De notre correspondant à Constantine A. Lemili Mêmes lieux d'implantation, mêmes revendeurs qui s'approvisionnent auprès des mêmes maquignons et pratiquement les mêmes… clients. Les Constantinois, contrairement à tout ce qui se dit ou s'écrit ici et là, ont gardé intacte leur capacité à afficher leur désappointement face à la cherté de la vie et plus particulièrement à l'occasion d'évènements ponctuels comme les fêtes religieuses commémorées dans la plus «grande piété» mais accompagnées des attitudes les plus dispendieuses. Celle de cette année ne déroge donc en rien aux habitudes et si monsieur Tout-le-monde maugrée quant à l'inaccessibilité des prix d'acquisition d'un mouton, cela ne le dissuade ou ne le retient en rien pour l'achat quel qu'en soit le prix. En fait, le prix est celui concédé selon le revenu mensuel ou le résultat des économies faites en ce sens. «Chacun achète selon ses capacités et ce que peut permettre son porte-monnaie», est la répartie passe-partout à hauteur de tous les souks. Elle vient justifier une transaction commerciale que l'acheteur semble faire à son corps défendant mais qu'il effectue tout de même seulement pour «faire plaisir aux enfants» même si, entre-temps, ces enfants sont devenus adultes. Une tournée dans différents lieux de vente indique que les prix pratiqués sont à l'identique de ceux de l'année écoulée pour des moutons ou agneaux de taille comparable. Il n'en subsiste pas moins un doute sur la qualité même de la «bête» dont de nombreuses personnes n'hésitent pas à mettre en cause l'alimentation et les techniques d'alimentation, allant jusqu'à affirmer qu'il s'agirait tout simplement de «moutons bodybuildés» nourris ou «engraissés à l'aide de produits génétiquement modifiés» comme le susurrent d'autres acheteurs plutôt altermondialistes à leurs moments perdus. En tout état de cause, les prix varient entre 18 000 DA et 55 000 DA pour un mouton destiné d'abord à l'accomplissement d'un acte religieux, au don partiel à des personnes dans la nécessité et à la consommation ensuite, mais non pas comme s'évertuent à le faire d'autres qui affichent d'une façon ostensible et souvent à la limite de l'indécence une bête beaucoup plus proche du minotaure que de l'agneau destiné à l'autel. Il est vrai que, dans ces cas-là, la taille du mouton -s'il est immense, cornu et notamment aux cornes compliquées et entrelacées, avec une forte toison- n'est que le reflet du peu de propension de l'acheteur à accomplir un acte par dévotion mais plus la tendance à frimer. Les maquignons ont compris cela et éprouvé le choix de privilégier plus le volume que la qualité même de la chair. Il suffirait pour cela de voir avec quelle «dévotion» ils comptent les billets de banque obtenus en arrhes ou payement intégral. Le gérant d'un quotidien régional de l'est du pays nous confiait au cours de l'après-midi d'hier son intention de «procéder à un achat groupé pour ses collaborateurs afin de leur faire obtenir un meilleur prix et de leur éviter des démarches contraignantes» mais pour sans doute s'assurer leur… fidélité aussi. En conclusion, les Constantinois n'en diront jamais assez des désagréments causés par une telle fête qui grèvera encore plus le budget du ménage mais s'arrangeront quand même pour répondre présent au rendez-vous.