Photo : S. Zoheir Par Abdelkrim Ghezali L'avocat de la cause algérienne s'est éteint hier à l'âge de 90 ans. Jusqu'à la dernière minute d'une vie riche, Amar Bentoumi n'a pas cessé de réagir à toute atteinte de la mémoire collective, au combat du peuple algérien, et à son histoire. Amar Bentoumi, enfant du peuple, un kabyle de Constantine, a trouvé à Alger dans les années trente, accueil et soutien pour suivre ses études et s'engager tôt sans dans le combat politique au sein du PPA-Mtld, avant d'en être le défenseur dans les tribunaux coloniaux. Dès les années quarante, le jeune militant et avocat s'est illustré à travers sa parfaite maîtrise des lois françaises pour en exploiter les failles et les contradictions pour les retourner contre les accusateurs des militants nationalistes. Si les procès colonialistes étaient une parodie de justice, Amar Bentoumi transformait à chaque occasion, la salle d'audience en une tribune pour faire entendre la voix des opprimés, des colonisés, des oubliés de l'histoire. Sa voix tonitruante a longtemps tonné dans les tribunaux coloniaux mais aussi dans des conférences internationales sur le droit des peuples, les droits humains et les injustices des systèmes coloniaux. Avec ses confrères, comme maître Oussedik, Vergés, il a formé un collectif d'avocats engagés qui ne laissaient aucun répit à l'administration coloniale. Les rapports que le collectif des avocats du PPA-Mtld, puis du FLN, avec des organisations de juristes et d'avocats à travers le monde, ont permis de briser l'isolement que l'administration coloniale a tenté d'imposer au combat pacifique puis armé du peuple algérien. Grâce à leur engagement et à leur volontarisme, les avocats du peuple algérien en créé une véritable diplomatie juridique qui allait servir d'exemple, aussi bien dans son mode de fonctionnement que dans sa démarche dans l'interprétation du droit français et international afin d'en faire un outil de combat politique. Au lendemain de l'indépendance, maître Bentoumi a été désigné premier ministre de la Justice de l'Algérie indépendante par le même Benbella qui allait l'assigner à résidence à Aïn Sefra pendant près de deux ans. Maître Bentoumi a été ainsi, l'une des premières victimes des purges de Benbella qui voulait, pour asseoir son autorité, mettre à genoux ceux qui n'ont jamais plié devant l'ordre colonial. Après le 19 juin 1965, Amar Bentoumi a été libéré par Boumediene qui lui avait proposé des postes gouvernementaux et de responsabilités mais l'avocat de la Révolution a décliné toute offre préférant reprendre son métier d'avocat loin de la chose politique. Bentoumi ne tardera pas à être élu bâtonnier au barreau d'Alger. Dans les tribunaux algériens, maître Bentoumi est resté égal à son engagement en faveur des droits de l'Homme, de la Justice et de l'Egalité de tous les êtres devant la loi. Amar Bentoumi, a jeté les bases du système juridique algérien lorsqu'il a occupé pendant deux ans le poste de ministre de la Justice. Son œuvre a été compilée dans un livre qu'il a écrit sur ce sujet. Amar Bentoumi ne rate aucune tribune pour poursuivre son combat en faveur de la vérité historique et le démantèlement des mythes colonialistes. Dans son dernier livre : Crime et infamie, la colonisation vécue par un Algérien (1923-1954)…qui paraîtra chez Casbah au mois d'avril prochain. Au-delà des répliques cinglantes de Amar Bentoumi, aux thèses révisionnistes et anti algériennes, maître Bentoumi s'insurgeait régulièrement à travers la presse algérienne, aux déclarations, écrits et entretiens de certains militants de la cause nationale, notamment les plus en vue quand ils déforment des faits ou s'arrogent des faits d'armes au détriments d'autres moudjahidine ou responsables qui sont morts. Amar Bentoumi, membre fondateur de l'organisation internationale des juristes, a plaidé dans les tribunaux partout dans le monde et a défendu, au-delà des personnes, les droits des peuples. L'amour qu'il portait à l'Algérie n'avait d'égal que la rage et la colère que provoquaient en lui ceux qui attentaient à sa patrie.