Ajournée de mois en mois, une négociation importante avec le Fonds monétaire international (FMI) a repris cette semaine au Caire sans le moindre résultat pour le moment. Au bord du Nil, l'humeur est pessimiste malgré le don libyen. Le Caire doit convaincre le FMI de sa détermination à mener des réformes, dont de très impopulaires hausses d'impôts et baisses des subventions dont bénéficient les produits de première nécessité comme l'essence et le pain. Le déficit budgétaire du pays enregistré depuis le dernier accord avec le FMI, en novembre dernier, s'est nettement accentué. Les réserves de devises ont sensiblement diminué et la livre égyptienne s'est dépréciée. Le président Mohamed Morsi avait repoussé, au lendemain de l'accord de novembre, la mise en œuvre de certaines réformes économiques, dont une hausse de la TVA, en raison des tensions politiques. Pourra-t-il en faire autant aujourd'hui ? Rien n'est moins sûr. Il y a le front politique en premier lieu. Le président islamiste Mohamed Morsi, n'a cessé d'étendre le champ de ses prérogatives. Une entreprise qui a souligné ses impérities et atteintes aux libertés politiques. A la tête de l'Etat depuis le 30 juin 2012, l'ingénieur Morsi n'a jamais trouvé un style de gouvernement susceptible de rassurer et ramener la confiance dans le pays. Hésitant, revenant souvent sur des mesures annoncées à la hâte, il recourt, aussi souvent à l'usage de la force pour faire taire la contestation. Méfiant à l'adresse de toutes les autres formations politiques, il redoute vraisemblablement l'ouverture sur les autres tendances politiques du pays. Toutefois, il confirme ce qu'on disait des mouvances islamiques avant leur accession au pouvoir dans les pays du printemps arabe. Elles n'ont pas le moindre programme économique et social. Or l'Egypte est malade. Sur fond de turbulences politiques déstabilisantes, le front économique est le côté qui donne le plus de tournis. Plus qu'inquiétant, tous les indicateurs économiques du pays sont au rouge. Le tourisme et les investissements directs étrangers sont en chute libre. Le carburant manque, entraînant coupures de courant et chômage technique en ville comme à la campagne. Pour faire face à cette crise énergétique dangereuse, l'Egypte a demandé au pays arabes de l'alimenter en gaz naturel Les finances publiques se dégradent. Les réserves de devises ont chuté en deux ans, passant de 36 à 13 milliards de dollars. Cela représenterait tout juste trois mois d'importation de blé et de carburant. Comment fera-t-on face ? L'Egypte premier importateur de blé au monde est dans l'incapacité de renouveler ses stocks. La livre égyptienne est en chute vertigineuse alors que les produits alimentaires sont en hausse tout autant hallucinante. Depuis près de deux ans, Le Caire négocie un prêt de 4,8 milliards de dollars, pour arrondir le chiffre on dira 5 milliards. Il serait susceptible de rassurer les investisseurs étrangers et de débloquer toute une série d'aides : celles de l'Union européenne, de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement. La négociation achoppe sur les conditions mises à l'octroi du prêt. Le FMI demande une baisse des subventions de l'Etat sur un certain nombre de produits de base et une hausse des impôts. M. Morsi a peur des réactions de la rue face à une nouvelle hausse du prix des denrées de première nécessité. Il manque d'assise et de courage politiques pour annoncer aux Egyptiens des mesures difficiles. Le FMI reproche le manque de compétences économiques et financières du gouvernement égyptien. L'équipe du président Morsi doit absolument trouver le moyen de transformer le système de subventions actuel en un mécanisme de protection ajusté qui aide les pauvres à améliorer leur condition. Une entreprise que le gouvernement égyptien peine à trouver. C'est dans ce contexte difficile qu'est intervenu le prêt libyen. Le Caire a annoncé jeudi dernier, un accord définitif avec la Libye pour un prêt sans intérêt de deux milliards de dollars, qui doit être remboursé sur 5 ans, avec une période de grâce de 3 ans, dans le but de soutenir le budget de l'Etat et les réserves de devises étrangères. Les Libyens voudraient stopper ainsi le flux des travailleurs égyptiens illégaux sur leur territoire. Le Qatar est également monté au créneau. Riche pays gazier du Golfe, le petit émirat a annoncé qu'il allait acheter des obligations égyptiennes pour 3 milliards de dollars, venant s'ajouter à un don d'un milliard de dollars et au placement de quatre milliards de dollars en dépôt à la Banque centrale égyptienne. Deux annonces qui s'apparentent à un sauvetage en haute mer. L'Egypte a le temps de souffler un peu en attendant les résultats de ses négociations avec le FMI. G. H.