La sortie de ses mémoires ayant été différée, il aura fallu que la mort ait raison de lui pour que l'on sache un peu plus sur le désormais défunt ex-président de la République, Chadli Bendjedid. Et c'est Me Miloud Brahimi qui fera certaines révélations sur la base de discussions qu'il avait eues avec lui à l'époque où il présidait aux destinées de la Ligue algérienne des droits de l'Homme. «Chadli ne voulait pas que le FIS remporte les élections législatives», a indiqué l'avocat qui était, d'après lui, la première personne à l'avoir vu deux mois après sa démission. «Des gens sont allés dire à Chadli qu'il n'y avait aucun risque que le FIS gagne les législatives. Il m'avait dit que lui-même avait essayé de faire en sorte que les élections n'aboutissent pas à la victoire du FIS. Il s'était concerté avec ses collaborateurs et les gens qui tenaient les institutions. Il m'avait dit : ‘'S'il y a le moindre risque que le FIS gagne les élections, je prends sur moi de les différer''. Les gens qui savaient ce qui se passait n'avaient aucun doute sur l'issue de ces élections, contrairement à ce qui a été dit au président.» Rassuré donc, Chadli organise les élections et comptait respecter la volonté populaire. Mais lorsque les résultats ont été rendus publics, il n'était pas question pour lui, toujours selon Me Brahimi de les remettre en cause. «Il est incontestable qu'il s'est trouvé dans la situation du président qui avait fait ces élections. Il ne voulait donc pas se déjuger, d'une part. De l'autre, il était face à des institutions qui refusaient ces résultats avec une grande partie de la société civile. Il a estimé de son devoir patriotique de se retirer pour laisser les choses se développer comme elles devaient l'être.» A propos de cette démission justement, l'invité de la radio a confirmé que le président en avait décidé de son propre chef. «Chadli m'a dit qu'il avait démissionné de son propre chef et que personne ne l'avait obligé à partir. Je le confirme totalement. Ce qui s'est passé après est venu confirmer la sincérité et la véracité des propos qui m'avaient été tenus par le président Chadli Bendjedid. Il est incontestable qu'il s'est trouvé dans la situation du président qui avait fait ces élections. Il ne voulait donc pas se déjuger.» «C'est quelqu'un qui a toujours assumé sa mission de président de la République, non pas comme un politicien amoureux du pouvoir et prêt à n'importe quoi pour y accéder, mais comme quelqu'un que les circonstances ont placé en avant et qui a fait ce qu'il pouvait faire pour le pays. Et qui, après avoir accompli son devoir, a laissé la place aux autres pour poursuivre les tâches que commandait l'intérêt du pays.» Puis, louant les mérites de l'ex-premier magistrat du pays, Me Brahimi a indiqué qu'il était très sensible à la question des droits de l'Homme. D'ailleurs, «l'Histoire retiendra que c'est sous Chadli que les Ligues des droits de l'Homme ont été reconnues en Algérie». Pour l'hôte de la Chaîne 3, «il était incontestable que Chadli était le père de la démocratie, puisque c'est sous son égide qu'a été élaborée la Constitution de 1989 qui a mis fin au régime du parti unique et c'est sous son règne qu'a été introduit le pluralisme syndical. Mais aussi l'ouverture du champ médiatique. Malheureusement elle n'a pas été loin parce que les médias lourds sont restés fermés et le sont partiellement jusqu'à maintenant». Me Brahimi estime que «sans la guerre civile des années 90, l'Algérie se serait démocratisée plus vite». «Les évènements d'Octobre 1988 furent une tragédie à laquelle personne ne s'attendait», a-t-il encore indiqué. Non sans réfuter la thèse du complot. «Les gens ont parlé de manipulateurs derrière ces évènements. C'est faux. C'était un mouvement d'une jeunesse qui en avait ras-le-bol.» L'ex-président de la Ligue algérienne des droits de l'Homme a affirmé que Chadli Bendjedid avait publiquement condamné la torture qui avait sévi conséquemment à ces évènements. «C'est à ma demande qu'il a ordonné la libération des centaines de jeunes emprisonnés et pour certains condamnés à des peines de prison.» C'est également à sa demande, selon lui, que Chadli a donné instruction, devant lui, à Mouloud Hamrouche, alors secrétaire général de la présidence, d'entamer un travail pour amender la révision du code de la famille. «La suite des évènements a fait que ce dossier a été mis aux oubliettes.» F. A.