Photo : A lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili La très forte demande exprimée depuis près d'une quinzaine d'années a battu en brèche les capacités d'accueil disponibles dans le secteur de la santé. S'agissant des maladies cancérogènes, cette demande s'est amplifiée jusqu'à la situation dramatique, en ce sens que les malades en sont à occuper des espaces à même le sol et à presque collés entre eux au niveau du service spécialisé du CHU Constantine. L'existence d'un hôpital de jour, à 16 km du chef-lieu de wilaya (Khroub), lequel permet d'accueillir les patients venant d'autres wilayas pour les séances de chimiothérapie, a permis, toutefois, de rendre moins pénibles leurs longs et contraignants déplacements en assurant gîte et restauration, même si la question du transport reste toujours en suspens. Les malades voyagent, après les séances éprouvantes de chimiothérapie, dans des conditions drastiques avec des équipements souvent improvisés et ne répondant à aucune norme (bus, camion et autres véhicules utilitaires servant de transport de marchandises). L'entame des travaux depuis plus d'une année d'un immeuble appelé à abriter le centre anti-cancer ou à faire office d'annexe à celui existant devrait constituer un exutoire, quoique la lenteur dans les travaux de réalisation ne semble pas permettre sa réception dans les délais retenus. Ce qui d'ailleurs a été l'objet d'une vive irritation du ministre de la Santé lors d'une visite d'inspection effectuée au cours du mois de mai dernier. En aparté, des cadres du CHU, ayant essuyé la colère de Amar Tou sans broncher, n'hésitent pas à déclarer à qui veut les entendre qu'«il est peu probable que le projet soit mené à terme si l'enveloppe budgétaire initiale qui lui a été consacrée [12 milliards de centimes] n'est pas revue à la hausse». D'où, semblerait-il, la demande d'une rallonge complémentaire émise par la direction du CHU à la tutelle. Même Oncologica, cette association qui avait accompli un travail titanesque au lendemain de sa création, semble marquer le pas, prise également dans le tourbillon de l'incapacité des pouvoirs publics à faire face à ce qui, sans exagération, peut être apparenté à une pandémie, compte tenu des dommages directs causés aux personnes atteintes et des dégâts collatéraux à leurs proches, lesquels subissent un véritable retour de flamme, des affres dans lesquelles sont plongés ces mêmes malades. Le CHU et ses services accueillent les patients venant de plus de vingt wilayas, dont celles du sud du pays. Forcément, les infrastructures existantes ne permettent leur prise en charge, d'où leur choix de se tourner vers les cliniques privées et, comble du paradoxe, souvent orientés par des praticiens salariés de l'Etat. Les coûts prohibitifs pratiqués dans les cliniques ne dissuadent malheureusement pas, et pour cause, les familles qui restent au minimum convaincues que, quels que soient les résultats, la prise en charge de leur proche malade est effective. A l'hôpital du Khroub où nous nous sommes rendus, il nous a été impossible de rencontrer un responsable, qu'il soit administratif (chef de centre, directeur, chef de service, etc.), médical (directeur de garde, médecin, infirmier, etc.), alors que nous déambulions dans les lieux. Et, à l'exception d'un pensionnaire que nous solliciterons, seul un agent de sécurité s'est proposé pour nous dire : «Ici, les malades viennent juste pour manger et coucher. Il n'y a pas de responsable. Des paramédicaux passent ponctuellement pour prodiguer des soins aux malades. C'est tout.» Pourtant, un de nos confrères écrivait, il y a une année, que «les conditions dans lesquelles des malades sont transportés du centre d'accueil d'El Khroub, sans nourriture leur permettant de tenir durant la journée, sont déplorables. Certains d'entre eux reviennent parfois bredouilles après… douze heures d'attente. Même les malades hospitalisés ratent parfois leur radiothérapie, en raison d'une programmation défaillante, sans évoquer le comportement et le traitement indignes de la part de certains médecins. La plupart des cancéreux sont issus de familles aux revenus modestes et souffrent en silence».