Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Oran Samir Ould-Ali
Tout le monde le sait et les spécialistes le déplorent régulièrement, la prise en charge des toxicomanes en Algérie reste très faible, comparativement aux proportions prises par la consommation de drogue et le trafic de stupéfiants ces dernières années. Oran ne fait pas exception à la règle et pourrait même se révéler l'une des wilayas les plus touchées par ce phénomène compte tenu de sa proximité avec le Maroc, un des plus gros producteurs de kif dans le monde ; proximité qui, au fil des années, a rendu l'accès au kif très facile pour les consommateurs et fini par créer une population de toxicomanes aux quatre coins de la wilaya. Et avec le délitement de la société (principalement en raison de la décennie et des mutations économiques qui ont suivi la libéralisation du marché) et l'incapacité des pouvoirs publics à faire face au trafic, le kif s'est sournoisement introduit dans les établissements scolaires, jusque-là épargnés par le fléau : «Entre 20 et 25% de collégiens et lycéens y ont déjà goûté à la drogue», observe le rapport sur la situation de l'enfance en 2012, élaboré par la Fondation nationale pour la promotion de la santé et du développement de la recherche. Et de très nombreux parents et enseignants regrettent que le trafic de kif continue de s'opérer autour des établissements scolaires sans que les pouvoirs publics ne réagissent. D'ailleurs, a-t-on jamais vu un policier interpeller ces enfants-vagabonds qui traînent toute la journée dans le centre-ville, le nez plongé à l'intérieur de sachets en plastique pleins de colle ? Plus encore, un certain nombre de mineurs ont dépassé le stade de la consommation pour «embrasser» une carrière criminelle de narcotrafiquants en herbe et se sont retrouvés derrière les barreaux. Pour cette même année 2012, La brigade de protection de l'enfance de la sûreté de wilaya d'Oran a recensé 32 mineurs impliqués dans différentes affaires liées à la drogue. Et selon les responsables de la brigade, la détention, la consommation et le trafic de drogue constituent les plus importants délits pour lesquels des mineurs sont poursuivis. Face à l'augmentation exponentielle de la consommation de drogue pour qui, rappelons-le, les pouvoirs publics n'ont, jusqu'ici, prévu que deux établissements hospitaliers pour prendre en charge une population de toxicomanes dont le nombre reste, jusqu'ici, indéterminé mais dont on soupçonne qu'il doit être extrêmement élevé : le centre de désintoxication de l'EHS Sidi Chami, ouvert en 1998, et le centre intermédiaire de Haï Yaghmoracen, réceptionné, lui, en 2009. Mais, malgré les efforts déployés par le personnel dans la prise en charge des malades (accompagnement psychologique des toxicomanes dans le processus de sevrage, campagne de sensibilisation en milieu scolaire, assistance psychologique des parents…) tous les observateurs s'accordent à dire que ces structures sont sans commune mesure avec l'ampleur du fléau et qu'il reste beaucoup à faire avant que l'on puisse parler de «dispositif efficace de lutte contre la toxicomanie». Des spécialistes qui se sont récemment rencontrés dans le cadre d'un congrès scientifique, à l'initiative de la Société franco-algérienne de psychiatrie (Sfap), ont estimé que les mesures prises jusqu'ici – comme l'installation d'un office de lutte contre la drogue, les structures intermédiaires de consultation et de désintoxication - n'étaient, désormais, plus suffisantes, qu'il fallait penser «préventif», notamment par l'amélioration de la formation des différents acteurs agissant sur le terrain afin de leur donner tous les outils nécessaires pour soigner et prévenir. Parmi les mesures préconisées : la création d'un observatoire national de drogue qui répertoriera les drogues en circulation et établira le profil des consommateurs, notamment à travers la récolte d'informations sur le type de drogue prise, la quantité, la fréquence, les conditions et les répercussions sur leur état de santé psychosociale. Les participants ont, également, souligné la nécessité des actions de sensibilisation continuelle en direction des jeunes, dans les établissements scolaires.