En ces périodes de basse saison, les trois complexes touristiques de l'Entreprise de gestion touristique de Tipasa (EGTT), à savoir Matares, Corne d'Or et le CET, n'affichent pas complet. Ils ressemblent à tout sauf à des sites touristiques. Marquent-ils un temps d'arrêt en attendant la haute saison ? Possible ! Une virée dans ces sites permet de s'en faire une idée plus précise. Matares en jachère, en travaux. Trottoirs, façades et boutiques attenantes passés au pinceau, à la chaux, le site veut refaire peau neuve, se départir d'une laideur, à l'approche de la saison estivale. Des employés du complexe le disent à découvert, le tourisme, ce n'est plus comme avant. En remontant dans le temps, ils font défilé des images glorieuses de ce que fut le tourisme dans la région de Tipasa. Ils se souviennent tous des Européens qui venaient en masse à Matares. C'était pendant les années fastes. Aujourd'hui, il n'en reste plus rien, lâche un réceptionniste avec amertume. Que faire ? Mettre la clé sous le paillasson ? Changer d'activité, de métier ? Les employés du complexe, des gens de métier, essayent de résister, de surmonter les difficultés nées, en partie, d'une transition économique. Ils se débrouillent comme ils peuvent. Ils équipent les chambres de téléviseurs, de climatiseurs. Ils jouent sur le relationnel et le promotionnel. Sur les prix. A l'hôtel la Résidence, il faut compter mille huit cents dinars pour un single, trois mille deux cents pour une double, et cinq mille deux cents pour une triple. A l'hôtel la Baie, il faut débourser deux mille deux cents pour le single, trois mille quatre cents pour la double et six mille deux cents pour la triple. Dans le complexe, on trouve également des villas à des prix raisonnables, cinq mille cinquante la nuitée pour six personnes. Ce n'est pas du tout cher, estime un responsable rencontré au niveau de l'hôtel la Résidence. La politique des prix en question est inscrite, à vrai dire, dans une démarche globale destinée à faire évoluer ce site dans un nouvel environnement. C'est un des aspects du business plan étalé sur cinq ans que l'EGTT a élaboré. Quoi qu'on en dise, Matares reste un site connu et réputé, malgré le fait qu'il ait perdu de sa splendeur. Si le taux de fréquentation touristique y a drastiquement baissé, cela ne signifie pas pour autant que le site est bon à mettre au musée, pour reprendre les termes d'un employé de la Baie, jaloux de cette structure hôtelière, autrefois «adulée». Même délaissée, Matares, au pied du mont Chenoua, fascine encore. Si les Européens n'y viennent pas en masse, aujourd'hui, cela est dû à la conjoncture défavorable, sécuritaire de surcroît ; des Algériens et des coopérants s'y rendent, ne serait-ce qu'occasionnellement, notamment le week-end. De simples citoyens, des étudiants en excursion visitent également le site. D'ailleurs, la semaine dernière, des bus des œuvres universitaires ont amené des centaines d'étudiants et étudiantes sur ce site, venus en curieux. Même situation ou presque au CET, le site est, à première vue, laissé à l'abandon. L'accès est payant. Ici, on est loin du brouhaha de l'été. Peu de monde au CET. Le site est en grande partie fait de bungalows, sans hôtel. Une ville au ralenti Le complexe n'attire plus les foules d'antan. Pourtant, ce ne sont pas les prix qui posent réellement problème. Un bungalow fait de deux mille trois cent cinquante à trois mille quatre cent cinquante dinars. Le bas de la fourchette sans pension, et le haut en demi-pension. Un avantage non négligeable, deux personnes ont la possibilité de se partager les frais. Et c'est pour vingt-quatre heures. Au CET, seul bémol, une mer limpide, comme beaucoup de pays n'en ont pas. Non loin du Cet, sur la route de Tipasa, en bordure de la forêt, une succession de restaurants ponctuent l'étendue. Ils font partie du décor commercial de la wilaya. Des familles s'attablent, savourent de purs moments de bonheur. D'autres pique-niquent aux alentours. Et l'activité économique à Tipasa ? Une ville au ralenti, sur le plan économique. Ni l'aquaculture ni l'agriculture, encore moins l'industrie n'y sont développés. Et comme dans d'autres régions, un trait générique en matière de chômage; de jeunes chômeurs font office de gardien de parking, l'espace d'une semaine, d'un mois ou plus. A Tipasa, un fait burlesque, risible, mais néanmoins significatif, à quelques mètres du chef-lieu de wilaya, un espace aménagé en parking est réservé en principe aux visiteurs de la wilaya. A l'entrée de ce parking, une inscription lisible où on peut lire : parking gratuit. Seulement, elle ne fait pas loi. Des jeunes ont squatté ce lieu pour le rendre payant. Hamid est pâtissier, diplôme en poche depuis des années, avec un groupe de copains, il vient ici chaque jour pour garder les véhicules des visiteurs de la wilaya. «Ce n'est pas de gaîté de cœur que je le fais», dit-il. «J'ai un diplôme, mais je ne travaille pas. A Tipasa, c'est difficile de trouver un boulot ou de se faire embaucher par une entreprise. Pour espérer travailler, il faut être bien épaulé. Ici, ce sont des gens étrangers à la région qui occupent des postes dans un tel ou tel établissement», explique-t-il. Hamid résume, en fait, un état des lieux qui n'est pas propre à la wilaya. A l'instar d'autres wilayas, Tipasa a bénéficié, pourtant, d'importants projets dans le cadre du programme de relance économique. Elle ne semble cependant pas en avoir tiré profit. Peut-être que la wilaya ne s'est pas inscrite dans la dynamique voulue. Elle n'est pas porteuse de grands chantiers à même de résorber le chômage. Peut-être aussi parce que c'est une région à vocation agricole. Autre chose, la wilaya de Tipasa fait partie des régions qui ont souffert du terrorisme. Haouch Kouali était un des foyers résiduels du terrorisme. Aujourd'hui, c'est une zone pacifiée, nous dit un sexagénaire. La situation dans laquelle se trouve la wilaya au plan économique, notre interlocuteur en exonère quelque peu les autorités locales. De son avis, Tipasa est une petite ville à vocation agricole et touristique, deux secteurs qui, note-t-il, ne procurent pas grand-chose aujourd'hui à la collectivité, au regard de l'environnement dans lequel ils évoluent. Ici, il n'y a pas d'entreprise comme à Alger pour faire travailler les jeunes, fait-il savoir, et d'ajouter que, seule Tonic, une entreprise privée située à quelques encablures de la ville de Tipasa, recrutait. Ce n'est pas assez pour faire travailler beaucoup de monde, estime-t-il. Tonic, après avoir réalisé une ascension fulgurante, périclite aujourd'hui. A qui la faute ? Le conflit qui l'oppose à la BADR n'a pas encore été réglé. L'entreprise, érigée sur les hauteurs de la ville de Bou Ismaïl, s'efforce, toutefois, de se maintenir et de trouver des solutions à la crise qui la secoue depuis quelques années. De grands hangars, des usines à l'enseigne bariolée sont lisibles depuis Bou Ismaïl, Tonic ne semble pas perdre espoir, et ne met pas son sigle en berne. Si la petite industrie portée par un groupe privé ne se porte pas bien dans cette région, ce n'est pas une fatalité, dit notre interlocuteur, vu le manque de projections, d'idées créatives, pour faire avancer le développement, le progrès dans le pays. Ce qui se passe à Tipasa n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan, lâche-t-il. Cependant, tout n'est pas noir à Tipasa. A la périphérie de la ville, un port de pêche et de plaisance est en construction. Les habitants de Tipasa en sont fiers et aiment en parler à loisir. L'activité halieutique, au ralenti actuellement, pourrait être relancée, une fois le projet achevé. A l'heure qu'il est, une grande partie des travaux (jetées, travaux de dragage, ouvrages d'accostage…) a été terminée. C'est une plate-forme importante à même de promouvoir les petits métiers. Trente embarcations de pêche et soixante unités de plaisance peuvent mouiller dans le port de Tipasa en y ayant un point d'attache, à la grande joie de plaisanciers, mais surtout de pêcheurs de métier. Tipasa manque de projets, d'infrastructures. Y est-elle rétive ? Tipasa semble être ruiniforme, même si elle garde une singularité, celle d'offrir un magnifique panorama qui ne s'effrite pas au fil des ans. Y. S.