Déverrouiller un texte, c'est en prendre possession s'en faire l'ami pour communiquer avec lui, en découvrir les sens cachés derrière les mots, les interpréter et se délecter de ce plaisir incommensurable qu'on éprouve au bout de la lecture, le livre étant le reflet de la réalité vécue même si la fiction paraît parfois invraisemblable.Honoré de Balzac disait à propos de la lecture :«J'ai accompli de délicieux voyages, embarqué sur un mot…» Un mot sur lequel on est monté, sur lequel on a chevauché, dans un texte, un livre, un roman , une histoire, pour aller visiter d'autres contrées, découvrir et connaître d'autres personnages dans un environnement autre, vivre leurs émotions, les ressentir et s'identifier à eux. C'est comme si l'on vivait d'autres vies, s'extraire de soi, entrer dans la peau d'un personnage et le «visiter» de l'intérieur, une sorte d'introspection de soi à travers un autre, un personnage dit de papier mais si vraisemblable et proche de la réalité.Et tout cela à travers des mots couchés sur du papier, des mots inertes et pourtant dynamiques et transportent celui qui lit, le détachent de la réalité vécue pour l'emmener ailleurs, dans une autre dimension qui l'attire, l'accroche, le captive et le passionne. La lecture c'est tout cela à la fois, c'est le passage obligé à la culture, sans la première on ne peut prétendre à la seconde ; elle en est la première clé qui ouvre toutes les portes et qui permet d'en créer d'autres plus tard en devenant à son tour «un producteur de mots».Mais de nos jours ces propos s'avèrent périmés et caducs et c'est à peine si l'on s'intéresse à ces trésors dont la lecture est la clé, la culture SMS, de l'ordinateur de l'internet et des DVD a supplanté cette merveilleuse invention de l'Homme et par laquelle il a pris possession du monde. Nos bibliothèques sont presque vides et les œuvres de ces grands Hommes de Lettres restent désespérément rangées sur les étagères attendant que quelques mains amoureuses de la lecture ne daignent les ouvrir et les feuilleter. Victor Hugo, Chateaubriand , la Rochefoucauld, Taha Hussein, Al Manfalouti, Ibn El Moukaffaâ ou Dib, Feraoun, Kateb Yacine,Tahar Ouettar et plus proche de nous Yasmina Khadra ne font partie du vocabulaire des jeunes et pour la plupart d'entre eux, ils n'en entendent même pas parler. Une situation plus qu'alarmante puisque les nouvelles générations sont beaucoup plus portées sur les jeux, sur les films et sur la musique , la lecture pour eux est une perte de temps et cela ne sert à rien. Il faut dire que les parents et l'école n'ont pas su inculquer ce goût de la lecture, ce goût qu'ils ont eux, cette lecture qui les a formés et forgé leur culture. Les librairies ne désemplissent pourtant pas et l'on voit une foule de gens autour des rayons. Mais celle-ci s'occupe uniquement du livre parascolaire, mathématiques, physique, sciences et autres disciplines. Autour des présentoirs des œuvres d'écrivains locaux ou étrangers, c'est le vide, un vide qui en dit long sur la place que la lecture a dans la société.Révolus les temps où l'on disait «J'ai fait la lecture aux enfants et ils dorment comme des anges.» Aujourd'hui, dans la soirée ce sont les feuilletons et les émissions qui ont tout remplacé et le mal perdure. L'école se démène en faisant découvrir par les programmes, la lecture dirigée en présentant des textes extraits d'œuvres littéraires reconnues pour initier et inciter les jeunes générations à cette activité. Cela ne dépasse pas le seuil de l'établissement et une fois dans la rue ou chez lui, l'écolier ou le collégien a d'autres centres intérêts. Et cela continue, la lecture est bannie, l'analphabétisme littéraire est là et il s'installe dans la durée. M.R.