L'émissaire international Lakhdar Brahimi a pu constater l'énorme difficulté de sa tâche pour trouver un début de solution à la très complexe crise syrienne. Brahimi, qui a achevé, dimanche dernier, sa première mission sur le terrain de la crise depuis sa prise de fonction le 1er septembre, «va informer Nabil al-Arabi de ses entretiens avec le président Bachar al-Assad et des membres de l'opposition». Brahimi devrait également participer à une réunion du «groupe de contact» quadripartite sur la Syrie (Iran, Egypte, Turquie et Arabie saoudite), qui se réunira pour la première fois au niveau ministériel. L'émissaire international avait lui même estimé que sa mission était «très difficile» et il a eu la confirmation de ses appréhensions en Syrie après avoir entendu les positions des belligérants. Les rebelles ont déjà affirmé que la mission de Lakhdar Brahimi «est vouée à l'échec». Le médiateur international a discuté avec le président Assad. Il a prévenu que le conflit en Syrie était une «menace pour le monde», tandis que le chef de l'Etat syrien a estimé que le succès d'un règlement politique dépendait des pays qui soutiennent les rebelles. Assad ayant assuré que son pays «coopèrera avec tous les efforts sincères pour résoudre la crise, tant que ces efforts sont neutres et indépendants». Il est évident que la résolution du conflit dépasse le cadre interne syrien. Pour Brahimi, «la crise est dangereuse, elle s'aggrave et elle représente une menace pour le peuple syrien, pour la région et pour le monde». «Nous allons être en contact avec les pays qui ont des intérêts et une influence sur le dossier syrien», a tenu à préciser Brahimi. La référence est claire pour le comité quadripartite réunissant l'Egypte, l'Iran, l'Arabie saoudite et la Turquie. Les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, et les pays du Golfe ainsi que la Turquie exigent le départ du président Assad, tandis que l'Iran, la Russie et la Chine sont favorables à une transition politique avec le concours du régime. Il s'agit de faire converger tout ce beau monde. L'émissaire international a assuré «qu'il allait travailler en toute indépendance en se basant sur le plan Annan et la déclaration de Genève». La déclaration de Genève fixe un certain nombre de principes pour la transition en Syrie. Brahimi a eu aussi des contacts avec l'opposition dite de l'intérieur, le Comité de coordination pour le changement national et démocratique (Cccnd). La mission est enchevêtrée. Kofi Annan n'est jamais parvenu à obtenir l'application de sa demande de cessez-le-feu, théoriquement accepté par les deux parties, il a dû démissionner ne pouvant faire face à des pressions démentes. Le 1er septembre, Brahimi remplace Kofi Annan en tant que représentant spécial de l'ONU et de la Ligue arabe.
«Mission quasi impossible» À la veille de sa rencontre avec les dirigeants syriens, Lakhdar Brahimi a eu au Caire un mini clash avec le Premier ministre qatari, Hamad Bin Jassem (HBJ). HBJ est un des adversaires les plus résolus du régime syrien au sein de la Ligue arabe. L'information a été donnée par le journaliste français Malbrunot, dans son blog. Selon un diplomate arabe en Egypte, Brahimi aurait d'abord refusé l'invitation que HBJ lui a proposée de discuter dans sa suite de l'hôtel Four Seasons, aux côtés de Nabil al-Arabi, le secrétaire général de la Ligue arabe. «S'il veut me voir, il n'a qu'à venir à mon hôtel», aurait sèchement répondu Brahimi. Finalement, le Premier ministre du Qatar, qui dirige le comité ministériel sur la Syrie, s'est déplacé pour une rencontre à trois, avec Al Arabi, chez Brahimi. Ce dernier aurait répondu «non» aux principales exigences du responsable qatari. Pas question de fixer une date limite à sa mission en Syrie imposée par certaines puissances. «Je ne travaille pas comme ça», aurait fait valoir Brahimi au puissant homme de la diplomatie qatari. «Je suis l'envoyé personnel du Secrétaire général de l'ONU, je ne veux pas qu'on me fixe des limites», a-t-il clairement expliqué. HBJ aurait quitté la salle, en colère, et l'ambassadeur du Qatar n'a pas participé à la réunion, qui eut lieu ensuite entre les ambassadeurs arabes et Brahimi. C'est dire la complexité de la mission de l'Algérien. Pour l'heure le diplomate n'a pas proposé de plan pour sortir de l'impasse en Syrie. L'heure est à la prospection et à l'écoute. «Brahimi nous a dit qu'il voulait voir tout le monde avant de proposer une solution et qu'il voulait inclure tous les protagonistes du conflit, y compris les Iraniens, à un processus de négociation. Il ne veut pas, non plus, se lier avec les plans déjà mis sur la table comme celui de Kofi Annan», ont affirmés les mêmes sources. La mission paraît «quasi impossible» tant les protagonistes campent sur leurs positions. Brahimi ne se fait guère d'illusion, comme il l'a déclaré dans un de ses rares entretiens avec la presse. Les tentatives diplomatiques visant à sortir du conflit en Syrie sont «quasi impossibles» et insuffisantes pour mettre un terme combats, avait-il déclaré à la BBC, au début de sa mission. Le diplomate algérien affiche une grande prudence, bien qu'il parle d'un «changement inévitable» en Syrie. Brahimi souhaitait n'être le représentant que de Ban ki-moon, le Secrétaire général de l'ONU. Mais il a dû céder aux pressions, certains pays du Golfe, en pointe à la ligue arabe, se caractérisant par un activisme assez soutenu dans le dossier syrien. Brahimi a dû accepter de reprendre dans son équipe le diplomate palestinien Nasser al-Qidwa, dont il voulait se séparer, jugé «trop proche» des qataris. Toujours les pressions. Imperturbable, Brahimi compte ouvrir un bureau à Damas, et en confier la responsabilité à Mokhtar Lamani son numéro deux. Le diplomate marocain, qui a travaillé avec lui à Baghdad en Irak quand l'Algérien était représentant de l'ONU en 2004, est optimiste dans ses déclarations à la presse. Il est peut-être bien le seul. M. B.