnent le tournis, comme celle des terrains de moins de 200 mètres carrés, considérés comme des exploitations agricoles, alors qu'ils sont bons tout juste pour du jardinage potager.Les services de l'Office national des terres agricoles ont également découvert que quarante (40) exploitations sont des attributaires fictifs : trente sept (37) exploitants sont recensés comme bénéficiaires d'un terrain agricole, alors qu'ils n'ont jamais vu leurs exploitations «fictives». L'embrouillamini dans lequel pataugent les quelque quinze collaborateurs du directeur de l'Onta, recrutés dans le cadre du pré-emploi, ne s'arrête pas là, puisqu'ils sont également appelés à gérer les quelque 80 cas d'exploitations vivant des conflits entre héritiers de bénéficiaires décédés. Et d'autres encore, dont les bénéficiaires, ou leurs héritiers, ne résident même pas dans la wilaya de Tizi Ouzou. Il y a encore les cas des exploitations agricoles appartenant initialement à des citoyens, mais que l'Etat a nationalisées, pour des raisons de «comportement indigne durant la révolution». En d'autres termes, c'est le cas des harkis et autres collaborateurs de l'administration coloniale, qui avaient perdu leur statut d'Algériens, et auxquels il était donc interdit de posséder des terres. D'autres cas, aussi inextricables, entrent dans la catégorie des exploitants ayant obtenu des terres agricoles dans le cadre de l'accession à la propriété foncière agricole (Apfa) de 1983, et dont certains n'ont pas été régularisés par les pouvoirs publics, dans leur politique de changement des actes, entre attribution et cession.Toutes ces anomalies, et beaucoup d'autres, sont appelées à être étudiées par la commission de wilaya chargée de prendre en charge les dossiers échappant à l'aspect technique. 707 dossiers ont été transmis par l'Onta à cette commission, qui doit leur trouver des solutions. Selon M. Ouali, il y a également, au niveau de la direction, pas moins de 165 dossiers en instance, qui attendent que les exploitants fournissent toutes sortes de documents, pour que les dossiers soient conformes. A quelques jours de l'expiration du délai fixé pour le dépôt des dossiers, le 30 juin prochain, il semble certain que les services de la wilaya, notamment ceux de la commission de wilaya en charge des dossiers «compliqués», auront du pain sur la planche, parce que la nouvelle loi sur les concessions agricoles rencontre déjà des difficultés inextricables, qui risquent de reporter pour longtemps la clôture définitive du dossier.