Les Egyptiens ont commencé à voter, samedi, dans un calme relatif sur le projet de Constitution défendu par les partisans du président islamiste Mohamed Morsi et rejeté par l'opposition. Quelques heures auparavant, dans la soirée de vendredi, Alexandrie, la seconde ville du pays, a été le théâtre de violents affrontements entre partisans et adversaires du président Morsi. 15 personnes ont été blessées dans des échanges violents avec jets de pierres et voitures incendiées. Hier, le scrutin s'y déroulait dans le calme après les incidents provoqués par un prêche incendiaire dans une mosquée contre les défenseurs du «non». La «situation est normale à Alexandrie après les violences. Nous collaborons avec l'armée pour assurer la tranquillité. Quiconque tentera de troubler l'ordre public sera immédiatement arrêté», a indiqué le porte-parole des forces de l'ordre dans le gouvernorat d'Alexandrie. Le référendum se déroule sur fond de tension et de méfiance après trois semaines de crise émaillée de violences qui ont fait une vingtaine de morts. Le choix de l'opposition de participer au scrutin en appelant à voter «non» a atténué de manière significative les risques de violences liées au scrutin sans pour autant mettre fin aux tensions. AL QARADHAOUI A LA RESCOUSSE DES FRERES L'armée (120.000 hommes déployés) et la police (130.000 hommes) se sont déployées en force pour assurer la sécurité du scrutin. Le président Morsi a été l'un des premiers à voter tandis que les Frères musulmans mettaient le paquet, à coups d'arguments religieux, pour inciter. De Doha, Cheikh Al Qaradhaoui a appelé au vote et n'était pas loin de qualifier de mécréants ceux qui s'y opposent. Selon les premiers éléments de ce référendum en deux phases (la seconde aura lieu samedi prochain), l'affluence semblait importante mais cela ne constitue pas un indicateur de la tendance du vote, l'opposition ayant choisi de ne pas boycotter le scrutin. La consultation a été prolongée de deux heures, jusqu'à 21 heures. Le scrutin est organisé en deux samedis en raison du refus d'un nombre important de juges de superviser le référendum. Hier, le vote se déroulait dans dix gouvernorats dont Le Caire et Alexandrie et concernait quelque 26 millions d'électeurs. Le taux de participation n'étant plus un enjeu du fait de l'absence d'appel au boycott, c'est bien le résultat qui compte. Une victoire trop courte du «oui» ne serait d'aucun secours au président Mohamed Morsi et pourrait créer une situation d'instabilité politique. LE SEUIL DE «60%» Un expert égyptien de Crisis Group estime qu'il faudra un résultat de plus de 60% pour le «oui» pour que le président Morsi puisse stabiliser la situation en sa faveur. C'est d'ailleurs sur ce thème du besoin de «stabilité» et de sortie du «provisoire» que les islamistes jouent sans bien entendu négliger d'instrumentaliser la religion. Des journalistes égyptiens sont d'ailleurs pris à partie par les islamistes comme étant des «ennemis de l'Islam», ce qui conforte des catégories assez larges d'Egyptiens sur l'existence d'un grave risque de dérapage vers un autoritarisme de type religieux. La date de l'annonce des résultats définitifs n'a pas été annoncée. Hier, l'opposition a lancé des accusations contre les Frères musulmans en mettant en exergue de nombreuses «violations» qui seraient le signe d'une volonté de fraude. UNE VOLONTE DE TRUQUER «L'étendue des infractions indique une volonté claire de truquer la volonté des électeurs de la part des Frères musulmans, dans le but de faire passer la Constitution de la confrérie», indique un communiqué du Front du salut national (FSN) qui regroupe les principales forces d'opposition. Selon le FSN, ces violations ont eu lieu «dans tous les gouvernorats». Le FSN a demandé aux «instances concernées à assumer leurs responsabilités pour garantir la transparence» du vote tout en appelant le «le peuple égyptien à se rendre aux bureaux de vote pour dire non' et à empêcher toute tentative de truquer la volonté du peuple». Parmi les violations constatées, le fait que des membres des Frères musulmans appelaient encore, au niveau des bureaux, à voter «oui» avec distribution de «sucre, d'huile et de thé». Au Caire, un juge aurait empêché les électeurs chrétiens de participer au vote. L'opposition et notamment le «courant populaire» de Hamdine Sabahi, classé troisième à la présidentielle, a constitué des PC de suivi des opérations et surveiller les infractions. Le Club des juges entré en franche opposition à Mohamed Morsi a également constitué des PC similaires pour recevoir d'éventuelles plaintes. L'armée a publié de son côté une déclaration assurant qu'elle allait suivre le processus référendaire et surveiller les infractions et les transmettra aux autorités compétentes. Il est difficile d'évaluer l'ampleur des «violations» dénoncées par l'opposition. Celle-ci, sans remettre en cause, pour l'instant, le scrutin semble prendre date pour les prochaines batailles.