Les lendemains de référendum risquent bien d'être aussi agités en Egypte que les jours tumultueux qui ont précédé le scrutin. Les résultats officiels du vote sur la Constitution ne seront connus qu'après la seconde phase qui aura lieu samedi prochain. En attendant, l'avenir politique de l'Egypte semble mis entre parenthèses. Les islamistes annoncent déjà une victoire du «oui» à 57% dans cette première phase organisée dans une atmosphère de grande tension. Le recours à l'organisation en deux parties, d'un référendum déjà largement controversé, a été effectif à cause de l'indisponibilité d'une partie des magistrats en grève contre l'interventionnisme politique touchant leurs prérogatives. Les magistrats ayant accepté de jouer le jeu et qui donnent ainsi leur caution légale à ce scrutin, sont d'ores et déjà frappés de suspicion de connivence avec les Frères. A l'autre bord, la mobilisation ne semble pas faiblir. L'opposition refuse de reconnaître ces résultats partiels. Et crie déjà à la manipulation, annonçant ne pas reconnaître un scrutin déjà entaché dans sa première partie. L'alarmisme de l'opposition est conforté par des ONG qui ont dénoncé des irrégularités graves. Des organismes des droits de l'homme ont également dénoncé des anomalies, condamnant un scrutin «à la Moubarak». Les irrégularités décriées sont même énumérées : observateurs de la société civile empêchés d'accéder aux bureaux de vote, supervision judiciaire insuffisante, usurpation de fonction de magistrat, femmes empêchées d'entrer dans certains bureaux …» Les griefs sont assez accablants pour annoncer de futures mobilisations, voire de nouveaux heurts, même après l'annonce officielle des résultats. Le Front du salut national, coalition de l'opposition rassemblant des mouvement de gauche et libéraux, annonce d'ores et déjà qu'il ne reconnaîtra aucun résultat non officiel. Mohamed al Baradaï, au premier plan de la bataille politique contre le président Mohamed Morsi, tente déjà d'expliquer une éventuelle victoire du «oui». Division du pays, irrégularités flagrantes, basse participation, désenchantement croissant vis-à-vis des islamistes. Les récriminations ne manquent pas pour dénoncer une posture politique assimilée aisément à un coup de force. Cependant, c'est surtout le constat sur l'obstacle de l'analphabétisme qui fera certainement réagir. Une réalité sociologique en Egypte, mais thématique risquée dans un pays où l'élite est souvent accusée d'être déconnectée du petit peuple. C'est pourquoi, même le «courant populaire» de Hamdine Sabahi, une des principales forces d'opposition s'est vu forcée de reconnaitre le score de 56% en faveur du «oui». En attendant les résultats finaux, du référendum en deux phases en cours en Egypte, beaucoup de questions restent en suspend. Le nombre de 56% pour un texte constitutionnel est juridiquement suffisant, mais l'est-il pour autant politiquement ? La victoire de Mohamed Morsi sera-t-elle suffisante pour faire taire les contestations et faire rentrer le pays dans une phase de stabilité pérenne ? En tout cas, l'incertitude est plus que jamais de mise sur le lendemain du référendum dans une Egypte fragilisée par des bras de fer politiques interminables. Les islamistes espèrent faire un nombre supérieur à 60% leur permettant d'engranger une victoire politique synonyme d'échec cuisant pour leurs adversaires. La seconde phase du scrutin pourrait bien leur assurer ce seuil. Samedi dernier, le vote concernait surtout les deux grandes villes du pays Le Caire et Alexandrie, où l'opposition aux Frères musulmans est traditionnellement plus forte que dans l'arrière-pays. Les islamistes pourraient tenter de mobiliser encore plus fortement pour la seconde phase, afin d'améliorer le score du «oui» et le rendre moins susceptible d'être contesté politiquement. La crise politique en Egypte, en phase de transition tumultueuse, pourrait bien se prolonger au-delà du scrutin sur la Constitution. Les lignes de fractures de l'impasse devraient être toujours les mêmes quel que soit le résultat. Les lendemains de scrutin risquent bien de confirmer l'impasse périlleuse pour la transition. Seulement, un élément positif subsiste au tableau. En Egypte, l'installation effective de l'islamisme dans le jeu politique post- autoritarisme ne surprend pas. C'est bien la résistance à l'hégémonie islamiste qui constitue une salutaire réaction de la société. Et qui augure d'un intéressant avenir démocratique. M. B.