Réduire coûte que coûte la facture des importations de produits alimentaires. Une perspective soutenue par une majorité de participants au colloque sur la sécurité alimentaire qui s'est tenu dernièrement à Alger et organisé par le Forum des chefs d'entreprises (FCE). Une majorité de ces derniers pensent même que notre pays a les capacités et les potentialités nécessaires pour tout au moins diminuer le coût des importations des céréales et du lait qui, jusqu'ici, grèvent lourdement le budget de l'Etat car ils représentent à eux seuls 50% des importations alimentaires. Une tendance qui n'est pas à la veille d'être revue à la baisse si l'on s'en tient au montant des importations de ces deux produits alimentaires de base enregistré ces dix dernières années. C'est ce que d'ailleurs a souligné le président du FCE, Reda Hamiani, dans son allocution d'ouverture du colloque en s'appuyant sur le constat suivant : «En 2002 la facture des importations en produits alimentaires avoisinait les 3 milliards de dollars. Elle passe à 9 milliards de dollars en 2012.» Il a également tenu à préciser : «La facture à l'importation des céréales et du lait a explosé en 2008 et en 2011 avec un montant pour chacune de ces deux années de plus de 5 milliards de dollars.»
Une conjoncture internationale défavorable Un tel montant ne peut laisser indifférent car il est appelé à augmenter du fait, d'une part, que la demande nationale en céréales et en lait est en hausse constante et permanente par l'effet de la croissance démographique galopante, et d'autre part, à cause de la persistance des courts élevés à l'international des produits alimentaires. Cette augmentation en volume importé et en coût d'achat a été évoquée par le Dr Abdelatif Abada, expert en finance internationale. Ce dernier, invité à prendre la parole, a, en fait, essayé de faire comprendre au large parterre de patrons et de représentants du monde agricole que la facture d'importation des céréales et de la poudre de lait se compose de deux facteurs. L'un peut être contrôlé tandis que l'autre ne peut l'être. Et d'expliquer : «Les volumes d'achat peuvent être réduits si l'on augmente la production et cela reste à la portée. Par contre là où on ne peut pas intervenir c'est, bien entendu, dans le marché financier qui reste marqué, ces derniers années, par une volatilité sans précédent.» Mais, toujours est-il, «on peut se mettre à l'abri des hausses des prix sur les produits alimentaires», a informé Abada. Il suffit seulement, selon cet expert financier, de contracter des polices d'assurances contre d'éventuelles flambées des prix à l'international Le stress hydrique est gérable, mais la jachère doit disparaître Pour revenir au facteur contrôlable, le Dr Foued Chehat, expert en économie rurale et directeur de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), a de son côté mis l'accent, lors de son intervention, sur l'intérêt de produire plus de céréales et de booster la production de lait cru «car c'est là un défi majeur», a-t-il lancé à l'assistance. Et de rejeter tout de go l'idée que le stresse hydrique est la cause des faibles rendements. «Il (le stress) est gérable car on peut faire avec», a soutenu Chehat. Ce dernier a en effet indiqué que les solutions existent pour combler le déficit pluviométrique ou, en clair, réduire l'impact du stress hydrique. «Pour la céréaliculture : il faut respecter l'itinéraire technique, pratiquer l'irrigation d'appoint et de ne semer que des variétés capables de résister aux conditions de faible pluviométrie», a conseillé le directeur de l'Inra. Il a cependant reconnu, à propos des semences adaptées, qu'il reste beaucoup à faire en matière de recherche pour parvenir à créer la variété la plus résistante. A l'adresse des céréaliers qui pratiquent encore la jachère il dira qu'«elle ne sert absolument à rien, et c'est pourquoi nous devons la faire disparaître et d'ajouter : il est impératif d'augmenter superficie de la sole de blé dur et la sole de blé tendre». Toujours dans la perspective de produire plus de céréales, M. Chehat préconise d'utiliser de nouveaux fertilisants, car, pour ce spécialiste, «entendre dire que nos sols sont riches en potassium, c'est vraiment de la pure invention». M. Chehat s'est aussi prononcé sur la production laitière. A ce propos, il dira que l'augmentation reste en grande partie tributaire de la mise en place d'une industrie fourragère. Un point de vue que partage Abdelhamid Soukehal, spécialiste dans le domaine de la production laitière. Ce dernier a tout de même fait, lors de son intervention, un exposé sur l'état des lieux de la filière lait qui se résume ainsi : un cheptel de 950 000 vaches laitières (VL) et 215 000 éleveurs, dont une grande majorité ne possède que 4 VL. Devant un tel constat, M. Soukehal estime que pour «pour produire plus il nous faut accroître le cheptel bovin laitier et aux éleveurs de moderniser leur étables et de se perfectionner, c'est-à-dire maîtriser leur métier». M. Soukehal a aussi rappelé à propos de la production actuelle de lait cru : «Une vache fourni du lait à 40 Algériens et pour arriver à offrir aux citoyens 90 litres de lait par an (norme de l'Organisation mondiale de la santé OMS), il nous faudrait un rapport d'une vache pour trois Algériens.» Il s'agira donc pour ce dernier de multiplier le cheptel de génisse et de renforcer un certain segment si l'on veut augmenter la production de lait cru et partant réduire le volume d'importation de lait en poudre. Autre intervention qui mérite d'être citée, celle de Omar Ramdane, ex- président du FCE, qui préconise, pour part, de renforcer la connectivité de l'amont agricole avec les industries de transformation pour que les filières céréales et blé puissent se développer. Laïd Benamor, président du Groupe alimentaire éponyme, estime qu'il suffirait de doubler les rendements pour couvrir la demande nationale en céréales. «Pour ce faire, il faut que nos céréaliculteurs s'emploient à respecter strictement les itinéraires techniques et qu'ils usent à bon escient des avantages que leur accorde le ministère de l'Agriculture et du Développement rural, notamment, la prime de soutient à la production», a indiqué M. Benamor. Il a aussi rappelé dans ce sens que des exploitants ont atteint des rendements appréciables et d'autres ne cessent d'enregistrer des niveaux de progression de leur récolte, «ce qui pousse à croire que l'autosuffisance est du domaine du possible», a jugé M. Benamor. Notons enfin que de nombreux participants au colloque estiment, pour leur part, que la question de la sécurité alimentaire est à prendre au sérieux. C'est pourquoi ils considèrent qu'une approche réfléchie sur le sujet va permettre d'avoir un aperçu continu sur l'évolution du paysage de la sécurité alimentaire dans notre pays et d'en tirer des recommandations en temps voulu, et si nécessaire les correctifs qui s'imposent pour éviter d'hypothéquer l'avenir des générations futures.
Etat des lieux des filières, céréalière et lait Selon le ministère de l'Agriculture et du Développement rural les superficies emblavées au titre de la campagne céréalière 2012-2013, ont atteint 3,4 millions d'hectares (mha), contre 3,3 mha lors de la campagne écoulée soit une augmentation de 100 000 ha. Cette même source fait savoir qu'on a enregistré ces quatre dernières années une augmentation de 75% de la production nationale en comparaison de la moyenne des productions de la décennie antérieure. A propos des rendements, ils sont passés de 12 quintaux à l'hectare (qtx/ha) en 2000, à 18 qtx/ha en 2012, avec des pointes de 84 qtx/ha. La campagne 2012 s'est soldée par une récolte de 58 millions de quintaux pour une consommation de 247 kg par an et par habitant. En ce qui concerne la filière lait, la production enregistrée au cours de la campagne 2011-2012 a atteint les 3,088 milliards de litres de lait (contre 2,92 ML en 2010-2011) toute production confondue, pour un objectif global annuel retenu au titre des contrats de performance (2012) de 2,88 ML. En clair, la production nationale de lait offre 80 litres par an et par habitant. On est encore loin des 147 litres par an et par habitant tel que recommandé par l'OMS Z. A.