La Commission européenne a proposé mercredi 25 juillet, des sanctions pénales contre les auteurs de manipulations de taux interbancaires, révélées par le scandale du Libor, le mois dernier. «La Commission entend demander à chaque Etat membre de prévoir dans sa législation nationale que des sanctions pénales s'appliquent à la manipulation d'indices de référence», a indiqué la Commission, dans un communiqué.Le scandale de taux interbancaires, britannique Libor et européen Euribor, a éclaté le mois dernier après la mise au jour de manipulations effectuées par la banque britannique Barclays entre 2005 et 2009.Les régulateurs bancaires enquêtant sur le scandale se penchent sur les liens entre les traders de la banque britannique Barclays, à l'origine du scandale, et ceux de quatre autres banques européennes, dont deux françaises, selon le journal britannique The Financial Times.Il s'agirait d'employés des banques françaises Société générale et Crédit agricole, de l'allemande Deutsche Bank et de la britannique HSBC, selon le site Internet du journal britannique qui cite des sources proches du dossier, lequel précise que ces personnes ne travaillent plus pour les banques en question. Selon le journal économique, un des traders de Barclays impliqué dans le scandale aurait pu tisser des liens avec des homologues de ces banques. Concernant l'implication éventuelle de banques françaises, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer a déclaré,mercredi, qu'«elles ont été interrogées par les autorités compétentes et les réponses, apparemment, ont été satisfaisantes puisqu'à ce stade, il n'y a aucune suite». «Pour l'instant, personne n'a dit, n'a émis l'idée qu'elles avaient participé», a-t-il martelé. Crédit Agricole a d'ailleurs assuré jeudi ne faire l'objet «d'aucun grief» dans le cadre de l'enquête sur les manipulations du Libor, rappelant qu'il n'a intégré qu'en novembre 2010 le panel de banques participant à la fixation quotidienne de ce taux, alors que les manipulations reconnues par Barclays sont intervenues entre 2005 et 2009. Selon les informations de l'hebdomadaire allemand Der Spiegel publiées dimanche, la Deutsche Bank a proposé aux autorités européennes et suisses de coopérer totalement avec les enquêteurs, afin d'éviter une condamnation trop lourde, en bénéficiant d'un statut de «témoin repenti».Le taux interbancaire Libor fait aujourd'hui l'objet d'un scandale retentissant au Royaume-Uni, après la mise au jour de manipulations effectuées par la banque britannique Barclays entre 2005 et 2009. Les révélations concernant Barclays ont entraîné la démission du président et du directeur général de l'établissement qui devra payer environ 360 millions d'euros pour mettre fin à des enquêtes des régulateurs, britannique et américain.La Chambre des communes britannique va constituer une commission d'enquête parlementaire sur le sujet et l'office britannique de lutte contre la délinquance financière (SFO) s'apprête à ouvrir une enquête pénale. La Commission européenne a également lancé une enquête sur l'ensemble des principaux taux du marché interbancaire.«Derrière cette manipulation, il y a une absence totale de morale», a déclaré au cours d'une conférence de presse le commissaire européen au Marché intérieur, Michel Barnier, dénonçant le «comportement scandaleux d'un certain nombre d'acteurs financiers au détriment des citoyens, des entreprises et des pouvoirs publics». «Nous pensons que de tels comportements doivent être sanctionnés, sans aucune complaisance», a-t-il poursuivi en affirmant que les juges devaient avoir «les moyens de les sanctionner sans complaisance, y compris, dans les cas les plus graves, par la prison».Les textes visant à réprimer plus sévèrement les abus de marché avaient été proposés en octobre dernier. Ils sont en discussion au Parlement et au Conseil des ministres européens. Le renforcement du dispositif décidé après le scandale du Libor sera introduit sous formes d'amendements. Michel Barnier a souhaité que ces textes «aboutissent avant la fin de cette année». R. E.
Clés pour comprendre le scandale du Libor : Manipulé à grande échelle, ce taux de référence du coût auquel les banques se prêtent entre elles a masqué les difficultés du secteur.Un patron de banque menacé de tomber à cause d'un indice bancaire mal calibré ? Le scénario est inédit. Dans l'affaire du Libor, il s'agit pourtant de la manipulation à grande échelle d'un indice qui sert de référence au prix de 350 000 milliards de dollars de produits financiers.
Qu'est ce que le Libor ? Le Libor est un taux qui sert à mesurer le coût auquel les banques de Londres se prêtent les unes aux autres. Il est établi sur la simple déclaration, publique, des banques elles-mêmes. Ce taux est ensuite utilisé comme base de calcul de prix de dérivés ou de prêts.Sur quoi portent les investigations lancées contre une série de grandes banques internationales des Etats-Unis au Japon ?Les gendarmes financiers soupçonnent ces banques d'avoir volontairement et de manière concertée sous-valorisé ce taux d'emprunt durant plusieurs années. Au printemps 2008, les analystes financiers estimaient alors qu'il était valorisé de 20 à 30 points de base en-dessous du coût réel de liquidité en dollars des banques. La première semaine d'avril, le taux du Libor est même étrangement passé en-dessous du taux sans risque de la Réserve fédérale américaine.
Pourquoi les banques avaient intérêt à sous-estimer ce taux ? La pratique remonte à 2006. La collusion entre les banques et, en interne, entre les équipes de trésorerie et de marchés, semble alors dirigée pour tirer profit de l'information privilégiée sur l'orientation des taux du Libor. Avec la crise financière, tout s'accélère. Les banques doivent faire face à un arrêt brutal du marché interbancaire, elles ne se prêtent plus les unes aux autres. Pour parvenir à trouver des liquidités et ne pas inquiéter les investisseurs, elles doivent faire la preuve de leur robustesse. Si elles se mettent à afficher via cet indice des taux d'emprunt réels, donc élevés, elles révèlent leurs difficultés, car le taux est censé refléter le risque. Mieux vaut donc collectivement le maintenir à un faible niveau. Cette sous-évaluation en revanche pénalise les autres banques qui ont accordé des contrats de financement à leurs clients indexés sur le Libor, mais qui assument le coût réel de cette liquidité en dollars et ne peuvent le répercuter. Depuis, le doute a aussi été jeté sur l'indice interbancaire en euros, l'Euribor, conduisant la Commission européenne à perquisitionner dans un panel de banques.