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Jijel, une coquette station balnéaire devenu wilaya en chantier
Beaucoup de facteurs sont à l'origine de cette mue
Publié dans La Tribune le 24 - 07 - 2012


Photo : S. Zoheir
Par Abdelhamid Zouad de l'APS

Voir et revoir Jijel est devenu aujourd'hui presque une devise pour nombre de visiteurs qui ont foulé, ne serait-ce qu'une ou deux fois, le sol de cette wilaya qui a conquis, ces dernières années, le cœur de milliers de touristes.Sortie d'un engourdissement qui ne disait pas son nom, durant la dernière décennie, elle a, à présent, conquis ses lettres de noblesse comme en témoigne le nombre d'hôtes et de passagers qu'elle reçoit, pas seulement en été, à l'occasion de la saison estivale, mais à longueur d'année. Beaucoup de facteurs sont à l'origine de cette mue progressive qui a fait que la «Côte du Saphir» et de ses environs un petit paradis sur terre.

Capitale de la Concorde civile
A la faveur du retour de la paix, de la sérénité dans ce qu'on peut appeler «la capitale de la Concorde civile», Jijel n'est plus boudée, comme par le passé, mais chouchoutée, adulée et très prisée. L'Eden tel que l'homme se l'imagine ressemble à s'y méprendre à cette contrée septentrionale dépeinte par moult artistes professionnels ou en herbe dans leurs œuvres picturales.Les temps ont beaucoup changé et l'antique Igilgili arbore aujourd'hui un nouveau look qui lui colle aisément. Sa face qui fixe le bleu de la mer est confortée par une verdure pérenne lui conférant une stature dont ses habitants sont fiers.De Zigery, à Gygeri en passant par Igilgili, Gilgil ou Djidjelli, pour enfin arriver à Jijel, le préfixe «I» se réfère dans les toponymes phéniciens à l'existence d'îlots sur le littoral, tandis que «Gilgil» désigne un cercle de pierres, selon des sources historiques. Une toponymie qui se prolonge avec le passé qui plante ses racines profondes dans l'histoire bimillénaire et mouvementée de cette région dont le sol a été foulé par plusieurs civilisations. Entre autres dates repères, le 23 juillet 1664, sous l'empire de Louis VIII, une expédition française dirigée par le Duc de Beaufort, petit-fils d'Henry IV, débarqua et fut chassée en octobre de la même année. Le 13 mai 1838, soit neuf (9) années après la prise d'Alger et deux années après l'occupation de Constantine, les troupes françaises débarquent à Jijel. La résistance à ces troupes a été marquée par les offensives menées par les Jijeliens durant une décennie 1841-1845, 1847 et 1851. L'occupation totale de Jijel ne put se faire qu'en 1851 par l'armée française venue de Mila sous les ordres de Saint-Arnaud.

Une histoire née avec la civilisation punique
Il semble que c'est au contact de la civilisation punique que débute l'histoire de Jijel. Selon Ptolémée, le chroniqueur de l'Histoire romaine, le cercle de la ville était peuplé par la puissante tribu des «Ketama». Rex Gentis Kytamanorum, antique transcription romaine trouvée au col de Fedoules, semble mieux renseigner sur les habitants du cercle de Jijel au moment de la conquête romaine, selon certains documents d'histoire.De même Ibn Khaldoun, dans son ouvrage «l'Histoire des Berbères» rapporte que le cercle de Djidjelli était, habité par les «Ketama», brave et puissante tribu Berbère. Cette même tribu qui a régné dans l'arrière-pays au 9e siècle devait s'établir en Egypte ou elle a fondé le Caire.En plus du poids de 23 siècles d'histoire, Jijel a contribué par ses hommes au mouvement nationaliste et à la guerre de libération nationale. Elle fut un bastion fort durant la lutte de libération nationale. Le siège de la wilaya II historique se trouvait à Ouled Askeur. Parmi les grandes figures qui ont marqué cette époque, l'on citera, Ferhat Abbas (1899-1985), premier président du Gpra, Mohamed Seddik Benyahia (1932-1982), négociateur aux accords de Melun et d'Evian et ancien ministre des Affaires étrangères, le commandant Hocine Rouibah (1922-1960), ancien commissaire politique de la wilaya II, et tant d'autres.A l'indépendance, Djidjelli, n'était qu'une petite sous-préfecture relevant territorialement et administrativement du département de Constantine, jusqu'en 1974 où elle obtint le statut de wilaya, lors du découpage opéré à l'époque par les pouvoirs publics.
«Squelettique» à tous points de vue, dépourvue de moyens humains et matériels, desservie par des équipements insuffisants, l'absence criarde d'encadrement et de réseau routier, Jijel, née ex- nihilo, s'est «créée après des années de lutte acharnée contre un sous développement et un isolement qui ne disaient pas leur nom. Jusqu'en 1980, toute la wilaya et ses communes ne disposaient pas d'un rouleau cylindre pour les travaux routiers, secteur qu'il fallait prendre comme un taureau, par les cornes, pour enclencher le développement socio-économique.Ce seul indice est édifiant quant au degré de sous-équipement d'une région aux grandes potentialités naturelles, notamment agricoles qui font à ce jour sa vocation.Trente huit (38) ans après, la donne a complètement changé dans ce havre de paix, connu pour la beauté de ses sites naturels et ses plages qui ont fait sa réputation à grande échelle.

Le 1/10e du littoral algérien
D'une superficie de 2 398 km2, la wilaya de Jijel, qui compte 11 daïras et 28 communes, a une façade maritime de 120 km, soit le
10e du littoral du pays.Limitée au nord par la mer Méditerranée, à l'est par Skikda, à l'ouest par Béjaïa, au sud par les wilayas de Constantine et Mila, Jijel est à 30 minutes de vol de la capitale et d'à peine une (1) heure des villes européennes de Naples (Italie), Barcelone (Espagne) et Marseille (France).Au relief montagneux très accidenté, avec des montagnes occupant 82% de la superficie totale avec des sommets de 1 800 mètres d'altitude, Jijel est une région considérée parmi les régions les plus pluvieuses en Algérie. Elle est caractérisée par un climat méditerranéen pluvieux et froid en hiver. Les précipitations moyennes annuelles se situent entre 800 et 100 mm/an et atteignant exceptionnellement les 1 800 mm/an. A elle seule, elle fait office de réservoir hydrique pour le nord du pays.
Au dernier recensement général de la population et de l'habitat (Rgph) d'avril 2008, la wilaya de Jijel comptait 636 948 habitants, avec des taux bruts de natalité, de mortalité et d'accroissement naturels estimés respectivement à 19,20 pour mille (p.m), 4,14 p.m et 1,40 p.m. Région forestière et agricole par excellence, la wilaya de Jijel a une agriculture qui constitue son activité économique principale. Ce secteur dénombre à lui seul plus de 19 443 exploitations agricoles dont 95% relèvent du statut privé. Les zones de plaines où prédomine le maraîchage sont d'une superficie de 14 173 hectares (soit 33% de la SAU) et les zones de montagnes et piémonts de 29 424 hectares (67% de la SAU). La surface totale forestière de 115 000 hectares est dominée par le chêne-liège avec 43 720 hectares, le chêne zeen et afarès (7 750 ha), le chêne vert (324 ha), le pin maritime (1 140 ha), le maquis et broussailles (58 000 ha) et autres espèces sur une superficie de 4 000 ha.

Le port de Djendjen, poumon du développement
Comme potentiel de développement économique, il y a lieu de rappeler que d'importants investissements avaient été réalisés dans la région à l'époque où ce qui devait être le projet de complexe sidérurgique de Bellara était sur toutes les lèvres. Bien que n'ayant pas vu le jour sous ce statut, ce site de 320 hectares fait encore l'objet de projets industriels importants qui permettront de créer de nombreux emplois et dynamiser l'activité économique et sociale locale. Les grandes réalisations structurantes nées dans le sillage du défunt projet sidérurgique sont, entre autres, la centrale thermique d'El Achouet, la voie ferrée reliant Jijel à Ramdane Djamel (Skikda), et le grandiose port de Djendjen, aujourd'hui en plein essor, depuis qu'il s'est vu confier une nouvelle vocation dans la réception de véhicules et d'engins roulants. L'aéroport baptisé au nom du premier président du Gpra, Ferhat Abbas, laissé en jachère depuis plusieurs années a repris sa vocation à partir de 1982 avec des vols entre Jijel et Alger et depuis peu de temps avec des villes françaises après qu'il eut été classé «international». Toutes ces infrastructures économiques, aujourd'hui opérationnelles, ont redonné du tonus à la vie socio-économique et culturelle, avec leurs retombées sur la population. Le gaz naturel, dont le taux de pénétration est en constante progression, ainsi que l'alimentation en énergie électrique, l'accroissement du parc immobilier, d'équipements socio-éducatifs, de jeunesse, de loisirs, des structures hospitalières à même de couvrir les besoins des populations, aussi un autre indicateur des progrès enregistrés par cette wilaya.«Côte du Saphir», «Perle de la Méditerranée», autant de noms et d'attributs collés à cette contrée septentrionale, lovée entre le bleu de la mer et la verdure des montagnes boisées.La corniche qui s'étire langoureusement sur 120 km parcourt des paysages enchanteurs et captivants. Ses plages sont très recherchées et ses féeries sont incontournables, quelle que soit l'époque de l'année. Il y a les célèbres et légendaires «Grottes merveilleuses» de Ziama Mansouriah, «Ghar El Baz» (grottes de l'épervier) et, aujourd'hui, le parc animalier de Kissir, celui de Taza, le «Grand phare» et une multitude de sites qui font la fierté de la région où chaque virage de la route incite à lui seul à l'émerveillement et à l'extase sans modération.Avec un parc hôtelier estimé, à ce jour, à une vingtaine d'hôtels totalisant plus de deux mille (2 000) lits, le secteur touristique ambitionne d'aller de l'avant avec de nouvelles réalisations, en cours ou en projets, à l'image d'un hôtel de grand standing sur les hauteurs du chef-lieu de wilaya, dans le cadre de l'investissement privé.Si les moyens de réalisation en matière d'habitat demeurent encore insuffisants, comme le soulignent les responsables locaux, il n'en demeure pas moins que des prouesses ont été enregistrées dans la région au cours de ces dernières années.Le secteur de l'habitat a connu, au cours de ces dernières décennies, une avancée notable, dans la région où le parc immobilier est estimé, selon des statistiques, à 128 097 unités, dont 70 047 au chef-lieu de wilaya, 24 816 dans les agglomérations secondaires et 30 234 logements en zones éparses. Celui des logements précaires, en cours d'éradication grâce aux différents programmes alloués à la wilaya, a été estimé à 5 286 unités. Le taux d'occupation par logement (TOL) était, jusqu'à fin 2009, estimé à 7,14 personnes par logement.Durant l'année 2009, 3 920 logements ont été réalisés (entre ruraux et urbains) et 6 079 unités lancées, selon des statistiques de la direction locale du Plan et de l'aménagement du territoire.En matière de formation professionnelle, la wilaya semble logée à «bonne enseigne». D'un seul centre, située au coeur de la vieille ville de Jijel, la wilaya s'enorgueillit de posséder aujourd'hui des établissements pratiquement dans chaque commune, offrant une large panoplie de spécialités de formation au profit des jeunes, ainsi qu'un institut national supérieur, fréquenté même par des stagiaires de différentes nationalités africaines.Il en est de même pour le
secteur de l'Education nationale qui a bénéficié d'une attention particulière depuis que Jijel a été promus au rang de wilaya.De l'unique lycée baptisé au nom du savant El Kendy, ayant formé plusieurs générations, la région dispose à présent de trente quatre (34) établissements d'enseignement secondaire dans l'ensemble des localités avec une population de près de 30 000 élèves et le même constat est valable pour les collèges d'enseignement moyen (CEM) ou les écoles primaires.S'agissant de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, il est représenté par l'université Mohamed-Seddik-Benyahia, créée par décret exécutif n° 03-258 du 22 juillet 2003. Elle comprend le pôle de Jijel, à l'origine un centre de formation administrative, et celui de Tassoust, alors qu'un troisième pôle se pointe à l'horizon 2014-2015, avec plusieurs facultés.Tout récemment, lors d'une visite de travail, le ministre assurant l'intérim de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Hachemi Djiar, avait insisté auprès des autorités locales sur le respect des échéances fixées pour livrer ce projet de pôle universitaire, prévu dans la commune d'El Aouana (ouest).

«Isolement», un terme banni du vocabulaire à Jijel
En matière de structures sanitaires, des progrès notables ont été enregistrés avec la réalisation de trois (3) établissements publics, hospitaliers, respectivement à Jijel, Taher et El Milia, pour répondre aux besoins des populations de ces grandes agglomérations, auxquels s'ajoutent six (6) établissements publics, sanitaires, de proximité.Outre une école de formation paramédicale pourvoyeuse
d'encadrement, la région est également dotée d'une trentaine d'Unités de dépistage et du suivi (UDS), d'un laboratoire d'hygiène de wilaya et de 23 bureaux d'hygiène. Les effectifs du corps médical ont, de leur côté, sensiblement augmenté, en fonction des besoins des structures sanitaires.La réalisation de barrages hydrauliques, les efforts en matière de télécommunications assurant une bonne couverture de la région, l'ouverture depuis novembre 2006, d'une station de radiodiffusion régionale, la construction d'une maison de la culture, l'élargissement et la réhabilitation de la route nationale 43 depuis El Aouana jusqu'à El Milia, des ports de pêche à Jijel, Ziama et El Aouana pour booster l'activité de pêche et de plaisance, et autant d'autres infrastructures socioculturelles qui ont vu le jour, font oublier Jijel du début des années soixante lorsque, raconte-t-on, les coupures d'électricité ou de liaisons téléphoniques pouvaient durer plus d'une quinzaine de jours, voire des mois entiers.L'isolement est un terme en voie de disparition, ou plutôt déjà disparu, du lexique local. L'enclavement, s'il est encore présent dans certains esprits, n'existe plus sur le terrain. Et le futur de cette région est prometteur, avec des réalisations de taille programmées, à l'image de la pénétrante autoroutière, entre le grandiose port de Djendjen jusqu'à la limite de la wilaya de Jijel, auquel il faudra ajouter une liaison ferroviaire, à même de faire la jonction entre Jijel et la capitale des Hauts-plateaux (Sétif) en trente minutes.Aujourd'hui, les termes «peur», «isolement» et «enclavement» sont déjà obsolètes, et n'ont plus cours dans le jargon local.


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