Encore une fois, l'année aura été dure pour la culture à Oran. Les manifestations culturelles majeures ont encore été l'otage du politique, les jeunes sont toujours en quête d'espaces d'expression, la Cinémathèque est toujours la seule salle de cinéma qui fonctionne dans une wilaya qui en compte une trentaine, l'art pictural n'existe quasiment plus et, last but not least, la 6e édition du Festival du film arabe a été un bide retentissant. Non, la culture n'a pas été à la fête cette année à Oran.
Le poids du politique S'il fallait désigner un événement culturel qui aura marqué les Oranais, ce serait sans doute les nombreuses manifestations organisées à l'occasion du Cinquantenaire de l'indépendance dont certaines ont été très applaudies. Le spectacle de rue, inédit, animé dans la soirée du 4 juillet par des troupes folkloriques venant du Mexique, de l'Inde, d'Ecosse, d'Afrique du Sud ou d'Egypte, a réussi à apporter un peu de magie et de rêve aux milliers de spectateurs, notamment les enfants, qui s'étaient amassés tout le long du boulevard de l'ALN (mais toujours Front de mer) dans l'attente des prouesses pyrotechniques chinoises prévues à minuit. Pendant toute cette semaine-là, le théâtre de verdure Hasni-Chekroune, a résonné sous les applaudissements du public qui aura été gâté par une pléiade d'artistes, dont Khaled naturellement, Mami, Lotfi Double Canon, les Abranis, Najwa Karam, Kadhem Essaher, DJ Vendetta… Malheureusement (dans ce genre d'événement, il y a toujours un petit adverbe qui vient jeter une ombre), la mauvaise organisation a encore une fois été au rendez-vous et, par bien des endroits, les organisateurs ont été dépassés par l'ampleur, pourtant modeste, de cet événement commémoratif. Et c'est ainsi que, depuis toujours, les manifestations culturelles d'envergure qui ont eu lieu à Oran ont toujours été tributaires des commémorations officielles et de la volonté des pouvoirs publics de «briller et d'en mettre plein la vue» au monde, quitte à essuyer de cuisants échecs.
Le Fofa aurait pu… Et le Festival d'Oran du film arabe (Fofa) est l'exemple parfait de l'échec qui guette les entreprises culturelles lorsque celles-ci sont mues par d'autres motivations que la promotion de la culture. Après six éditions -la dernière vient à peine de s'achever sous un déluge de critiques- ce festival ne parvient toujours pas à mûrir pour se faire une place parmi «les festivals qui comptent dans le bassin méditerranéen» (dixit, Rabea Moussaoui, directrice de la culture et, accessoirement, commissaire du festival). A six ans d'âge, cet événement cinématographique, qui a lieu dans une ville doté d'une seule salle de spectacle ouverte toute l'année, peut seulement se targuer d'avoir consommé trois commissariats et d'avoir, au tout début, donné l'illusion de pouvoir hisser Oran vers quelque excellence. Mais l'illusion a fait long feu (les promesses de rouvrir les salles de cinéma, de réhabiliter les Arènes, de promouvoir la production cinématographique… n'ont jamais été tenues) et force est de constater que, plutôt que d'être la manifestation phare dont le tout Oran s'enorgueillirait, le festival à tendance à sombrer dans la médiocrité et à susciter l'embarras, malgré les efforts désespérés mais sincères d'un certain nombre de ses organisateurs qui continuent de penser qu'Oran doit avoir son festival. Finalement, à voir l'état semi-comateux dans lequel les autres segments de la culture continuent de végéter, malgré un potentiel humain non négligeable mais négligé, on a tendance à conclure que le quatrième art est le seul qui a enregistré une évolution positive cette année 2012. L'établissement culturel Abdelkader-Alloula qui, il y a quelques années, peinait à assurer une représentation par semaine, a réussi aujourd'hui le double pari de garantir plusieurs représentations par semaine et de convaincre un large public de renouer avec le théâtre. Depuis 2010, le théâtre régional d'Oran a réussi un grand pas dans la réhabilitation du quatrième art en programmant presque tous les jours des représentations, avec une attention particulière à la frange juvénile. Maintenant que le pari de la quantité est manifestement gagné, il reste la gageure de la qualité qui attend les hommes et femmes du théâtre oranais.