«Les bébés naissent dans les choux» ou «sont apportés par les cigognes». C'est un peu le cas des athlètes algériens qui, de temps à autre, marquent la mémoire collective par un exploit digne de demi-dieu de la mythologie grecque. Makhloufi en est le dernier spécimen et à vrai dire, il ne serait pas exagéré de dire que le citoyen lambda ne l'a découvert qu'à partir de la médaille d'or gagnée à Londres. Sinon la révélation la plus croustillante sortie depuis cet exploit est qu'il serait pris en charge depuis quelques mois par une sorte de chaman du sport. On appelle cela dans le jargon sportif un "éleveur de champions". Quid alors des écoles, centres et instituts de formation sportive et surtout de ces centres spécialisés dans lesquels sembleraient «créés» les surhommes des terrains et pistes d'athlétisme de demain. Ils ont acquis la réputation de former des talents sportifs, ces centres dont l'un a une relative notoriété nationale en l'occurrence celui du Paradou athlétique club qui a la particularité de beaucoup faire parler de lui sans prouver grand-chose derrière. Ce n'est pourtant pas faute de moyens mis par l'Etat à la disposition des directions de la jeunesse et les sports au milieu des années soixante dix avec l'activité sportive de masse, une politique qui alliait la vision théorique des responsables à sa matérialisation sur le terrain par l'ouverture tous azimuts d'instituts supérieurs de technologie sportive mitoyens de grands complexes sportifs pratiquement dans les plus importantes wilayas du pays. Au lendemain de la création de ces pôles, le sport toutes disciplines confondues avait effectivement connu un essor mais sans pour autant durer dans le temps dans la mesure où comme il s'était initialement engagé à accompagner et soutenir le sport de masse l'Etat s'en est tout également désengagé à partir de la première sérieuse crise financière internationale au milieu des années 1980. A partir de cette période, l'ensemble des structures sportives réparties à travers le territoire national sont devenues squelettiques sur tous les plans. Difficultés de financement qui réduiront la formation quantitativement et surtout qualitativement, matériels techniques et pédagogiques tombés en obsolescence, bâtiments, aires de sport, structures d'hébergement, de restauration entrées en déshérence constitueront la meilleure illustration d'une déliquescence généralisée. Les titres acquis au cours des grands évènements sportifs mondiaux comme les Jeux olympiques par Morceli et Boulmerka sont d'ailleurs les vestiges derniers d'une ère révolue…celle du tout-Etat dans le domaine des sports. Tout ce qui est venu après, et ce ne sont pas évidemment de grandes performances qui marqueront les esprits, ne l'a été que par la pugnacité de chaque athlète individuellement et très souvent par sa prise en charge à l'étranger par divers sponsors qui y voient souvent de la graine de champion. Avec sa médaille d'or, Makhloufi va faire sortir de leur retraite tous les responsables nationaux du sport qui n'hésiteront pas à s'épancher à travers les médias pour dire que ce que l'on appelle la volonté politique a décidé de consacrer des textes, des financements, des moyens matériels et humains pour l'athlétisme notamment afin de créer une émulation qui viendrait bonifier l'exploit du médaillé de Londres. Ils n'hésiteront pas encore à dire qu'ils se fixent comme horizon les Jeux de 2020 pour matérialiser ce projet avec l'émergence de sportifs émérites qui représenteront dignement le pays. Tout cela ne sera que vœu pieux et la seule réussite du sport national ne pourrait venir que de la volonté de chacun, de chaque Algérien à décider de réussir ce que Taoufik Makhloufi a réussi. C'est-à-dire à la force du jarret ou du poignet, ce sera selon. A. L.