Photo : Sahel Par Samir Azzoug La qualité de la formation est le nouveau cheval de bataille de l'université algérienne. Après avoir de tout temps motivé la «réussite» de l'enseignement supérieur par le nombre de places pédagogiques mises à la disposition des étudiants, voila que le décalage induit par l'incompatibilité des formations dispensées avec les exigences économiques, produisant des diplômés chômeurs, d'un côté, et un manque réel en cadres compétents dans les entreprises demandeuses, de l'autre, a conduit les responsables à revoir leur copie en matière d'enseignement supérieur. Ainsi, après les réformes engagées et l'introduction du système LMD, il est noté encore un déficit flagrant en termes d'encadrement dans les établissements universitaires. Selon, le Cnes (conseil national des enseignants du supérieur), en 2011, le déficit en enseignants était de l'ordre de 27 000. Malgré l'ouverture de plusieurs milliers de nouveaux postes budgétaires pour l'enseignement supérieur, il reste que ce manque est toujours d'actualité. Notamment en matière de langues étrangères et d'enseignants de haut rang. Une difficulté qui fait des universités algériennes des établissements éloignés des exigences universelles. Un récent classement des universités du monde (The Webometrics Ranking of world University) concède la 1 837e place pour le meilleur des établissements supérieurs algériens, à savoir l'Université Mentouri de Constantine. L'Usthb de Bab Ezzouar est classée à la 2 276e place. Ce classement ne prend pas en compte les places assises à l'université, mais sa visibilité dans le monde et sa production du savoir. En fait, l'université algérienne, malgré quelques efforts de coopération internationale opérés ces dernières années reste isolée. Il est donc impératif de créer un mouvement d'échange de savoir et de formation. L'un des aspects de cette dynamique indispensable pour élever le niveau de l'enseignement supérieur est l'envoi des étudiants pour des formations résidentielles à l'étranger. Cette formule existe bien en Algérie mais elle reste en deçà des besoins et pas tout à fait admise par les étudiants algériens, dans le sens ou soit ils ignorent ce droit, soit ils n'y croient pas trop. Elle souffre en fait du manque de transparence. Alors que faut-il savoir sur l'accès aux bourses pour des formations résidentielles à l'étranger ? D'abord, il y a le programme de formation résidentielle poste-graduée. Chaque année, les conférences régionales des universités (CRU) établissent une liste de filières retenues pour permettre aux étudiants qui le désirent d'obtenir un diplôme de Master 2.Pour cette année 2012-2013, les spécialités retenues par exemple sont le génie des procédés pharmaceutiques, les mathématiques, l'anglais et le management. Sur ces spécialités, seuls les majors de promotion, classés sur la base des moyennes des quatre années de formation, ouvrent droit au concours écrit donnant droit à une bourse. La commission nationale des concours, présidée par le secrétaire général du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique et les commissions de concours au niveau de chaque CRU, composées, elles, d'enseignants de rang magistral, classent les étudiants en fonction des résultats obtenus lors du concours national. Ensuite, il y a la formation résidentielle à l'étranger pour les enseignants-chercheurs. Pour avoir accès à celle-ci, il faut justifier d'une ancienneté de trois années de service actif et ne pas avoir déjà bénéficié d'une bourse d'études à l'étranger. L'arrêté ministériel 756 du 28 décembre 2011 fixe les critères de sélection comme suit : justifier des diplômes requis, être présélectionné par le conseil scientifiques de l'établissement de formation supérieur et par la commission ad hoc des conférences régionales des universités, être inscrit pour la préparation d'une thèse de doctorat en Algérie, justifier d'un co-encadreur de thèse et d'un échéancier des travaux dument visé par les directeurs de laboratoires algériens et étrangers. Quant aux choix des formations à favoriser, elles dépendent des programmes de formation élaborés par les établissements universitaires, suivant des filières prioritaires qui enregistrent des déficits en matière d'enseignants de rang magistral ainsi que d'études prospectives des besoins exprimés à l'horizon 2015. L'encadrement juridique de la dispense des bourses d'études à l'étranger pour les étudiants et enseignants-chercheurs est très étoffé et précis. Les textes sont clairs, les exigences strictes mais dans la pratique il reste beaucoup à faire en matière de communication, d'abord, et de transparence, ensuite. En juin dernier, cinq enseignants chercheurs de l'université d'Alger III, avaient observé un sit-in devant le ministère de l'Enseignement supérieur pour dénoncer le rejet «arbitraire et méprisant», selon eux, de leurs candidatures. Ils ont voulu par leur manifestation dénoncer l'injustice de la commission chargée de traiter et d'étudier les dossiers de bourses à l'étranger. D'autres enseignants-chercheurs, contactés par nos soins, vont encore plus loin. Ces derniers ne ciblent pas directement l'aval de l'opération de tri des candidats, mais ils affirment que «tout se joue dans le choix des filières prioritaires à la dispense de formation résidentielle à l'étranger». «Il y a du favoritisme. On avantage une filière sur une autre en fonction des gens que l'on veut envoyer à l'étranger. Le choix des filières est très subjectif», dénonce l'un d'eux. Un autre remet en cause le blocage enregistré au niveau des inscriptions pour le diplôme de doctorat. «Cela bloque nos carrières, d'abord, et, ensuite, cela nous empêche de postuler pour l'accès aux bourses à l'étranger». S'agissant des étudiants en post-graduation, rares étaient les personnes approchées au niveau des établissements universitaires à savoir qu'ils pouvaient ouvrir droit aux bourses pour étudier à l'étranger. «L'information circule mal. Si j'avais su que je pouvais espérer poursuivre mes études à l'étranger avec une bourse de l'Etat, j'aurais fait plus d'effort durant mes années de scolarité. Mais je pense qu'ils (les responsables des universités) le cachent exprès. C'est pour réserver les places aux étudiants qu'ils veulent», pense un étudiant en sciences politiques. On le voit donc, la gestion des bourses d'études à l'étranger gagnerait à être plus démocratisée et transparente. Pour éviter de tomber dans les pièges du dénigrement et de la polémique, il est utile d'associer les étudiants, à travers les organisations estudiantines par exemple, dans le processus de sélection des choix de filières ou des candidatures. Même en tant que simples membres observateurs.