«Une personne sur huit va se coucher le soir avec la faim au ventre et, parmi elles, de nombreux enfants», a souligné le président de la Deuxième Commission, George Wilfred Talbot (Guyana). Il intervenait, hier, au cours de la séance commune spéciale du Conseil économique et social et de la Deuxième Commission placée sous le thème «Sécurité alimentaire et nutrition : Intensifier les efforts au niveau mondial». M. Talbot a plaidé pour un renforcement des efforts en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle à l'échelle mondiale, régionale et nationale. «Aujourd'hui, 870 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde et il s'agit là de l'un des défis les plus urgents auxquels nous devons faire face», a fait remarquer, pour sa part, le Directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). «L'Objectif du Millénaire pour le développement (OMD) visant à réduire de moitié la population mondiale souffrant de malnutrition d'ici à 2015 peut être atteint. Une cinquantaine de pays sont sur cette voie, dont le Niger, mais nous devons appuyer leur effort grâce à l'action internationale», a-t-il assuré. Il a encouragé les pays à établir un calendrier précis pour «mettre un terme à la faim en l'espace d'une génération». «Dans un monde d'abondance, personne ne devrait connaître la faim», renchérira le Président du Conseil économique et social, Néstor Osorio (Colombie), en citant le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon. Il a rappelé que les dirigeants mondiaux s'étaient engagés, en juin 2012, lors de la Conférence sur le développement durable Rio+20, au Brésil, à soutenir une agriculture durable et à accroître la productivité mondiale. M. Osorio a aussi salué l'engagement du SG sur ces questions, en particulier son Equipe spéciale de haut niveau sur la crise mondiale de la sécurité alimentaire et son initiative «Faim Zéro», lancée à Rio+20.
Des constats dramatiques Au cours des exposés, Leslie Ramsammy, ministre de l'Agriculture du Guyana, a estimé que rien ne peut expliquer que des gens aillent se coucher le ventre vide. Il a indiqué que 14% du budget de Guyana sont consacrés aux infrastructures agricoles et que le pays garantissait la sécurité et l'autosuffisance alimentaires. Le ministre précisera que c'est le résultat des programmes de recherche mis en place par le gouvernement de Guyana dans le secteur agricole. Amadou Allahoury Diallo, Haut-commissaire de l'«Initiative 3N, Les Nigériens nourrissent les Nigériens», au sein du cabinet présidentiel du Niger, a, lui, fait observer que le Niger connaît les difficultés qui sont propres à tout environnement désertique. Il a précisé que l'Initiative 3N était un programme visant à assurer la sécurité alimentaire par des mesures telles que l'amélioration des infrastructures rurales et les facilités d'accès aux marchés pour les agriculteurs. Ce programme a, par exemple, permis d'améliorer l'accès à l'eau pour les agriculteurs et pour le bétail qui est le plus important des pays de la région du Sahel. M. Diallo s'est félicité des premiers résultats du programme 3N comme la baisse de l'exode rural et la baisse de la mortalité du bétail. Quant à Jonatham Shrier, représentant spécial des Etats-Unis pour la sécurité alimentaire, il a invité les pays en développement à investir davantage dans la recherche et à explorer des moyens novateurs pour réduire la volatilité des prix des denrées alimentaires, tout en évitant aussi d'adopter des politiques protectionnistes. En matière de coopération agricole, les Etats-Unis ont établi un programme de financement agricole en direction de certains pays d'Afrique, avec l'objectif ambitieux de sortir 50 millions de personnes de la pauvreté à l'horizon 2050, a-t-il indiqué. Mme Loretta Dormal Marino, Directrice générale adjointe de la Direction générale de l'agriculture et du développement durable, Commission européenne, dira, quant à elle, que la recherche était la pierre angulaire de la politique agricole européenne, car elle permet d'augmenter la productivité agricole. Dans le cadre de la coopération agricole avec les pays en développement, Mme Marino a indiqué que l'Union européenne avait pris des mesures en faveur des pays du Sahel et de la corne de l'Afrique qui ont permis aux communautés locales de mieux faire face à une crise alimentaire. Elle a souhaité que les pays en développement puissent s'engager davantage pour assister le monde rural et les petits producteurs agricoles, ainsi qu'une plus grande coordination des initiatives public-privé afin de lutter contre la faim dans le monde. La P-dg de l'Institution des ingénieurs en mécanique, Mme Isobel Pollock, a, pour sa part, estimé que le gaspillage de la nourriture produite dans le monde était de 30 à 40%, précisant que dans les pays en développement, les produits périssaient souvent entre la récolte et leur vente sur les marchés, en raison des mauvaises techniques de récolte, de transport et d'entreposage. Un entrepôt sec et bien ventilé peut assurer une bonne préservation des produits récoltés, a expliqué Mme Pollock. Aussi, a-t-elle invité la communauté internationale à mettre sur pied des mécanismes pour assurer le transfert de technologies vers les pays en développement afin de réduire les pertes alimentaires. Dans les pays développés, c'est le comportement des consommateurs qui est pointé du doigt avec le phénomène de gaspillage, a-t-elle déploré. Elle a également souhaité que des systèmes de suivi des données sur ces phénomènes de perte alimentaire soient mis en place à l'échelle internationale, et les résultats largement diffusés. «Au lieu de cultiver plus de nourriture, nous devrions utiliser des méthodes et technologies appropriées pour limiter le gaspillage des produits alimentaires», a-t-elle dit en conclusion. Concernant la question du gaspillage et de la destruction de denrées alimentaires, la responsable a rappelé que l'expertise des ingénieurs pouvait contribuer à enrayer ce problème. Pour Jos Verbeek, économiste hors classe à la Banque mondiale, il n'existe pas de solution «ad hoc» qui pourrait être appliquée de manière uniforme à tous les pays. Les panélistes n'ont pas suffisamment insisté sur les programmes nutritionnels de base, a-t-il regretté. «La nutrition, a-t-il rappelé, est fondamentale au cours des deux premières années de la vie d'un enfant. L'accent a souvent été mis sur l'offre, a-t-il noté, en faisant cependant observer que ce n'est pas le manque de nourriture qui conduit à la faim.» Mme Ellen Gustafson, membre du Comité consultatif du Centre Barilla pour l'alimentation et la nutrition, a, elle, appelé la communauté internationale à promouvoir des régimes alimentaires plus sains, ainsi qu'une vision stratégique à long terme. Elle a, par exemple, souligné que les systèmes de production agricole ne devraient pas contribuer à la détérioration de l'environnement. «Les dirigeants doivent éduquer les populations pour qu'elles soient en mesure d'assurer elles-mêmes une sécurité alimentaire plutôt que de recourir à des politiques qui ne sont pas efficaces», a-t-elle insisté. Mme Debra A. Jones, Directrice et représentante de Save the children auprès de l'ONU, a également mis l'accent sur l'importance de la nutrition au cours des 1 000 premiers jours de la vie d'un enfant. Elle a plaidé pour l'adoption de mesures fondées sur des données factuelles afin de combattre la mortalité infantile. Dans cette optique, elle a rappelé la nécessité d'adopter une approche multisectorielle et intégrée à l'échelle nationale, qui associerait les programmes de nutrition et les programmes de santé dans les pays enregistrant des retards de croissance chez les enfants.
Dialogue interactif Au cours d'un échange avec les délégations, les représentantes de l'Argentine et du Brésil ont tenu à rappeler que la cause de la faim ne résidait pas dans la volatilité des prix des denrées alimentaires mais dans la pauvreté et la répartition injuste des richesses. De son côté, le délégué de l'Afrique du Sud a exhorté les pays développés à faciliter l'accès à leur marché en réexaminant leurs subventions à l'agriculture car, elles ont «un impact délétère sur les pays en voie de développement». Le représentant sud-africain a aussi invité à soutenir les femmes travaillant dans le secteur de l'agriculture en leur assurant l'accès aux ressources et aux technologies, alors que le représentant de la Tunisie a déploré le manque de suivi des décisions prises par l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en particulier en matière d'assistance aux pays en développement. «Le droit à l'alimentation est un droit fondamental», a rappelé le représentant de l'Allemagne qui a plaidé pour une plus grande coordination des mesures ayant un impact sur l'alimentation, tel que l'accès à l'eau ou l'utilisation des ressources naturelles. Pour sa part, la représentante de la Commission européenne a expliqué, s'agissant des premiers mois de la vie d'un enfant, que l'UE participait aux efforts de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) en faveur de la nutrition des enfants, et ce, sous l'angle de la coopération au développement. De son côté, le représentant des Etats-Unis pour la sécurité alimentaire a évoqué les efforts consentis par son pays en matière d'investissement dans les infrastructures agricoles en Afrique, notamment par l'intermédiaire de l'US Food Initiative. Il a aussi reconnu la nécessité de centrer davantage les efforts sur les femmes en tant qu'actrices du développement. PRN Source : Nations Unies