L'avocat centrafricain Nicolas Tiangaye a été reconduit, hier, dans ses fonctions de Premier ministre par le nouvel homme fort de la Centrafrique, Michel Djotodia, trois jours après le renversement par la rébellion du président François Bozizé. L'avocat et ancien opposant dirigeait un gouvernement d'union nationale depuis seulement deux mois à Bangui, en application de l'accord de paix signé le 11 janvier à Libreville, entre le camp du président Bozizé, la rébellion et l'opposition. Arguant du non-respect de cet accord, les rebelles du Séléka (alliance en langue sango) avaient lancé en fin de semaine dernière une nouvelle offensive éclaire victorieuse, poussant le président, au pouvoir depuis dix ans, à fuir vers le Cameroun voisin. Dès dimanche, le chef rebelle Michel Djotodia s'était posé en nouveau maître du pays. Cet ancien fonctionnaire, qui a basculé dans la rébellion en 2005, a déclaré lundi qu'il comptait diriger la Centrafrique pendant «trois ans», jusqu'à l'organisation d'élections. Annonçant la suspension de la Constitution et la dissolution de l'Assemblée nationale, il a précisé qu'il allait à présent «légiférer par ordonnances». Hier, le Premier ministre a lui-même justifié cette situation, en jugeant «juridiquement impossible» le maintien de la Constitution «avec la situation actuelle». Me Tiangaye a plaidé pour que la communauté internationale, qui a condamné le coup de force, continue d'aider son pays, parmi les plus pauvres du monde malgré les richesses de son sous-sol encore inexploitées. Mardi, Washington avait dénoncé «l'auto proclamation comme président» de Djotodia et qualifié «d'inacceptables» les nombreux pillages dans le pays. Les Etats-Unis ont prévenu qu'ils pourraient geler près de 2,2 millions de dollars d'aide américaine, finançant notamment l'entraînement de militaires centrafricains ou des programmes de lutte contre les trafics. L'aide humanitaire de 22 millions de dollars ne sera, en revanche, pas affectée. Le bilan des violences n'a pu être établi depuis le coup de force. La Croix-Rouge a évoqué «un nombre important de blessés et de morts». François Bozizé, était lui-même arrivé au pouvoir par les armes en 2003. Le président déchu est actuellement logé dans un grand hôtel de Yaoundé, mais les autorités camerounaises souhaitent qu'il «parte le plus rapidement possible vers un autre pays». Le reste de sa famille a été accueillie en République démocratique du Congo «dans le cadre de l'hospitalité africaine», a fait valoir le Premier ministre congolais. Parmi ces 28 personnes figurent deux des trois épouses du président déchu, la troisième étant partie avec lui. La Centrafrique, ancienne colonie française, n'a connu depuis son indépendance en 1960 qu'une série de coups d'Etat, scrutins contestés, rébellions et mutineries. Ce pays potentiellement riche (agriculture, forêt, uranium, diamants...), dont les cinq millions d'habitants restent globalement très pauvres, est au 180e rang sur 186, au classement des pays suivant l'Indice de développement humain défini par les Nations unies. R. I.