Victime d'une déconsidération de la part des historiens de la Guerre d'Algérie, l'Organisation Spéciale (OS) de la Fédération de France du FLN peut s'estimer réhabilitée pour son parcours et ses sacrifices pour l'indépendance de l'Algérie. Le livre de Daho Djerbal, intitulé «L'Organisation Spéciale de la Fédération de France du FLN», libère l'histoire de la lutte armée du FLN en France, entre 1956 et 1962. Paru aux éditions Chihab, «le livre réhabilite la parole des vaincus», a souligné avant-hier, Daho Djerbal, au cours d'un débat autour du livre. Le conférencier révéla qu'il doit beaucoup, dans la réalisation de ce travail colossal, à Nasreddine Aït Mokhtar (dit Madjid), qui fut adjoint direct de Rabah Bouaziz, membre du comité fédéral et responsable désigné de la Spéciale. Daho Djerbal relate que l'écriture portant sur le combat de l'OS de la Fédération de France du FLN a été entamée par Aït Mokhtar, qui a déjà écrit une dizaine de pages. Une maladie handicapante empêcha le militant de l'OS de la Fédération de France du FLN d'aller au bout de l'œuvre. Il sollicita, dès lors, l'enseignant Atta Allah Dehina, du département d'Histoire, pour accomplir le travail. Ce dernier -décédé par la suite-, jugera qu'il n'est pas l'enseignant d'Histoire le mieux indiqué pour une telle œuvre, lui étant un médiéviste. Il orienta ainsi le militant de l'OS vers un spécialiste de l'histoire contemporaine, en la personne de Daho Djerbal. «C'est là où commence le travail de l'historien», avertit le conférencier, qui a rendu un grand hommage à tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce livre. Il fera savoir, dans ce sens, qu'un travail énorme a été fourni par tout un collectif. «Il s'agit de recouper les témoignages de la base, y compris ceux qui n'étaient pas du FLN». M. Djerbal note : «Je suis un restituteur de mémoire, pas un voleur de mémoire.» La preuve est dans le nombre de témoignages recueillis : 90 heures d'enregistrement de militants ayant vécu et ressenti «le combat unique» mené par des Algériens sur le sol français. Le livre «L'Organisation spéciale de la Fédération de France du FLN» vient aussi réparer «l'oubli» visible dans le livre d'Ali Haroun, «La 7e wilaya». Daho Djerbal explique, au cours des débats, qu'il avait lui aussi à mener un combat contre une catégorie d'historiens qui refuse que la parole soit une source de l'hHistoire. Ils considèrent, dit-il, que «la seule source est celle écrite et que la parole est nulle et non-avenue. Ils considèrent la parole comme un récit de vie». Or, «les archives sont sous le contrôle des autorités», rappela l'invité de Chihab Editions. M. Djerbal atteste que priver ces combattants de témoigner et de parler est «une injustice morale et politique». Pour lui, «il faut aller directement vers les acteurs de l'Histoire. Leur parole n'est pas seulement un témoignage, mais c'est leur être». M. Djerbal a aussi pointé du doigt la mise à l'écart dont ont été victime des militants, à l'image d'Aït Mokhtar Nasreddine. Etudiant en médecine, il choisit d'interrompre ses études pour rejoindre l'Organisation Spéciale en France, alors qu'il était sur le point de terminer son cursus. A l'Indépendance, des chefs de service dans des hôpitaux refusaient de l'embaucher, «il a été obligé d'aller en Belgique». La machine de l'ingratitude a fonctionné très tôt. Intervenant au cours des débats, Louisette Ighilahriz s'est attaqué à ce qu'elle qualifie de «forces occultes, qui entravent tout témoignage» de nature à faire éclater la vérité. Elle regretta dans ce sens l'attitude des autorités politiques. «Quand j'ai attaqué les généraux français, je n'ai pas été aidée par les autorités algériennes», s'est-elle indignée. Daho Djerbal clôt la séance en s'interrogeant sur le pourquoi un livre dédié au combat de l'OS de la Fédération de France du FLN ne suscite pas débat au sein des médias algériens, alors qu'il fait du bruit ailleurs. Une note de lecture lui a été consacrée dans une revue académique aux USA. Des traductions sont attendues dans les mois à venir. A. Y.