Photo : Riad De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati
Il y a quelques jours, Tizi Ouzou a renoué avec le festival culturel local «Lire en fête», avec l'ouverture de sa troisième édition dans la grande salle de spectacle de la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. Une énième tentative des pouvoirs publics de faire renaître l'amour du livre et de la lecture chez l'enfant, qui a vu une certaine évolution dans l'organisation, notamment en ce qui concerne le nombre d'ateliers. En effet, pas moins de vingt (20) ateliers ont été mis sur pied au profit des enfants, à l'occasion de cette 3e édition de «Lire en fête», tels celui de la lecture et l'écriture en tamazight, arabe et français, ceux de linguistique en espagnol et anglais, ceux de dictée dans les trois langues, d'initiation au théâtre, à la recherche d'un ouvrage dans une bibliothèque et à la recherche documentaire via le web.En somme, de nombreux ateliers tentent de créer cette osmose perdue entre le livre et l'enfant en Algérie, que des années de bricolage et de gabegie n'ont pu faire renaître, au grand dam d'une société qui aurait pu faire du livre un ami de tous les jours. Mais, parce qu'il y a toujours un mais dans cette Algérie qui veut tout faire en oubliant de bien faire, les organisateurs de cette manifestation «culturelle» ont péché par l'introduction d'ateliers inutiles, qui n'ont aucun rapport avec le cœur du festival, c'est-à-dire le livre et la lecture. Des ateliers consacrés à la chorale, au scoutisme, à la musique, à la peinture, à la danse et autres sont venus bousculer les ateliers sur lesquels tous les efforts auraient dû être concentrés. Les enfants qui participent à ces ateliers auraient pu profiter plus efficacement de ces groupes créés autour du livre et de la lecture.Cela dit, dans cette manifestation il y a aussi le fameux bibliobus, chargé de faire sortir le livre du chef-lieu de wilaya vers les autres localités. Le livre ira donc à la rencontre des enfants des villages, puisque ces derniers n'ont pas les moyens de faire le déplacement à la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. Dans les autres localités, il est prévu également des concours de la meilleure présentation écrite d'un écrivain ou d'un Chahid, comme à Boghni, Bouzeguene, Mekla, Tizi Hibel, Aït Bouaddou et Imsouhal. Des spectacles de marionnettes, de clowns, de théâtre et de magie sont également au programme de la manifestation dans d'autres villes et villages de la wilaya. La délocalisation des activités du festival est une bonne initiative, même si c'est encore loin de satisfaire tous les besoins des enfants de la wilaya, d'autant que de l'énergie et de l'argent ont été dépensés dans des spectacles, alors qu'ils auraient pu être consacrés aux activités liées au livre, au profit des enfants de nouvelles localités.La volonté de faire aimer la lecture aux enfants et même aux adultes existe bel et bien chez les responsables de l'Etat, mais ils continuent à agir de façon quelque peu maladroite, selon des parents et quelques enseignants interrogés. «Les autorités continuent à privilégier la quantité au détriment de la qualité», nous dit cette mère de trois filles, enseignante de son état, dont deux filles avaient participé à des ateliers lors de la seconde édition. Elle pense que la multiplication et surtout la diversification des ateliers n'était pas une bonne idée et que les organisateurs «auraient dû se contenter des ateliers les plus importants, comme l'année dernière, et surtout impliquer davantage le secteur de l'éducation dans son organisation ».Un éditeur explique, de son côté, que tant que la commercialisation des livres n'est pas prise en charge dans le sens de la baisse des prix, la lecture continuera à être marginale. Pour lui, le prix du livre «intéressant» est toujours inaccessible aux petites bourses, dénonçant par ailleurs l'appui apporté à toutes sortes de livres religieux, au détriment des ouvrages scientifiques et techniques. Le même problème est posé par un libraire qui prône la suppression des taxes, notamment douanières, sur les livres importés pour que les élèves et les étudiants puissent se les offrir. De son côté, un enseignant dit ne pas comprendre pourquoi un festival de cette nature est confié au secteur de la culture, alors qu'il doit être naturellement pris en charge par celui de l'éducation. «Il est temps que chacun s'occupe des questions qui concernent son secteur et le livre doit être exclusivement pris en charge par l'éducation», dit-il, tout en dénonçant l'école qui ne fait pas assez, à son goût, pour le livre et la lecture au profit des élèves.Dans ce contexte plutôt mitigé autour du livre, le directeur de wilaya de la culture, El Hadi Ould Ali, a annoncé l'octroi par son ministère de tutelle de pas moins de 30 000 livres au bénéfice des bibliothèques communales de la wilaya. En tout, 100 000 ouvrages ont été «offerts» à la wilaya depuis la première édition du festival «Lire en fête», selon le responsable, qui n'a pas manqué d'évoquer les projets de réalisation de bibliothèques communales qui se poursuivent, avec comme objectif une bibliothèque par commune, et même des salles de lecture pour certains grands villages de la wilaya.