Si elle remet sur le devant de la scène le phénomène extrêmement inquiétant des enlèvements d'enfants et l'incapacité conjointe des pouvoirs publics et de la société civile à y faire face, la tragédie qui a touché la famille Yousfi - dont la fille de huit ans, Chaïma, a été enlevée, torturée et assassinée - ranime le débat autour de la question de l'abolition de la peine mort, réclamée par les milieux laïcs et les défenseurs des droits de l'homme ou, au contraire, son rétablissement, tel qu'exigé par les conservateurs et les islamistes. Dimanche dernier, c'est Mustapha Khiati, président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et du développement de la recherche (Forem), qui s'est prononcée en faveur de la réactivation de la peine capitale pour les assassins d'enfants. «Nous sommes parmi les gens qui disent qu'en cas d'enlèvement d'enfant suivi d'agression sexuelle et d'assassinat, la peine de mort doit être rétablie car dans ce genre de situation, c'est la société qui est ébranlée et ce sont ses fondements qui sont touchés», a-t-il déclaré à la Radio nationale, à l'évidence très touché par les 1 000 cas de kidnappings d'enfants et les dizaines de morts recensés depuis 2001. Avant lui, lors de la campagne électorale pour les législatives de mai dernier, le S.G du RND, Ahmed Ouyahia, avait plaidé, lui, pour l'application de la peine capitale pour «les barons de la drogue, les gros trafiquants et les grands criminels». En 2009, le même Ouyahia, mais, cette fois-ci, en tant que Premier ministre, avait rejeté la proposition d'abolition de la peine de mort, introduite par des élus de l'APN, en avançant des considérations de lutte contre le terrorisme islamiste et le crime organisé. «Au moment où l'Algérie s'est engagée, aussi, à combattre toutes les formes du crime organisé, cette abolition pourrait être interprétée comme un manque de fermeté et un aveu d'impuissance des pouvoirs publics», avait-il argumenté en réponse aux députés RCD à l'origine de la proposition. Pourtant, depuis novembre 2011, l'abolition de la peine de mort dans la législation algérienne - projet contre lequel le Haut conseil islamique et l'Association des Oulémas musulmans restent résolument opposés, la question ne devant, selon eux, même pas être débattue - fait l'objet d'un programme national piloté par la Cncppdh de Farouk Ksentini. Sans affirmer que la question est tranchée, il est clair qu'à moyen ou long terme - probablement très long terme - l'Algérie finira par rejoindre les pays, y compris islamiques, qui ont décidé de supprimer cet acte irréversible. Autant il serait naturel et profondément compréhensible que les parents de la petite Chaïma et de tous ces enfants victimes d'enlèvements et d'assassinats exigent la peine de mort pour les auteurs de ces odieux crimes, autant il est évident que la raison et le discernement doivent un jour l'emporter sur la passion et l'aveuglement. La tâche est titanesque et exige le dépassement de soi mais elle n'est pas impossible : d'autres y sont arrivés. S. O. A.