Synthèse de Smaïl Boughazi Le pire est à venir. Rien ne tranquillise ou rassure les responsables des pays riches. Les plans sociaux ont déjà commencé à voir le jour dans plusieurs contrées du monde. Les multinationales, qui étaient jusque-là épargnées par la crise, commencent à subir les pires conséquences de ce «séisme économique». Elles sont nombreuses celles qui ont déjà annoncé des suppressions d'emplois à cause de la baisse de la consommation. Tout au long de la dernière semaine, les bourses et marchés financiers ont globalement connu des fluctuations particulières. Les prévisions de croissance aux Etats-Unis, en Europe ou ailleurs ont été révisées à la baisse. Une preuve du malaise qui gagne le monde entier. Depuis le début de la crise, aucune réponse n'a eu l'effet escompté, pourtant tous les pays du monde, aux côtés des deux institutions de Bretton Woods, n'ont cessé de multiplier les plans de «secours». Le Fonds monétaire international a affiché, mardi dernier, sa volonté d'intensifier ses efforts pour soutenir les pays balayés par la crise, en envisageant de leur avancer des liquidités pour de courtes durées, pour peu qu'ils soient considérés comme bien gérés. Une journée après, le directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, avait affirmé que les ressources de son institution «ne suffiraient peut-être pas» à affronter cette crise. «Nous allons probablement avoir besoin de plus de ressources», a dit DSK. Est-ce là un aveu d'impuissance face à un mal redoutable ? Possible. Puisque le Premier ministre britannique, Gordon Brown, en connaissance de cause, avait appelé les monarchies pétrolières du Golfe à aider le FMI pour lui permettre de secourir les pays victimes de la crise financière et éviter ainsi une «contagion». Le Premier ministre britannique était en visite dans trois pays du Golfe pour tenter de les persuader d'aider le FMI à accroître ses ressources actuelles, qui se montent à 250 milliards de dollars, pour soutenir les économies de pays affectés par la crise financière mondiale. Dans ce sillage, il avait estimé que plusieurs centaines de milliards de dollars étaient nécessaires pour permettre au FMI, qui se propose actuellement d'aider la Hongrie, l'Ukraine et l'Islande, de venir à la rescousse d'autres pays. Le FMI en sapeur-pompier L'institution monétaire internationale (FMI), a malgré tout, créé un mécanisme qui permettra de fournir une aide financière à court terme à des pays bien gérés qui font face «à des problèmes de liquidités temporaires sur les marchés de capitaux mondiaux». «Je suis très heureux d'annoncer que le conseil d'administration a approuvé l'établissement d'une nouvelle facilité appelée facilité de liquidités à court terme», a déclaré le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn. «Les perturbations actuelles sur les marchés des capitaux ont provoqué d'importants problèmes de liquidités à certains pays émergents, y compris ceux ayant des structures macroéconomiques saines», a expliqué M. Strauss-Kahn. Il a estimé que les prêts actuels du FMI offraient une certaine marge de manœuvre mais qu'ils étaient «fondamentalement prévus pour des pays ayant besoin à la fois de financements et d'un ajustement de leurs politiques». Les crédits octroyés jusqu'à présent par le Fonds n'étaient pas destinés «à des pays qui, malgré de bonnes politiques et situations macroéconomiques, font face à des pressions sur leurs liquidités à court terme», a-t-il ajouté. Selon M. Strauss-Kahn, le nouveau mécanisme «comble un manque dans l'arsenal de soutien financier du Fonds». «A circonstances exceptionnelles, réponse exceptionnelle», a-t-il lancé. Les fonds fournis par le FMI dans le cadre du nouveau mécanisme pourront atteindre «au maximum 5 fois le quota du pays membre concerné avec une maturité de trois mois». Les pays intéressés pourront bénéficier de trois lignes de crédit au maximum sur une période de 12 mois. Seuls seront concernés les pays «ayant un historique de politiques saines, d'accès aux marchés de capitaux et d'endettement supportable». Leurs politiques devront avoir été qualifiées «très positivement» dans les rapports du FMI. Situation chaotique ! En attendant le sommet du G20, qui se tiendra à Washington, et qui pourrait changer l'ordre des choses, et même donner naissance à un nouveau système financier mondial, le secteur économique ne cesse de connaître des bouleversements et les mauvaises nouvelles commencent à pleuvoir. A Paris, le leader mondial des cosmétiques, L'Oréal, avait annoncé un recul de ses ventes au troisième trimestre, une révision à la baisse de ses objectifs et la fermeture de deux usines en Europe, pour la première fois «depuis de très nombreuses années». American Express a annoncé la suppression de 7 000 emplois, soit 10% de ses effectifs mondiaux. Le constructeur automobile japonais Nissan veut supprimer 3 500 emplois en Espagne, au Japon et aux Etats-Unis, le fabricant de téléphones, l'américain Motorola, 3 000 emplois et le numéro un mondial de la chimie, l'allemand BASF, 1 000 emplois d'ici à 2012. Et la liste reste ouverte. Parallèlement au secteur financier, l'économie réelle, dans certains pays, lesquels, il y a quelques semaines, ont injecté des sommes faramineuses pour sauver le peu qui reste, connaît déjà ses premiers malaises. Tous les pays occidentaux ont révisé à la baisse leur taux de croissance. L'Allemagne connaît déjà une baisse plus forte que prévue des ventes de détail en septembre (-2,3% par rapport à août). L'Espagne, particulièrement touchée par la crise de l'immobilier, a vu son économie plonger dans le rouge au troisième trimestre avec un produit intérieur brut (PIB) en baisse de 0,2% par rapport au trimestre précédent. Washington, à quelques jours de l'élection présidentielle, avait annoncé un recul de 0,3% du PIB de la première économie mondiale. La Banque du Japon a réduit à presque zéro (+0,1%) sa prévision de croissance pour la deuxième économie mondiale lors de l'année budgétaire 2008-2009 (avril à mars). Le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, a annoncé qu'un plan de soutien à l'économie serait présenté «dans les jours à venir». Mercredi, la FED avait annoncé un abaissement d'un demi-point, à 1%, de son principal taux directeur. La Banque centrale européenne (BCE) et la Banque d'Angleterre ont laissé entendre qu'elles pourraient prochainement assouplir aussi leur politique monétaire.