Les relations algéro-françaises prennent une tournure normale. Manuel Valls achèvera ce soir une visite qui clôturera la série habituelle de rencontres entre ministres avant celle des deux chefs d'Etats. Beaucoup de dossiers sont en suspens. Mal abordées par le gouvernement Fillon, les questions économiques, diplomatiques et politiques n'ont guère évolué depuis 5 années. La France qui veut une révision de l'accord bilatéral de 1968, oublie qu'il est le résultat des accords d'Evian et une petite réparation d'une colonisation des plus abjectes et qui a duré 132 ans.La visite de Valls est certes importante dans un contexte de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Tout comme étaient importantes les visites des ministres du Commerce et de la Francophonie. Ces valses d'un couple qui ne dansent pas sur la même musique ne sont pas agréables à voir. Ce langage de sourds entre les héritiers des colonisateurs et de ceux des martyrs n'est ni visible ni audible. L'Algérie fête cette année le cinquantième anniversaire du recouvrement de sa liberté. Une liberté payée au prix de centaines de milliers de martyrs et d'années de privations. Un combat qui est inscrit dans la mémoire collective et individuelle de chaque Algérienne et Algérien. Cette histoire «commune» des peuples algérien et français ne peut faire l'objet de négociations ni de tractations. La partie algérienne attend toujours un hommage français à son Aimé Césaire, notre Frantz Fanon. La venue de François Hollande à Alger doit s'accompagner par la reconnaissance de l'Etat français des crimes commis en son nom par l'empire colonial.Les négociations autour de la circulation des personnes, de l'investissement et autres sujets qui fâchent, sont de mêmes natures que ceux menés par les Algériens avec les Chinois, Qataris ou de toute autre nationalité. Les relations «gagnant, gagnant» se font dans le cadre large des intérêts des Algériens et de leur partenaire étranger. Si la «Françafrique» a disparu et que les relations de l'ex-colon avec l'ex-colonisé se sont normalisées, il ne saurait être fait état d'une «Françalgérie» à bâtir ou en devenir. L'histoire et la proximité géographique sont deux éléments qui plaident pour une normalisation des relations. Ces deux éléments sont aussi les arguments pour des excuses de l'Etat français au peuple algérien comme pour la réconciliation franco-allemande. Les Algériens sont sûrement prêts à tout négocier avec les partenaires français puisque tous les dossiers sont ouverts et en cours de discussions. Le fait que le dialogue n'est pas rompu avec notre partenaire du Nord, malgré les divergences autour de bien de sujets, est une preuve de la volonté d'avoir des relations «normales» et apaisées avec l'ancienne puissance coloniale. La recherche d'une vision commune pour la Mare Nostrum qu'est la Méditerranée. Le besoin d'un développement économique et social commun qui évite des migrations non désirées et des rapports harmonieux entre les rives sud et nord d'une mer qui s'apparente de plus en plus à un lac.Les musiques guerrières et inamicales jouées par Sarkozy et son équipe, n'ont fait valser personne en Algérie. L'islamophobie et les relents de racisme qui s'insinuent de plus en plus dans la société française ne sont dignes ni de Montand ni de Prévert. La valse des ministres et la signature de contrats mutuellement bénéfiques ne seront pas des gestes pour des relations apaisées. Le seul apaisement possible réside dans une phrase hautement symbolique et que seul le chef de l'Etat français pourra prononcer : «La France s'excuse pour les crimes commis en son nom dans ce pays voisin qu'est l'Algérie.» Tout le reste se négociera avec la France comme avec les autres Etats dans des échanges où les intérêts bien compris de chaque partie seront préservés. A. E.