Les journées internationales dédiées à des causes dignes d'être célébrées sont nombreuses, et c'est tant mieux. Celle d'hier était dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes. Avec celles du tiers monde qui sont majoritaires, la plus grande partie des femmes, de par le monde, continue d'être le souffre-douleur de l'homme et de ses méfaits, des anachronismes qu'elle est souvent forcée d'entretenir. Ces journées thématiques, une fois l'an, sont-elles nombreuses et fastidieuses par la banalité qui s'attache à la force de l'inertie répétitive ? Des malins ont fait le décompte et en ont trouvé une, mais alors une seule, qui n'est affectée à aucune cause. Mais en attendant seulement preneur.Les femmes sont mieux servies, pourraient objecter à l'unisson tous ces misogynes qui ne se privent pas, pourtant, d'en faire un sujet de prédilection de leurs prêches enflammés. Antithèse de la journée d'hier, le 8 mars de chaque année célèbre la gent féminine dans l'ambiance fleurie des bouquets de roses et de l'eau du même nom. Ç'en est déjà trop, en effet, pour tous les pourfendeurs du beau, qui n'ont réussi leur Ouma unifiée que dans le mépris vociféré pour les ventres qui les ont portés. Deux journées, c'est trop…mais, attendez, ce n'est pas fini. Une troisième journée, qui a un rapport direct avec les femmes, est discrètement célébrée chaque année, le 19 novembre, sans gros titres de presse, sans cérémonies festives, sans trémolos hypocrites sur l'égalité des sexes et la promotion de celui dit faible. Vespasien n'y trouverait pas à redire, cette journée, c'est la «World Toilet Day». Pardonnez l'anglicisme, mais c'est son intitulé officiel. Vous avez bien lu, il s'agit bel et bien d'une journée mondiale consacrée aux toilettes. Elle existe depuis 2001 et son fondateur, qui ne supportait plus qu'on parle pudiquement d'assainissement quand le problème est celui des latrines, est un certain Jack Sim.Grâce donc à ce Monsieur, l'Organisation mondiale des toilettes était née et sa raison d'être n'a vraiment rien de risible. Non seulement elle ne l'est pas, mais le sujet est tout ce qu'il y a de sérieux et même de pathétique quand on apprend que 40% (2,4 milliards sur 7) de la population mondiale n'a pas accès à des toilettes décentes, hygiéniques. Pire, l'absence de cette commodité élémentaire est responsable, chaque année, de la mort de plus de deux millions de personnes. Inégalité même dans l'accès aux lieux d'aisance, les femmes sont encore une fois les premières à en souffrir. Pourquoi aller chercher loin quand dans toutes les villes d'Algérie, les femmes sont réputées chanceuses quand elles ne sont pas prises d'une envie pressante sur le chemin de leur travail ou au marché au moment des emplettes. Le sujet n'a pas été tellement évoqué, voire pas du tout, par les prétendantes et prétendants aux mandats municipaux, qui ont terminé hier leur campagne électorale. Oui, l'accès partout à des toilettes correctement entretenues doit être garanti à tous, en particulier aux femmes. Mais combien sont les APC qui font respecter la loi obligeant les cafés, restaurants, centres commerciaux à mettre à la disposition de la clientèle des sanitaires en état de marche ? Les grands discours politiques, c'est plus facile, ce n'est pas cher et que ça rapporte ou pas, cela n'engage personne, surtout pas leurs auteurs.Dernièrement, Me Ksentini, responsable du Conseil en charge des droits de l'Homme, s'est ému de l'état lamentable des routes et rues algériennes, suggérant que leur entretien faisait partie desdits droits. Soit dit en passant, le sigle du Conseil en question, impossible à mémoriser et prononcer, est vraiment à dormir dehors. À quand un acronyme «articulable» ? Mais passons. Si le droit à de bonnes routes passe d'abord par le droit à de bons responsables capables de les gérer, l'hygiène publique en général relève, elle aussi, de responsabilités identifiables. Autrement dit, il n'y a pas de droits respectés sans sanctions. À l'heure de la «réactivation» de l'autorité de l'Etat, qui se manifeste avec bonheur dans l'éradication des petites mafias du commerce illicite et nuisible, on en tire une leçon d'espoir. Ainsi donc, c'est possible ! Alors, surtout ne pas s'arrêter en si bon chemin. Messieurs les responsables, fermez les cafés qui ferment leurs toilettes, veillez au bon fonctionnement des bureaux municipaux d'hygiène, faites de la femme l'égale de l'homme au moins dans le soulagement des envies pressantes ! A. S.