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Témoignages sur la résistance en Algérie à travers les âges
4es journées d'études sur l'histoire algérienne à El Goléa
Publié dans La Tribune le 10 - 12 - 2012


De notre envoyé spécial à El Goléa
Hassan Gherab

Le bus traversant la rue principale du petit bourg ne passe pas inaperçu. C'est qu'il est rempli de têtes étrangères, et depuis la mort du tourisme dans la région, un étranger ne peut passer inaperçu à Hassi El Gara. Que dire alors de tout un bus !?La commune distante de quelques kilomètres d'El Goléa, 270 kilomètres à l'est du chef-lieu de la wilaya de Ghardaïa, reçoit ce dimanche matin la 4e édition des Journées d'études sur l'histoire de l'Algérie qu'organise le musée national d'El Goléa. Pour cette année, l'édition 2012 se dédie au Cinquantenaire et le thème des Journées est «la Résistance en Algérie à travers les âges». L'événement, car c'en est un pour ce village où la routine et la monotonie se disputent le quotidien des habitants, se déroulera dans l'amphithéâtre flambant neuf attenant à la bibliothèque municipale. Dès l'entrée, vous sautent aux yeux ces détails qui montrent le bâclage des travaux de réalisation de l'infrastructure.Hormis les intervenants et les invités, une trentaine, des citoyens prennent également place dans la salle. Quelques étudiants qui travaillaient à la bibliothèque se joignent aussi au public. Après avoir remercié conférenciers, invités et public pour leur venue, la directrice du musée d'El Goléa, Nora Aït Menguellet, annonce l'ouverture des travaux. C'est à Lehbaki Bouhafs d'El Goléa que reviendra l'honneur d'inaugurer l'édition 2012 des Journées sur l'Histoire de l'Algérie. L'intervenant présentera un poème écrit par son oncle moudjahid que l'inspiration a visité dans une prison française où il était détenu après sa condamnation à perpétuité pour activités subversives. Après cette entrée en matière, Djoudi Attoumi, ancien moudjahid et auteur, prendra la parole pour nous livrer un témoignage sur le colonel Amirouche dont il a été le compagnon de combat. «Je parlerai de la rencontre Amirouche-El Haouès et le travail de collaboration entre les wilayas III et VI», dira-t-il après s'être excusé pour ses difficultés de s'exprimer en arabe classique. «Amirouche voulait unir toutes les wilayas et y travaillait pour amener les chefs de l'Intérieur à s'unir afin de s'imposer à ceux de l'Extérieur auxquels Amirouche reprochait de ne pas envoyer armes, munitions et équipements», indique M. Attoumi qui précisera que le colonel El Haouès est venu quatre fois dans la wilaya III où il a également rencontré le colonel Mohammedi Saïd (Si Nacer). Des amitiés se sont même nouées entre les compagnons de Si El Haouès et Amirouche, affirmera l'auteur, avec photos projetées à l'appui, qui évoquera cet échange avec un moudjahid de la wilaya VI qui lui disait son admiration pour les combattants de la III : «Dans vos montagnes, à cause du maquis, vous ne pouvez voir l'ennemi qu'une fois qu'il est à un mètre de vous. Chez nous, dans le Sud, on le voit arriver de loin.» Djoudi lui répondra que ce qu'il voyait comme un désavantage n'en était pas un, au contraire et que c'étaient eux, les combattants des régions du Sud, qui avaient plus de mérite. Car, «dans le maquis, si on peut ne pas voir l'ennemi qu'une fois arrivé à un mètre de vous, on peut aussi disparaître en reculant d'un mètre. Mais chez-vous, dans ces grands espaces découverts, c'est impossible, ce qui rend le combat bien plus difficile et audacieux», a argué Djoudi qui, pour soutenir le propos, citera en exemple la bataille de Hassi Saka, 80 km au nord de Timimoun. Le 15 octobre 1957, 73 méharistes de l'armée française dont des sous-officiers ont déserté le campement emportant avec eux des armes et ont rejoint les rangs de l'ALN. Un régiment de parachutistes, commandé par le colonel Bigeard, sera envoyé à leur poursuite et accrochera les méharistes dans l'erg, d'où le nom de bataille de l'erg qu'on donne dans la région à ce fait de guerre. Trois avions seront abattus. Cette bataille aura des répercussions et un impact autant militaire que politique, car le pétrole venait d'être découvert dans le Sahara algérien, indique l'auteur qui a produit six livres, Amirouche, entre légende et histoire, Avoir 20 ans dans les maquis, Amirouche à la croisée des chemins, Chroniques de guerre, crimes sans châtiments I et II, et Récits de guerre. Le sixième ouvrage, qui sera bientôt mis sur le marché, est un livre-hommage consacré à ces appelés du contingent qui se sont élevés contre le colonialisme et ont pris fait et cause pour l'Algérie, ces amis de la Révolution algérienne, surtout les inconnus qu'on n'a jamais remercié, dira M. Attoumi, qui se souviendra de ce jour où il s'est retrouvé encerclé avec 9 compagnons dans les maquis de Drâa El Mizane. «On essayait de trouver une issue pour s'en sortir quand nous débouchâmes dans une petite clairière où stationnait un blindé. On s'est arrêté pile. Le militaire dans la tourelle, un jeune appelé, nous a fait signe de la main de passer. On avait peur que ce soit un piège. Non, le type nous a sauvés, on lui doit la vie, je lui dois d'être là. Pourtant, on ne l'a jamais revu ni remercié…»La deuxième intervention sera également un témoignage de Aziz Abdelmadjid qui nous parlera de son ralliement à l'ALN et de la vie dure, dans le maquis. L'ancien moudjahid racontera à l'assistance comment, parce qu'il avait de l'instruction, il était devenu chirurgien dans un hôpital de campagne. Il fallait soigner les blessés, recoudre les plaies, réduire les fractures… On prenait tous ceux qui savaient lire et écrire, quelques notions de médecine, de biologie, de secourisme, et on était affecté à une zone comme responsable de la santé des combattants comme des habitants de la région, expliquera le médecin malgré lui qui a exercé ses talents dans une des zones de la wilaya III. Pour le détail, Aziz Abdelmadjid a publié un livre Parcours d'un combattant, dans lequel il revient sur cette partie de sa vie.Après ces deux témoignages, Mohamed Taïb Akab, docteur en archéologie, présentera une communication sur les caractéristiques de la construction traditionnelle, cas de Béni Ouartilene. Mustapha Brit nous fait revenir à l'histoire, en revisitant les étapes de la Révolution qui a commencé dans la région d'El Goléa dès la fin des années 1940 avec Bensaci de Legrara qui a constitué les premières cellules messalistes avant d'être exilé à In Salah. Mais le travail souterrain se poursuivra jusqu'en 1955 quand, grâce à des compagnons de pacage, des contacts sont établis avec des agents d'El Haouès à El Bayadh. L'action militaire sera dès lors engagée et des faits de guerre seront enregistrés dont on peut citer la bataille de Saka en 1957 et la bataille de Tadmaït en 1960 lors de laquelle 4 tireurs d'élite châamba ont décimé 75 militaires de la légion étrangère. Une compagnie de parachutistes sera envoyée pour les déloger, mais ils auront déjà décroché et un seul mourra, de soif. C'est le désert qui aura raison de lui, pas les paras. Des trois, un seul vit encore. Kouider Messaoudi d'El Goléa prendra le relais pour réciter un long poème à la gloire de l'Algérie, depuis les Numides jusqu'à l'indépendance.Pause-déjeuner, et les travaux reprendront avec la moudjahida Zoulikha Bekeddour qui consacrera toute son intervention à l'hommage aux frères et sœurs de combat, à commencer par Hassiba Ben Bouali qu'elle a connue en 1954 au lycée Delacroix où elle a obtenu son bac en 1955. Amara Rachid dont elle a fait la connaissance à la fac avec Hafsa Bisker et les compagnes de détention, des françaises communistes, auront également droit à un hommage appuyé de la moudjahida. Quant au docteur Nakkache à qui elle dit devoir son parcours, il sera tout simplement encensé. Zoulikha saluera également l'engagement de la femme rurale qui a tant donné sans pour autant recevoir la reconnaissance qu'elle mérite. La communication de Nora Bouhamidi et Setouah Badreddine, attachés de conservation au musée des arts et traditions populaires de la Casbah d'Alger sur Fadhma N'Soumer, viendra en confirmation. Après une brève présentation par Badreddine de la vie et du combat de l'élève de la zaouïa Rahmania (le père de Fadhma N'Soumer était Moqadem de la zaouïa), son emprisonnement en 1857 aux Issers et sa mort en détention en 1863, Mme Bouhamidi indiquera que la zaouïa Aïssaouie à 9 km de Tablat où se trouve le tombeau de Fadhma N'Soumer a été transformée en musée après le transfert des os de la martyr à Alger. Mais, déplore-t-elle, ce musée est fermé et il n'ouvre qu'à l'occasion ou sur demande officielle… Fadhma N'Soumer a bien un musée, mais elle y est enterrée plus sûrement que quand c'était son tombeau.C'est sur ce triste constat que se termine la première journée de la rencontre. La troupe El Djaouhara Samra d'El Goléa égayera la soirée et fera oublier aux invités de l'oasis les constats amers et la fatigue de la journée. Demain sera un autre jour, avec d'autres interventions qui seront données par des archéologues et des spécialistes en muséologie, une autre tranche du passé.


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