La violence politique a atteint un nouveau palier chez nos frères tunisiens. L'assassinat de Choukri Belaïd, fervent opposant au gouvernement et aux islamistes, a mis le feu aux poudres et risque de plonger le pays dans une contre-révolution porteuse d'instabilité durable et de conséquences incommensurables. Les Tunisiens doivent méditer ce qui s'est passé en Algérie au début de l'ouverture démocratique. La majorité pensait imposer ses lois sans consensus et avec violence. Les militants d'Ennahda ont laissé faire des groupuscules islamistes. De la destruction des mausolées à la violence contre les femmes, le gouvernement n'a pas su ou voulu faire preuve de fermeté. Lorsque l'on est permissif avec des «petites violences» au nom d'une interprétation de la religion, il faut s'attendre à plus de crimes, de délits. Cette permissivité fait que toute une partie du peuple tunisien accuse le parti majoritaire d'avoir orchestré l'assassinat odieux d'un militant politique. Cette situation d'anarchie et de violence pousse des Tunisiens à regretter le temps de Ben Ali. De ce côté du Maghreb, nous n'oublions pas que c'est à Tunis que le Gouvernement provisoire de la république algérienne a trouvé accueil. Nous n'oublions pas que nous avons eu des martyrs communs lors du bombardement de Sakiet Sidi Youcef. Nous ne pouvons oublier que la Tunisie a abrité les troupes de l'ALN et des moudjahidine. Et dans un passé récent, la Tunisie était le seul pays à accueillir des Algériens en nombre pour pouvoir passer des vacances et s'échapper de la situation de guerre civile qui prévalait dans notre pays durant les années 1990. La Tunisie et les Tunisiens doivent garder la tête froide dans des moments de grandes douleurs. Les choix qui seront faits ces jours-ci, détermineront ce que sera ce pays dans les semaines qui viennent. Personne ne peut souhaiter que le pays de l'hospitalité sombre dans la haine et dans une division destructrice qui risque d'emporter une des nations les plus stables de la région. Les partis qui dirigent la Tunisie doivent trouver les moyens d'initier un dialogue qui semble rompu avec les partis de l'opposition. L'Assemblée constituante doit se concentrer sur la rédaction d'un texte qui permette à chaque Tunisienne et Tunisien de se reconnaitre et de l'accepter. Passer de la dictature d'un homme et de son clan à celle d'une majorité ne fera qu'empirer les choses dans un pays en pleine crise socio-économique. La révolution du jasmin commence à avoir le goût amer du sang. Il est grand temps que les Tunisiens comprennent que leur nouvelle liberté ne signifie pas anarchie. Les lois, en démocratie surtout, doivent être appliquées partout et pour tous. Chacun saura jusqu'où il peut aller pour la défense de ses idées et de ses opinions sans obliger les autres à les partager. L'apprentissage de la démocratie est rude et long. Il est d'autant plus lent que certains pensent que leurs idées et opinions sont des préceptes de la religion. Savoir accepter l'autre et choisir les représentants les plus dignes de remettre la Tunisie sur la voie de la modernité et de la croissance sont les seules choses que peuvent faire les Tunisiens pour leur pays. La violence et l'instabilité ne pourront mener qu'à la catastrophe. Chose que personne ne souhaite au peuple tunisien qui a tout le temps été solidaire du peuple algérien. A. E.