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Le fait colonial différemment appréhendé
Cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie
Publié dans La Tribune le 01 - 07 - 2012

«Depuis 1830, le peuple algérien n'a cessé de mené des insurrections !», dira Boumaza Nadir, enseignant chercheur à l'Université de Grenoble, lequel est intervenu hier sur le thème de «la réflexion sur les processus d'historisation du fait colonial et de la guerre de libération», à l'occasion du colloque international organisé à Alger sur le cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie sur le thème «Algérie 50 ans après: libérer l'histoire». Le conférencier a estimé que la question historique est également politique et intellectuelle et concerne l'ensemble de la société. «S'il y a une centration sur un temps aussi court sur le sujet c'est que l'histoire est problématique en Algérie car génératrice d'un trauma qui fait que la colonisation française en Algérie, qui a été suicidaire et génocidaire, est totalement différente de celle en Tunisie ou au Maroc». Et de préciser que les exemples coloniaux ayant concerné l'Amérique latine peuvent, en revanche, être des exemples intéressants pour l'Algérie. Pour cet intervenant, le fait colonial, plus précisément le trauma qui en a résulté, peut expliquer les différentes crises ayant secoué l'Algérie depuis la période coloniale, y compris ce que les pouvoirs publics qualifient de «tragédie nationale», pour ne pas nommer une «guerre civile qui ne dit pas son nom», se référant à ce qu'avait écrit feu Mahfoud Boucebci, a abordé les maux et les problèmes de fond qui caractérisent la société algérienne et la césure existante entre la société et ses gouvernants. «Les sciences politiques, la sociologie, l'anthropologie, la psychothérapie… montrent que la parole est nécessaire pour constituer des liens !», conclura-t-il avant d'interpeller nos politiques sur la nécessité de rectifier les erreurs du passé et d'empêcher que la société algérienne ne soit plus aussi fermée qu'elle ne l'a été pendant un demi-siècle. Pour l'universitaire Touili Mohammed, qui a choisi de parler de «l'exemplarité» du combat du peuple algérien face au colonisateur français, il est impératif de «remettre en lumière des événements fondamentaux» comme ce pan de notre histoire. Car, au-delà de la simple commémoration du cinquantenaire, une vérité mérite d'être soulignée, explique l'intervenant, à savoir «le caractère exceptionnel trop proclamé et trop oublié à la fois de ce combat». L'orateur jugera utile de remonter à la période et aux conditions de l'époque ayant motivé le déclenchement de la révolution de novembre pour comprendre cette période. A commencer par le caractère cruel du colonisateur français ; l'inégalité ayant pénalisé les Algériens ; l'indifférence de l'opinion publique française, du reste mal informée en raison d'une propagande qui a altéré la nature du conflit. «Le FLN a eu le mérite de lier la justice sociale à l'indépendance du pays et le peuple algérien a démenti le mythe juridique de l'Algérie française !», soulignera-t-il avant de noter que durant cette guerre d'indépendance, il y a eu beaucoup «d'erreurs» et que la riposte algérienne s'était faite de plusieurs manières, entre autres, par la voie de l'écrit, en citant le cas de Malek Haddad. «La bataille de l'information devient une bataille de l'écrit», dira-t-il à ce sujet avant d'évoquer le réseau Jeanson. M. Touili expliquera que face à la «vision idéalisée» des autorités française du colonialisme, la guerre de libération nationale avait fini par être à l'origine d'une crise en France, si bien que la fin de la guerre en Algérie a fini par s'imposer comme une «nécessité» dans l'opinion française. Faisant partie du panel des invités étrangers, Bancel Nicholas, de Genève, a choisi, quant à lui, d'aborder l'événement sous la thématique de la «réception en France des études postcoloniales», pour souligner que la France a, jusqu'aux années 70, considéré le fait colonial comme un phénomène lointain lié à la métropole, ce qui explique, à ses yeux, que les liens avec le colonialisme «sont fondamentalement faux». Entre autres écrivains s'étant penchés sur la question, il citera Edouard Said dont l'œuvre inhérente à l'orientalisme apporte plusieurs éclairages sur le phénomène colonial en tant que «système». Et de s'interroger sur le pourquoi d'un débat aussi tardif sur la problématique coloniale en France, celui-ci n'étant réapparu qu'au milieu de la décennie passée avec essentiellement la prédominance de l'immigration comme enjeu important.
M. C.

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