Pour la première fois depuis son élection, le président français rencontrera son homologue algérien demain et après demain. L'enjeu est de taille : bâtir un partenariat gagnant-gagnant sur tous les fronts. Les crises de la zone euro, des dettes souveraines et la faible croissance mondiale font que cette visite sera marquée par des contrats économiques. La signature de l'accord avec Renault pour la construction d'une usine à Oran est acquise. Comme l'est la création d'une société algéro-française dans la production de ciment entre Gika et Lafarge. Si à Paris le forcing est fait en raison des difficultés économiques que connait la France, à Alger on est, également, intéressé par ce partenariat afin de diversifier son économie et de relancer durablement l'industrie. L'aspect gagnant-gagnant dans la sphère industrielle semble être acquis. Cependant, les différends algéro-français sont nombreux au niveau politique et diplomatique. Notre pays célèbre le Cinquantenaire de son indépendance et une large partie de l'opinion et des partis politiques exigent de l'Etat français une reconnaissance des crimes de guerre et contre l'humanité commis durant les 132 ans de colonisation. Il ne s'agit pas d'une demande impossible à satisfaire. Le président Chirac l'avait fait avec Madagascar. Un pays qui a, certes, connu des exactions mais sans commune mesure avec ce qu'avaient commis les armées coloniales en Algérie. C'est là un sujet qui doit être traité avec mesure par le président français en raison de la montée en puissance des lobbys OAS, Pieds-Noirs et harkis dans son pays. La reconnaissance des crimes du 17 Octobre 1961 et l'ouverture des archives concernant l'assassinat de Maurice Audin sont deux signes forts pour l'apaisement des relations sur le sujet. Mais les Algériens en attendent plus et sont en droit de l'exiger. Jacques Chirac avait tenté de le faire mais a été doublé par une frange de sa majorité qui a adopté une loi abjecte portant sur la «reconnaissance de la Nation et la contribution nationale en faveur des Français rapatriés». Nicolas Sarkozy avait tenté lors de son discours à Constantine de rectifier le tir mais a vite fait de se démentir dès son retour dans son pays. Les doubles discours sur les crimes de la colonisation française ne sont pas fait pour calmer, de ce côté de la Méditerranée, les appréhensions sur un sujet qui concernent la totalité des Algériens. Parmi les autres sujets qui fâchent, l'incohérence de la diplomatie française sur les dossiers syrien et malien. En Syrie, la France fait tout pour soutenir des djihadistes tandis qu'au Mali, elle presse la communauté internationale d'aller les combattre. Il est vrai qu'au Moyen-Orient la sécurité d'Israël est plus importante que la vie des Arabes. La France qui du temps de de Gaule tentait d'avoir une position équilibrée sur le sujet a changé complètement de doctrine depuis son entrée dans l'OTAN. En Afrique, la doctrine reste la «Françafrique» même si on essaye de lui donner de nouveaux habits. Les présidents Bouteflika et Hollande auront à discuter de tous ces sujets. La partie algérienne est consciente de l'importance des relations algéro-françaises et de celles qui la lie à la rive nord de la Méditerranée. En France, l'Algérie est de plus en plus perçue comme un enjeu de politique intérieure. Des relations apaisées et des partenariats gagnant-gagnant ne seront possibles que si la partie française assume son histoire et comprenne une fois pour toutes que l'Algérie est indépendante depuis 50 ans. La géographie et l'Histoire font que les deux pays auront des relations importantes et que les interactions sont évidentes. A. E.