Photo : Riad Scènes observées tous les jours, sur toutes les rues d'Algérie : des automobilistes grillent les feux tricolores, opèrent des dépassements dangereux, violent les sens et les stationnements interdits... sans prendre conscience des dangers qu'ils encourent et qu'ils font peser sur leurs concitoyens. Cela, en dépit des images, parfois atroces, des accidents de la route que les médias véhiculent et des appels à la prudence que les pouvoirs publics lancent régulièrement. Depuis quelques années, l'Algérie a ainsi le triste privilège d'occuper les premières places qui, comme l'Inde ou la Chine, ont, eux, l'excuse d'une population et d'un parc automobile beaucoup plus importants que nos 35 millions d'habitants et les 6 millions d'automobilistes qui sillonnent le pays. Cette situation très critique n'empêche pourtant pas un certain nombre d'autoécoles - ces établissements de formation dont il est attendu qu'elles contribuent à la mise en œuvre de la politique nationale de sécurité routière - de privilégier le volet commercial à l'aspect pédagogique de leur mission : «Les autoécoles se contentent de dispenser le stricte minimum en un temps record sans trop se soucier de la qualité de la formation», témoignent, à Oran, des «nouveaux permis» dont les plus sages - après avoir dépensé environ 40 000 dinars - préfèrent recourir à des séances de perfectionnement, soit auprès des autoécoles ou de proches ayant une expérience certaine de la conduite automobile : «Ayant constaté que ma femme avait obtenu son permis sans avoir atteint la moyenne de 30 heures de formation, je suis allé demander des explications de l'autoécole. Le gérant m'a rétorqué que son rôle se bornait à obtenir le permis et qu'il m'incombait d'apprendre la conduite à mon épouse», s'ébahit un jeune homme dont l'épouse a de la peine à tenir le volant. Une autre femme, elle aussi fraîchement déclarée apte à conduire après seulement quelque mois de formation, s'étonne de la rapidité et la facilité avec lesquelles les candidats obtiennent l'autorisation de conduire : «Je n'arrive même pas à démarrer sans caler, avoue-t-elle sans sourire, et je ne suis pas sûre de pouvoir me contenir la première fois que je conduirais en ville. Comment a-t-on pu m'octroyer le permis ?» Les témoignages sur le laxisme de la grande majorité des autoécoles, l'indifférence des examinateurs et la complicité intéressée des candidats (notamment des plus jeunes, encouragés qu'ils sont par l'accès facile aux véhicules de parents souvent inconscients) sont légion et expliquent pour partie l'augmentation terrifiante du nombre des accidents ces dernières années. Sur l'ensemble des 25 031 accidents (ayant fait 3 831 morts et 44 936 blessés) enregistrés par la Gendarmerie nationale en 2011, 14 255, soit un peu plus de 37%, sont attribués aux nouveaux permis de moins de 2 ans.
Les pouvoirs publics bottent en touche Et plutôt que de s'inquiéter de la dégradation de la formation dispensée par les autoécoles et leur propension à soigner davantage leurs finances que d'accomplir leur mission (à Oran, les candidats s'acquittent également des 50 dinars de droit d'entrée au parc d'attractions chaque fois qu'ils doivent passer les examens), les pouvoirs publics préfèrent décréter de manière unilatérale des mesures (recrutement d'un licencié pour le poste de directeur ou de gérant et l'exigence d'un cautionnement de 500 000 dinars à verser au candidat en cas de litige ou de fermeture de l'établissement...) dont l'utilité pour l'avenir de ces établissement de formation reste imperceptible pour le commun des mortels. Et davantage pour les professionnels du secteur qui rejettent l'ensemble du décret exécutif de mars 2012 fixant les conditions d'organisation et de contrôle des établissements d'enseignement de la conduite automobile. Pour eux, il est nettement plus urgent de se pencher sur la question du manque cruel des examinateurs (280 pour plus de 7 200 autoécoles sur le territoire national) et de circuits pour permettre aux candidats de mieux maîtriser les techniques de conduite. D'ailleurs, à l'issue de l'assemblée que la fédération a tenue ce début juin, les gérants des autoécoles ont brandi la menace de grève en cas de non-retrait du texte de loi à la fin du mois. En tout état de cause, la responsabilité de l'autoécole dans la prolifération des accidents de la route n'est plus à établir, comme ne sont plus à démontrer l'implication de la majorité des automobilistes et des piétons eux-mêmes - en ce qu'ils n'ont aucun respect pour les règles de conduite - et des pouvoirs publics qui laissent faire depuis si longtemps. Mais plus que quiconque, c'est le moniteur de l'autoécole qui, au-delà de l'enseignement des techniques de conduite - est chargé de sensibiliser les candidats sur leur responsabilité (très lourde par les temps qui courent) de futurs conducteurs et de développer chez eux le sens de la prudence et du civisme.Ce qui ne peut se faire en l'état actuel des choses…