François Hollande, le président de la République française, a achevé jeudi soir sa visite d'Etat de deux jours en Algérie. Une visite marquée notamment par la signature de la déclaration d'Alger et de sept accords de coopération entre les deux pays. François Hollande qui n'était pas venu «se repentir ou présenter des excuses» à l'Algérie, a néanmoins dit «ses» vérités sur le colonialisme français. «Cette vérité, nous la devons à tous ceux qui par leur histoire, par leur histoire douloureuse, blessés, veulent ouvrir une nouvelle page (…) Pendant 132 ans, l'Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal, ce système a un nom, c'est la colonisation, et je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien. Parmi ces souffrances, il y a eu les massacres de Sétif, de Guelma, de Kherrata (…). Parce qu'à Sétif, (…) la France manquait à ses valeurs universelles», a dit le président français ajoutant « (…) Nous avons ce devoir de vérité sur la violence, sur les injustices, sur les massacres, sur la torture (…)». Les vérités de François Hollande n'ont pas convaincu tout le monde. De nombreux historiens pensent que le président français pouvait aller plus loin en annonçant officiellement une reconnaissance de la France de tous les crimes qu'elle avait commis contre le peuple algérien durant la période coloniale. Mme Josette Audin, veuve du militant de la cause nationale Maurice Audin, avait plaidé pour une «condamnation ferme» de la France de l'assassinat de son époux en juin 1957 par les parachutistes, ainsi que de tous les crimes perpétrés en Algérie pendant la colonisation. Les parlementaires algériens ont, quant à eux, été divisés. Le président du Parlement, M. Abdelkader Bensalah, a déclaré que l'institution qu'il préside souhaite «un nouveau départ» dans les relations algéro-françaises qui soient «fortes et durables». Il n'a cependant pas omis de souligner : «Nous partageons (avec la France) une partie de notre histoire, aussi douloureuse qu'elle fut durant certaines périodes.» La vice-présidente du Conseil de la nation, la moudjahida Zohra Drif, a estimé que M. Hollande a fait référence à des événements que le droit international qualifie «de crime contre l'humanité». S'agissant de la «repentance» de la France, elle a indiqué que «Hollande ne l'a pas dit explicitement, mais il a fait référence à des faits historiques (…) Cela est important pour les Algériens». «Son discours est très intéressant. Il parle de vérité. C'est une reconnaissance de fait des méfaits de la colonisation. Sur le terrain de l'apaisement, un pas vient d'être réalisé», a déclaré la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune. Pour le président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale populaire, Abdelkader Belabbas, membre du Front de libération nationale, le discours de M. Hollande comporte «des choses très importantes qui vont contribuer certainement à l'amélioration des relations algéro-françaises dans le futur. Nous ne pouvons qu'être satisfaits quand la France reconnaît, plus ou moins, une partie de sa responsabilité dans la colonisation». L'ancien président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme et actuel député du Front des forces socialistes, Mustapha Bouchachi, juge positif les propos de M. Hollande qui «a reconnu en quelque sorte la responsabilité de la France dans plusieurs crimes perpétrés durant la colonisation». «Mais nous aurions souhaité que M. Hollande aille plus loin. Les équilibres internes dans l'Etat français ne lui ont pas permis d'évoquer des excuses dans un avenir proche», a-t-il regretté. Le président du groupe parlementaire du FFS, M. Ahmed Battatache, a déclaré quant à lui que le discours était certes «un pas positif» mais demeurait «insuffisant» par rapport aux attentes du peuple algérien. «Je note une évolution positive dans le discours. Le chef de l'Etat français a dit ce qu'il fallait. Je ne pense pas qu'il puisse faire mieux», a estimé de son côté le vice-président de l'Assemblée nationale et membre de la direction du Rassemblent national démocratique, Abdeslam Bouchouareb. Il a néanmoins tenu à rappeler que quand le pouvoir Français demande à la Turquie de reconnaître «les crimes» qu'elle avait commis contre les Arméniens, le peuple algérien était lui aussi dans son droit de demander à la France de reconnaitre «non seulement ses crimes mais aussi des excuses».Pour l'Alliance de l'Algérie verte (AAV, composée du MSP, d'El Islah et d'Ennahda), le président français a présenté «une partie de la vérité» sur la colonisation en Algérie, entretenant la confusion entre le «bourreau» et «la victime». Pour l'alliance, il fallait que le président français reconnaisse ce qui s'est passé dans l'histoire, en demandant au peuple algérien «concrètement» et «explicitement des excuses». Du côté officiel, la visite d'Etat du président Français a été qualifiée de «déjà un succès» par le ministre des Affaires étrangères, M. Mourad Medelci. Pour le chef de la diplomatie algérienne, la «dimension populaire» de cette visite, les accords signés entre les deux pays et la déclaration de Hollande (vérité sur la période coloniale) lors de sa conférence de presse, indiquent bien que «nous sommes plus dans le déclaratif, mais voulons aller dans le concret». M. Medelci a estimé que «la vérité n'a pas de limite. Lorsque la vérité est éclatante, c'est bien que quelqu'un, à un niveau responsable, puisse la dire. Mais, si on ne la dit pas tout de suite cela n'altère pas la vérité, parce que celle-ci s'impose à tous». H. Y./Agences