L'opposition égyptienne préparait de nouvelles manifestations mardi contre un projet de Constitution soutenu par les islamistes, qui n'a recueilli qu'une courte majorité lors de la première phase d'un référendum samedi, selon des chiffres officieux. Le Front du salut national (FSN), qui réunit les principaux mouvements de l'opposition de gauche et libérale, appelle à "descendre dans la rue mardi pour défendre les libertés, empêcher la fraude et rejeter le projet de Constitution", avant la seconde étape du vote samedi prochain. Au Caire, le rassemblement doit se faire sur l'emblématique place Tahrir, haut lieu de la révolte contre le régime de Hosni Moubarak début 2011, et restée depuis le site de prédilection des manifestations politiques. Les résultats officieux annoncés par les Frères musulmans, dont est issu le président Mohamed Morsi, mais aussi par une formation d'opposition, donnent le "oui" gagnant avec environ 56% des voix. Le débat faisait rage dans la presse de lundi. "L'Egypte a dit +non+ et la fraude a dit +oui+", titrait le quotidien indépendant al-Watan, reflétant le sentiment de nombreux opposants. Pour al-Gomhouria (gouvernemental), "l'Egypte se demande quand va venir la fin de la division". Al-Chorouq (indépendant), estimait que les résultats encore officieux "représentent une défaite pour tout le monde", en soulignant la force de l'abstention, la défaite de l'opposition et le maigre succès des partisans du président Morsi. La première phase du vote samedi concernait environ la moitié des 51 millions d'électeurs inscrits, dans dix gouvernorats du pays dont Le Caire et la deuxième ville d'Egypte, Alexandrie, dans le nord. Selon les résultats communiqués par les Frères musulmans, la capitale, où l'opposition est en force, a voté "non" à près de 57%, tandis qu'Alexandrie, fief islamiste, a approuvé le texte. Les résultats officiels ne seront annoncé qu'à l'issue de la seconde phase du vote, qui se tiendra samedi prochain dans les 17 gouvernorats restants. Le chiffre de 56% de "oui" est loin des espoirs M. Morsi et des Frères musulmans, qui espéraient voir ce référendum constitutionnel se transformer en plébiscite pour le chef de l'Etat et le camp islamiste. Selon la presse le taux de participation se situerait aux alentours de 30%, contre les 41% atteints en mars 2011 lors d'un précédent référendum sur des dispositions institutionnelles provisoires après la chute de M. Moubarak. La commission électorale a refusé de commenter ces informations, et n'a pas non plus fourni de chiffre sur la participation précisant qu'elle ne donnerait aucun chiffre officiel avant la fin de la deuxième phase du vote. Le FSN a affirmé quant à lui qu'il "ne reconnaîtrait aucun résultat non officiel", et a accusé les Frères musulmans de chercher à "truquer" les résultats. Une coalition d'ONG égyptiennes a pour sa part critiqué dimanche les irrégularités entachant le vote, certains parlant d'un "référendum à la Moubarak", en référence aux élections frauduleuses sous le régime déchu. Ce projet de Constitution est depuis plusieurs semaines au centre de la plus grave crise que connaisse l'Egypte depuis l'élection de M. Morsi en juin. Les tensions entre pro et anti-Morsi ont culminé dans la nuit du 5 au 6 décembre en affrontements d'une rare violence aux abords du palais présidentiel au Caire, faisant huit morts et des centaines de blessés. A Alexandrie, des heurts entre adversaires et partisans du projet de loi fondamentale ont fait 15 blessés vendredi, et samedi soir, la police a dû repousser une attaque contre le siège du parti libéral Al-Wafd dans la capitale. L'opposition affirme que le texte ouvre la voie à des interprétations rigoristes de l'islam et offre peu de garanties pour certaines libertés, malgré les aspirations démocratiques nées de la révolte contre M. Moubarak. Pour le camp du "oui", l'adoption du texte doterait le pays d'un cadre institutionnel stable, un argument qui vise à séduire les nombreux Egyptiens inquiets après presque deux ans d'une transition mouvementée.