Le Portugal, plus spécifiquement le fado, était à l'honneur, dimanche dernier lors de la deuxième soirée du 14e Festival culturel européen, qui se déroule tout au long de ce mois de mai à la salle Ibn Khaldoun, mais également à l'auditorium de la Radio nationale et dans d'autres villes du pays. Durant près d'une heure, Gustavo, tout de noir vêtu, chanteur de fado, à la voix veloutée, délicate et dynamique, a su séduire le public présent grâce à la pureté de son interprétation parfois en trémolo roucoulant, poignant et nostalgique mais aussi souvent teintée d'une fougue et d'une énergie joyeuses et entrainantes. Gustavo a réussi transcender l'espace de la salle Ibn Khaldoun et transporter les mélomanes présents dans les ruelles sensuelles de Lisbonne ou des haras où le dressage de chevaux et de taureau se fait sous l'impulsion de chants folkloriques traditionnels d'hommes, «canções do Alentejo», des chants de travail pleins d'allégresse. Accompagné de trois musiciens, le chanteur originaire de Lisbonne a, en plus des chansons traditionnelles portugaises, également partagé avec l'assistance ses propres compositions, emplies de fraîcheur et d'allégresse. S'ouvrant vers de nouvelles sonorités, où la guitare portugaise, qui ressemble à une mandoline mais à douze cordes et aux tonalités spécifiques, s'harmonisait avec les notes des deux autres guitares classiques. Il a ainsi exploré de nouveaux horizons musicaux imprégnés de rythmes flamenco, tango, de sirtaki et même jazzy, dévoilant ainsi les infinies possibilités de sortir avec ravissement des sentiers battus et entrer en osmose avec de nouveaux univers musicaux. Digne fils de son père Antonio Pinto Basto, grand interprète de fado, Gustavo a également offert au public du fado classique dans tout son éclat. Ainsi, au-delà de la compréhension des mots, le chanteur portugais a su incarner à travers son interprétation les envolées poétiques serties d'une scintillante mélancolie aussi délicate qu'un collier de perle autour d'un cou diaphane. Pour le final, Gustavo a ainsi su renouer avec l'atmosphère intimiste et captivante du fado traditionnel, tel une invitation au spleen et à la «saudade» traditionnelle lisboète, à travers l'interprétation de l'incontournable grand classique intitulé «Lettre d'amour», dont Gustavo a même interpréter un couplet en français pour expliquer «ses mots de tristesse qui viennent du cœur et de l'âme». A la dernière note, Gustavo a été fortement applaudi par les présents saluant la prestation exceptionnelle du fadiste qui a su s'imposer par son talent, sa délicatesse sensuelle et son originalité rafraichissante dans un registre qui était dominé ces dernières années par des voix féminines. Ainsi, dans le cadre de cette 14e édition du Festival culturel européen, le Portugal a su encore une fois surprendre et séduire les mélomanes à travers le récital de Gustavo, qui a offert aux habitués l'incontournable chant fado classique. Celui qui évoque instinctivement une musique poignante portant la poésie de l'amour et de l'exil, des marins qui ont traversé les mers et dont l'être cher et toujours en attente de leur retour, de la nostalgie des délices de l'enfance, des regrets d'amours frustrés par le destin ou les affres de la jalousie et du désir. Mais Gustavo a su également, apporter du dynamisme au fado, avec des sons nouveaux langoureux, et enjoués, enrichissant le répertoire traditionnel pour le plus grands plaisir des présents qui ont fortement apprécié la programmation portugaise. S. B.